You, me, engine failure and lots of love. (Najin #1)

Il ne m'avait pas fallu longtemps pour avoir des doutes concernant Jin. J'avais simplement respecté son silence. Et je n'aurais pu que l'approuver, compte tenu de notre situation. Si les moeurs étaient plus ouvertes aux States, ce n'était pas le cas en Corée. Encore moins dans l'industrie dans laquelle il avait décidé d'évoluer. Et par sécurité pour lui, c'était mieux de le garder secret. C'est déjà ce que je fais, mais je ne pourrais pas éternellement renier qui je suis. Je soupire, les lèvres plissées. « Je sais. J'aurais aimé que les choses soient différentes. » Chacun avait le droit d'aimer qui bon lui semblait. Nous n'étions personne pour juger les états d'âme et de coeur des autres. Mais une grosse partie de notre monde ne semblait pas penser ainsi, à mon plus grand désespoir. Et le public finirait vouloir le savoir, un jour ou l'autre. Jin ne pourra le cacher éternellement aux dépends de son propre bonheur. J'aimais mon métier mais parfois j'avais l'impression d'être en décalage complet avec leurs valeurs. Et certains jours, c'est plus difficile à vivre que d'autres. Il devait être bien placé pour le comprendre, parce qu'il devait le ressentir aussi de son côté. Il m'était déjà arrivé de songer à tout arrêter parce que les règles imposées par les agences n'étaient pas en accord avec ma vision des choses. De me demander si j'étais vraiment à ma place, si je me trouvais bien là où j'aurais du l'être. Il y avait tant de petits détails qui me troublaient, ici et là. Des décisions que je ne comprenais pas et que j'étais pourtant obligée de respecter si je voulais conserver mon poste. Jin finit par poser exactement le doigt sur mes propres réflexions et je l'écoute se confier, en silence. Mon coeur battait la mesure à ses paroles et mes jambes se resserrent l'une contre l'autre. « Ils ne fonctionnent pas pareil, là-bas. » je murmure, avec un pauvre sourire. « Ici, les célébrités sont des personnes à part entière. Il n'appartient qu'à elles de faire ce qu'elles veulent avec leur image et c'est l'avantage de l'Occident. » Et les conséquences de leurs scandales, c'est elles qui les géraient de front. « En Corée, les idoles acceptent de plein gré de se remettre à leurs agences. Tout est géré pour elles, de A à Z. Mais ça veut aussi dire qu'elles ne s'appartiennent plus vraiment. Vous êtes à tout le monde et à personne en même temps. Vous représentez un idéal que le public voudrait être le seul à pouvoir posséder. Être en couple, ça revient à dire que vous délaissez vos fans pour vous donner à quelqu'un en particulier. » j'énonce platement, avec un goût amer dans le fond de la gorge. « Ce concept m'a toujours donné des sueurs froides. » je lui avoue, réprimant à peine le spasme qui me traverse à cette pensée. « Mais peut-être qu'ils finiront par comprendre que ce n'est pas la bonne méthode et qu'ils prendront exemple sur le reste du monde. » J'émettais des doutes concernant cette possibilité, je préférais croire à un monde meilleur.

La conversation finit par s'orienter de manière inattendue sur ma relation avec Ha-Ru et je me recroqueville sur moi-même, gênée. Je ne m'attendais pas à devoir faire une introspection de mes propres sentiments. Encore moins de ceux qui étaient prétendument éprouvés par le frère de Jin. J'étais sorti avec lui pendant quasiment trois ans, je me souvenais encore de la manière dont il me regardait lorsqu'on était ensemble. Enfin, je crois ? Je ne voyais pas particulièrement d'éclat dans ses yeux. Autre que l'affection qu'on se portait l'un à l'autre que l'on restait liés malgré le temps passé. Ha-Ru avait été mon meilleur ami, avant de passer à l'étape supérieure. Et il le restait, envers et contre tout. Notre amitié était l'une de mes choses qui m'étaient les plus précieuses, que je continuais de chérir malgré le passages des années et l'éloignement. Je tenais encore à lui et j'imaginais qu'il en était encore de même de son côté. Le sujet de Jinae était autre chose et j'avais moi-même du mal à verbaliser ce que je ressentais à son propos et à ma place éventuelle là-dedans. Il arrive néanmoins à me soutenir un rictus à la mention de la chasse au goemul. « Je suis pleine de ressources, tu sais. » je souffle, avec un air suffisant. « Ce n'est qu'un de mes innombrables talents. Et il y aura eu au moins une personne pour le reconnaître, même si elle n'a que deux ans. » Est-ce que j'en faisais trop ? Absolument. Mais sans la moindre honte. Et ça me permettait de changer de sujet. Parfait. Je ricane quand il me fait les yeux doux, croisant à nouveau les bras dans mon giron. « Conciliante ? Mais mon cher, je pourrais enfin être une tortionnaire en toute sérénité et dire que ce sont des gestes tout ce qu'il y a de plus affectueux envers mon beau-frère adoré. »

Tout ça, avec un air innocent des plus trompeurs.

Je vérifie ma batterie quand les phares finissent par s'éteindre et interroge Jin à propos de la sienne, profitant de l'instant pour voir où il en était avec Minjun. Celui-ci semblait bien décidé à ne pas dormir tant que nous ne serions pas rentrés. Très bien. Il se privait d'heures de sommeil supplémentaires mais je devais avouer que c'était quand même adorable de sa part. Puis des lumières aveuglantes inondent le rétroviseur central d'un seul coup, me figeant sur mon siège. Je regarde mon passager qui hausse les épaules après avoir regardé par-dessus pour essayer de distinguer quelque chose. Sans succès. « On est bien avancés. » je murmure piteusement, avant de crisper mes mains sur le volant à sa question. « Oui ? Non ? Peut-être ? J'imagine ? » En tout cas, ça aurait plus logique qu'il s'arrête à notre hauteur. Jin se met à geindre, ce qui ne m'aide en rien à rester calme. J'en étais réduite à considérer le spray au poivre qui gisait au fond de mon sac et dont je ne me séparais jamais. Elle appuie sa main sur mon épaule pour me faire glisser sur mon siège et je tasse sur moi-même, à sa suite. Puis le silence. Suivi de deux coups portés contre la fenêtre. Tout s'enchaîne. Jin se met à hurler et je hurle à mon tour, par réflexe. Une silhouette sombre nous observe de l'autre côté de la vitre, à moitié dissimulé par la lueur des phares. Et quand Jin se penche sur le côté, il finit par reconnaître Ha-Ru, un rictus moqueur sur les lèvres. « Je crois que je vais m'évanouir. » je lâche d'une voix faible, avant de tapoter mes joues pour me redonner contenance. Jin engueule vivement son frère avant de l'enlacer désespérément. Le front dans la paume de ma main, je prends de grandes inspirations pour retrouver mon calme avant de lever les yeux vers Ha-Ru. « J'ai cru que ma vie allait s'arrêter ici et maintenant à cause de toi mais sinon tout va bien, ouais. Comme sur des roulettes. » je lâche, d'une voix aussi blanche que doit l'être mon visage. Puis je finis par m'extirper de la voiture pour la contourner et le retrouver de l'autre côté. « On fait quoi ? » je l'interroge, en frottant mes bras de mes mains pour essayer de faire disparaître les frissons qui subsistent. « Tu as des câbles pour recharger la batterie ? » C'était le plus simple pour nous permettre de repartir au plus vite. Parce que je ne comptais pas abandonner la voiture sur le bord de la route, au risque de la retrouver dans un état différent de celui dans lequel je l'avais laissée. Je capte un regard perçant du côté de Jin et son sourire satisfait en nous observant me donne des envies de meurtre. Je glisse discrètement mon pouce de part et d'autre de ma gorge comme toute réponse quand Ha-Ru a le dos tourné avant de lui faire un grand sourire quand il pivote à nouveau dans ma direction. Mon sauveur.    

@Hyun Yang-Jin

Je sais. J'aurais aimé que les choses soient différentes. Et moi donc. J’étais le principal concerné dans cette histoire, après tout. Jusqu’à maintenant, je n’avais pas eu le loisir de me préoccuper d’histoire d’amour, de sentiments ou d’une quelconque possible relation et, sur le papier, ni Min ni moi n’avions le droit de sortir avec qui que ce soit pendant les trois prochaines années. Autant dire que ça limitait drastiquement les occasions de parler de mon attirance pour les hommes à qui que ce soit et, en toute honnêteté, ça m’avait permis de garder ça pour moi dans un pays qui n’acceptait que très peu la différence. Seulement, j’étais de retour aux Etats-Unis et Los Angeles restait le berceau de la tolérance et de l’ouverture d’esprit. Je n’avais plus aucune raison de me cacher ou de me brider et je n’étais pas certain de pouvoir continuer comme ça pendant longtemps. J’étais qui j’étais et ça me rendait dingue de savoir qu’on pouvait me détester voire me haïr pour quelque chose que je n’avais pas choisi et qui ne concernait que moi. « Tu ne trouves pas ça… en contradiction avec le message d’amour que notre duo, avec Min, est supposé renvoyer ? » je demande en soupirant. « Le choix de venir à Los Angeles avec un concept comme le nôtre, ça ne peut pas juste pour faire saigner du nez les fans, si ? » Je refusais de croire que tout le mystère autour duquel ils avaient décidé de nous envelopper avec Min n’était là que pour faire crier nos fans du monde entier. Je voulais y voir une ouverture, un moyen de faire prendre conscience à la jeune génération coréenne que deux hommes ou deux femmes qui s’aiment étaient également une normalité. « Peut-être qu’on peut faire avancer les choses, Min et moi. Peut-être que je n’aurais pas besoin de me cacher pendant longtemps encore, hein ? » Même si les mœurs changeaient là-dessus, rien n’était pour autant gagné. J’avais choisi la pire industrie pour pouvoir espérer vivre une idylle amoureuse tranquille, mais je n’allais pas perdre espoir pour autant. Certains idols y parvenaient alors pourquoi pas moi ? « Tu sais ce que je pense ? Que les fans sont vraiment des personnes étranges, parfois. » J’avais été un fan et quelque part, je l’étais encore. Ce rôle, je l’avais occupé avant d’autres et pourtant, jamais je ne me serais permis de penser que les stars que j’appréciais m’appartenaient au point de créer des scandales si l’un d’entre eux venaient à sortir avec quelqu’un. Est-ce qu’il n’était tout simplement pas possible de se réjouir du bonheur des autres plutôt que du contraire ? « Tu crois que Min le prendra bien… ? » je finis par demander à voix basse. À l’heure actuelle, il faisait partie des personnes à qui je n’avais pas confié ce secret, si on pouvait réellement appeler ça ainsi. Je ne doutais pas vraiment de lui, mais une infime part de moi ne pouvait pas s’empêcher de stresser à l’idée de le décevoir ou de lui faire peur. Et c’était vraiment la dernière chose que je voulais.

Notre discussion s’oriente sur un sujet plus léger mais tout aussi sérieux, à savoir la relation entre Nana et mon frère. Je les soupçonnais fortement de ne jamais avoir tourné la page et de s’aimer depuis tout ce temps, mais sans aucune conviction. Jusqu’à ce que Na-Rim m’avoue qu’elle n’avait jamais cessé de l’aimer et je pourrais presque danser de joie. Je le savais, j’ai toujours raison. Ça ravie quelque chose en moi, parce que je prends conscience que quelque chose est toujours possible et, qu’entre nous, je n’ai jamais vu Ha-Ru aussi heureux que lorsqu’ils sortaient ensemble. Alors certes, il l’était avant que Luella décide de tout foutre en l’air, mais l’étincelle que j’avais pu voir dans ses yeux quand il était ado, elle avait disparu en même temps que nous avions quitté Séoul. Elle semblait avoir refait son apparition depuis qu’on avait atterri sur le sol américain et que ses yeux s’étaient posé sur son amour de jeunesse. Et même si j’ai fait la promesse de ne rien dire à mon frère, je n’allais pas rester pour autant les bras croisés. Je voulais les voir heureux, ensemble si possible. D’autant plus que Jinae semblait l’adorer depuis cette fameuse chasse aux monstres. Nana avait forte impression ce soir-là et ma nièce ne passait pas une journée sans la réclamer. Ah, l’innocence et la pureté des enfants. Nae ignorait vraiment tout de Na-Rim pour vouloir passer autant de temps en sa compagnie. Cela dit, j’étais prêt à échanger ma place avec elle, si elle le souhaitait. Je déglutis et déchante rapidement après avoir imaginé mon agente comme belle-sœur. Enfer et damnation, ce serait un véritable cauchemar. « Tu n’oserais pas ! » je m’offusque. « Tu sais que les violences familiales sont interdites ? Je porterais plainte. T’as pas le droit ! Je suis tout ce qu’il y a de plus adorables et tu le sais, au fond de toi. De toute façon, mon frère m’aime trop pour te laisser faire et tu ne connais pas l’étendu de mon jeu d’acteur. Je peux crier. Très fort. Et pleurer sur demande. » je débite à toute vitesse, parce que fourbe comme elle est, elle est capable de faire de ma vie un Enfer, mais moi aussi, j’ai d’innombrables cordes à mon arc.

Mon frère arrive finalement sur place, manquant de nous faire faire un arrêt cardiaque à Na-Rim et moi et je quitte l’habitacle en chouinant d’avoir frôlé la mort de prés à cause de cet abruti. Abruti qui semble sincèrement de s’amuser de la situation. Je suis avec beaucoup d’attention l’échange entre lui et Nana, me retenant de glousser comme un collégien devant un k-drama. « J’ai ce qu’il faut dans le coffre. » Nous informe mon frère et je profite qu’il nous tourne le dos pour adresser un grand sourire à mon agente avant de faire plusieurs coeurs avec mes doigts. Sa réponse ne tarde pas à arriver et je glousse en silence, mes sourcils papillonnant d’innocences. Les deux voitures maintenant côte à côte, j’observe mon aîné brancher les fils sur les batteries respectives, conscient que même ça, je n’aurais pas été en mesure de le faire. La mécanique et moi, ça faisait deux. « C’était quel type d’obligation idolesque, ce soir ? » nous demande-t-il en nous regardant tous les deux de haut en bas. « Vous êtes très… classes. » Je prends la pose, posant les mains sur mes hanches et relevant la tête, bien droite, comme si j’étais encore devant les caméras. « Après, je suis toujours très classe. » je réponds en croisant les bras sur mon torse. « Mais c’est vrai que Nana est particulièrement canon ce soir. N’est-ce pas, frangin ? » Il se tourne précipitamment vers moi et je peux lire dans son regard que l’envie de m’égorger sur place est présente. Moi je jubile. « Et si tu allais plutôt voir si Jinae dort encore ? » Je sens une légère pointe de haine dans le ton de sa voix, mais je m’exécute aussitôt, une auréole au-dessus de la tête. Toutefois, je tends l’oreille et je l’entends souffler un : « Mais la couleur de ton ensemble mets tes yeux en valeur. » Je ricane en passant la tête dans la voiture pour vérifier si ma nièce dort toujours et après quelques minutes, je décide qu’il est tant de refaire mon apparition. « Jinae dort toujours tel le petit ange adorable qu’elle est. » j’annonce en les observant à tour de rôle. C’est moi où est-ce qu’ils sont tous les deux en train de rougir là ?

Je soupire, mes doigts glissant entre les mèches de mes cheveux. « Bien sûr que ça n'a pas le moindre sens. » Tout était paradoxal dans cette histoire, si on prenait le temps de l'observer de plus près. « Ils ne font rien au hasard, Jin. Encore moins lorsque ça peut leur rapporter gros. » Il m'arrivait souvent de penser que je n'étais rien d'autre qu'une escroc, en travaillant pour cette industrie. Après tout, on ne faisait que vendre du rêve. Et même si le monde en avait cruellement besoin, au vu de la misère qui nous entourait, ça restait un moyen de se faire de l'argent sur le dos des gens. Ils étaient prêts à payer pour de la marchandise à l'effigie de leurs idoles ou des concerts aux billets exorbitants et les sociétés en étaient parfaitement conscientes. À mon niveau, c'était un moyen d'accompagner des artistes dans la réalisation de leur rêve mais plus haut, c'était une source inépuisable de revenus. Quoi de mieux que de voguer sur l'actualité ? En Corée du Sud, les relations entre personnes du même sexe n'étaient pas approuvées par la société mais ça n'empêchait pas le pays de rouler sur l'or grâce aux médias axés sur le sujet. Importer ce genre de concept sur un territoire où ce thème se déployait de plus de plus, c'était comme toucher le jackpot. Les jeunes allaient se reconnaître là-dedans, s'y intéresser. Rallier une cause avec laquelle ils étaient désormais familiers. C'était en accord avec les valeurs qu'ils cherchaient à défendre pour une grande majorité. Alors que les coréens ne les partageaient même pas, dans le fond. Ils cherchaient simplement à surfer sur les tendances pour rassembler le plus de public possible et jouer sur cette dualité ne pouvait pas passer inaperçu. Semer le doute, amener des interrogations, c'était ce qui attisait le désir des fans pour leurs artistes. Et ça restait une forme d'hypocrisie que j'avais du mal à mettre de côté. « J'aimerais tellement pouvoir te dire que ça sera le cas, dongsaeng. Mais je n'en sais rien. » je rajoute, dans un souffle. Penser à toutes les choses qu'ils devaient réprimer pour convenir au système, c'était pareil à une lame chauffée à blanc plantée dans mon coeur. Si ça n'avait tenu qu'à moi, il y a beaucoup de termes qui n'auraient plus de raison d'exister, de règles qui seraient tombées dans l'oubli. Mais ce n'était pas moi qui prenait les décisions finales et ça me tuait d'admettre que je n'étais qu'un pion sur un échiquier, obligé d'avancer là où l'avait décidé. Le public n'était pas toujours celui qu'on croyait, lui aussi. Ceux qui semblaient être les plus dévots pouvaient disparaître du jour au lendemain sur une simple erreur. Ils dépassaient déjà des limites en s'octroyant des droits qu'ils ne possédaient pas et je craignais simplement que Jin ne soit blessé d'une manière ou d'une autre. Tu crois que Min le prendra bien ? Mes yeux glissent en direction de Jin et je plisse les lèvres une seconde avant d'esquisser un sourire. « Je ne le connais pas aussi bien que toi mais il n'a pas l'air d'avoir de tels préjugés. » je murmure, en haussant les épaules. « Je pense que tu n'as pas trop de soucis à te faire, le concernant. » Minjun ne me semblait pas être quelqu'un qui s'arrêtait à ce genre d'informations. Pour un coréen, il m'apparaissait comme un être sensible qui ne cherchait même pas à dissimuler ses émotions. Et le concept ne l'avait même pas particulièrement rebuté. Il l'avait accepté sans rechigner et sans montrer ne serait-ce qu'une once de dégoût. Alors même s'il n'était pas de ce bord là, il semblait l'accepter comme étant une des multiples réalités de ce monde.

Mon hurlement et celui de Jin sont pratiquement étouffés par l'habitacle de la voiture quand Ha-Ru apparaît de l'autre côté de la vitre. Mais pas complètement, vu l'air railleur qui traverse son visage en nous regardant à travers le verre fumé. Je prends une poignée de secondes pour calmer mon coeur affolé, soudainement envahie par une fatigue indescriptible. Jin se jette sur son frère, l'entourant de ses bras et je sors de la voiture pour le rejoindre à l'extérieur. Ha-Ru acquiesce à ma question avant d'aller chercher les câbles dans son coffre et j'en profite pour adresser des menaces de morts à l'encontre de son cadet pendant qu'il a le dos tourné. J'observe le plus vieux brancher les fils entre les deux batteries avant de me figer quand Ha-Ru nous étudie de haut en bas. Je n'avais été aussi consciente de ma tenue qu'à ce moment précis. « Jin est devenu l'égérie d'une marque de mode et ils l'ont invité à une réception pour une nouvelle collection. » j'explique, du bout des lèvres. Avant de devenir écarlate à la réflexion de celui-ci, remerciant l'obscurité de cacher mes pommettes brûlantes. « Qu'est-ce que- Je- Hein ? » je bégaie. Et je me sens d'un seul coup beaucoup moins stable sur mes talons. Son frère l'envoie gentiment en reconnaissance de côté de Jinae mais ça ne change rien à la sécheresse qui a subitement envahi ma gorge. Le sale petit- Les yeux d'Ha-Ru croisent les miens et je pense que je suis réduite en miettes à la seconde où la dernière de ses paroles échoue dans le creux de mon oreille. « Ah- Ah....Ah oui ? Ah ah...Merci ? » je baragouine à nouveau, mon cerveau ayant semble-t-il perdu la plupart de ses facultés habituelles. Sauvez-moi. J'allais me consumer d'embarras devant le silence qui venait de s'installer et je lève les yeux, avisant le ciel étoilé qui nous surplombe. « La lune est super belle ce soir, tu ne trouves pas ? » je lance à la dérobée, histoire de changer de sujet. Avant de me figer aussitôt en voyant son air effaré. Et de reconnecter le peu de synapses qu'il me reste en comprenant l'implication de ma question. En fait, ne me sauvez pas : achevez moi à la place. « Enfin le ciel est sympa quoi, tu vois ? On dirait qu'il est plus dégagé qu'à Séoul. C'est ce que je voulais dire par là. » je débite à toute vitesse, les joues écarlates. Est-ce que j'ai déjà mentionné le fait que je me mettais à dire n'importe quoi sous le coup de la gêne ? Ma chemise me donnait l'impression d'avoir rétréci au lavage. Ha-Ru, lui, laisse échapper un petit rire. Il avait déjà été témoin de ces petits moments de solitude et il avait toujours trouvé ça incroyablement drôle. Ses yeux embrassent la voûte céleste lorsqu'il penche la tête en arrière et je reste suspendue devant la vision de son profil auréolé par la lumière des phares dans son dos. « Ça me rappelle les soirées qu'on passait à regarder les étoiles. » Mon souffle s'étrangle dans ma gorge et des images passent devant ma rétine, pareilles à celles d'un film qu'on aurait volontairement accéléré. La lune est belle ce soir, n'est-ce pas ? La signification de ces paroles n'avait de secret pour personne, même si elle était originaire d'un pays voisin. Et je pouvais revoir avec une étonnante vivacité le moment où Ha-Ru les avait prononcées il y a plus de dix ans, son souffle s'échouant contre ma joue. Ses lèvres avaient trouvé le chemin des miennes et notre relation avait pris un autre tournant après cette soirée. Nos regards se télescopent à nouveau et je vois qu'il comprend la direction de mes pensées. Même malgré l'obscurité, j'aperçois ses pommettes prendre de la couleur, faisant battre mon coeur à toute allure.

Jinae dort toujours tel le petit ange adorable qu’elle est. Jin réapparait à ce moment précis et je crois que j'aurais préféré être frappée par la foudre que de subir son coup d'oeil inquisiteur. « On ne devrait pas surveiller la batterie ? » je demande pour couper court à tout autre moment de pur malaise. Celui-ci secoue la tête subitement, comme s'il avait été interrompu dans ses pensées avant de pivoter pour aller s'occuper des câbles. Il débranche les pinces avant de m'intimer d'aller allumer le moteur et je m'exécute, m'installant sur le siège conducteur. Mais je lâche un grognement de dépit en constatant qu'il ne démarre pas plus qu'avant. « Pourquoi est-ce que ça ne fonctionne pas ? » J'allais mourir de dépit, à ce rythme. Et Jin allait être infernal à cause d'un manque de sommeil. « Je pense que le problème ne vient pas de la batterie. Il doit y avoir autre chose. Peut-être un filtre bouché ou une connexion qui ne fonctionne plus. » Je soupire, ma main glissant le long de mon visage. « C'est bien notre veine... » Il referme le capot de la voiture avant de frotter ses paumes contre son pantalon. « Je ne pourrais rien faire de plus, malheureusement. » déclare-t-il avec une grimace. « Tu vas devoir laisser la voiture ici. Récupérez vos affaires, je vais vous ramener, Jin et toi. » Résignée, je hoche la tête en jetant un coup d'oeil à l'automobile. « Merci. Je suis vraiment désolée de t'avoir dérangé pour ça. » je souffle d'une petite voix. Nous prenons le peu de possessions que nous avions emporté avec nous pour le gala avant de prendre place dans la voiture, Jin choisissant la banquette arrière aux côtés de la petite fille endormie.           

@Hyun Yang-Jin