Exploring plenty little things about you. (Minjin #2)

« Je ne pensais pas que tu serais si...grand. » Une grimace déforme mes traits à la remarque de la mère de Jin. Il fallait dire qu'elle était plutôt petite, de son côté. Mais Joyce dégageait quelque chose de puissant pour un corps aussi menu que le sien. Et Jin n'avait pas manqué de m'expliquer que c'était elle qui tenait le rôle de cheffe de famille. En la voyant, je n'en doutais pas le moins du monde. Je me fige quand elle attrape mon visage entre ses mains, son fils geignant dans mon dos devant un tel comportement. Hébété, je me laisse faire sans broncher, le corps plié vers l'avant. « Grand et séduisant. C'est peut-être toi que j'aurais du épouser, après tout. » souffle-t-elle, malicieuse. Son mari s'approche à tout vitesse, interpellé par ses paroles et glisse un bras autour de ses épaules, agrandissant le sourire de sa compagne qui me lâche avec un petit gloussement. « Je ne sais pas comment je suis sensé le prendre mais bienvenue chez nous, Minjun dongsaeng. Jin nous a beaucoup parlé de toi. » poursuit-il, la mine avenante. Je tourne vers le susmentionné, curieux mais il secoue la tête, l'air de dire que ce n'était rien d'important et mon attention se reporte sur ses parents. « Ahjumma, ahjussi. » je réponds, en me penchant légèrement pour les saluer proprement. « Merci de m'accueillir chez vous. » Venir déjeuner chez les Hyun avait eu le don de créer un petit noeud dans mon estomac dès que j'avais eu l'information. Et sans savoir pourquoi, j'avais ressenti une pointe d'appréhension à l'idée de leur être présenté. Mais ils avaient étouffé toute gêne dans l'oeuf et je sentais la pression redescendre petit à petit face à leur naturel désarmant. Même son père, bien moins sévère pour un coréen. L'influence américaine avait du faire son oeuvre depuis le temps et ça me semblait paradoxal d'assister à une scène pareille, quand ma seule référence se résumait au mien. « Allez vous installer dans le salon, les jeunes. Je reviens avec l'apéritif et tu pourras m'expliquer ton parcours dans les moindres détails. » déclare la maîtresse de maison en m'observant intensément et je sens mes joues rosir devant son regard scrutateur. « Je...C'est à dire que...Oui ? D'accord ? » je bégaie, en frottant nerveusement l'arrière de mon crâne.

Est-ce que j'avais vraiment le choix ?
Pas vraiment, vu le regard que me lançait Jin.

Le repas se déroule paisiblement et je le dois au verre de soju qu'on m'avait pratiquement forcé à siroter, en guise de mise en bouche. Il n'était pas difficile de voir que je n'étais pas habitué à boire et la saveur douce de la boisson avait trompé ma vigilance. Reluctant au premier abord, j'avais fini par apprécier le goût sur le creux de ma langue et j'avais été envahi par une douceur chaleur avant même de m'en rendre compte. J'étais présentement fasciné par la passion avec laquelle Jong-Soo, le père de Jin, discourait sur le jeu de yut et ses multiples variantes. Au milieu de cette atmosphère américaine, il agissait comme une sorte de pointe d'ancrage, de repère familier. Et c'était rassurant, d'une certaine façon. Jusqu'à ce qu'il annonce l'heure du thé et que le reste des membres de sa famille ne déclare une pause pendant la préparation de celui-ci. « C'est tout un art, tu sais ? » me glisse-t-il, les sourcils froncés. « Mettre un sachet à infuser dans une tasse ne peut pas être appelé comme tel. C'est un sacrilège, tu n'es pas d'accord ? Il faut faire les choses correctement et- » Une main agrippe soudainement la mienne et je relève des yeux légèrement embués vers Jin, qui m'indique le couloir de l'entrée d'un geste de la tête. Il me faut quelques secondes pour relier les points entre eux et mes lèvres s'entrouvrent en comprenant son intention. Son géniteur est toujours en pleine tirade et il ne semble même pas voir que je suis emporté hors du salon par son plus jeune fils. Peut-être était-ce aussi la faute du soju, le concernant. « Il est toujours comme ça ? » je l'interroge avec petit rictus attendri alors qu'il m'entraîne en direction des escaliers. Ses parents étaient des phénomènes à mes yeux. Dans le bon sens. Mais c'était peut-être la normalité en Occident. Nous gravissons les marches avant de nous arrêter devant une porte joliment décorée. Photos, stickers, dessins et souvenirs étaient accrochés à sa surface, encadrant son prénom. Ils correspondaient parfaitement à la personne à laquelle la chambre appartenait et je laisse échapper un petit gloussement en la contemplant. « Tu me fais une visite guidée ? » je l'interroge, en pressant sa main dans la mienne. « Je suis curieux de voir à quoi ressemble l'antre de Hyun Yang-Jin à Los Angeles. » À Séoul, nous partagions une chambre et la différence entre nos deux espaces de vie s'était faite très rapidement. Mais là, c'était encore autre chose. Cet endroit résumait ce qu'avait pu être son adolescence avant de rejoindre la Corée du Sud, dans un univers diamétralement opposé. Et j'étais vraiment impatient de mettre un pied dans ce monde là, de voir de quoi il avait été composé.      

@Hyun Yang-Jin

Présentement, j'étais l'être humain le plus heureux. La famille, la mienne en l'occurrence, était ce que j'avais de plus précieux au monde. J'avais vécu la fin de mon adolescence loin d'eux et raté tellement de choses en vivant à l'autre bout du monde que je chérissais tous les moments que je pouvais passer avec eux. Les grandes tablées me rappelaient le quotidien que nous avions eu pendant longtemps quand nous vivions tous ensemble à Séoul et la présence de Na-Rim ne faisait qu'accentuer ce doux souvenir. Il ne manquait que Do-Yeon pour parfaire ce tableau, mais il ne pouvait pas profiter d'un délicieux repas tout en servant notre pays. J'espérais simplement que la prochaine fois, il pourra se joindre à nous. Je voulais qu'il puisse faire la rencontre de Min, lui aussi, d'autant plus qu'il était le seul, de mes deux frères, à être au courant de tout ce que je pouvais ressentir à son égard et j'avais besoin qu'il fasse sa connaissance pour pouvoir discuter de tout ça avec lui. Pour le moment, c'était peut-être mieux qu'il ne soit pas là, pour le bien psychologique de Min. Mes parents allaient le cuisiner aux petits oignons, enfin surtout ma mère qui mourrait d'envie d'apprendre à connaître mon partenaire. En plus d'être diaboliquement curieuse. Quant à mon père, on ne pouvait plus l'arrêter de parler quand il commençait à boire du soju et un repas chez les Hyun sans soju n'était pas un vrai repas. Il n'était donc pas difficile d'imaginer comment cette soirée allait se dérouler. Et je ne peux pas m'empêcher de glousser quand ma mère reprend la parole tout en nous invitant à regagner le salon. Non, malheureusement pour lui, il n'allait pas pouvoir éviter l'interrogatoire qu'elle avait spécialement du préparer pour sa venue. Tout le monde y passait, plus ou moins, et j'étais persuadé que Na-Rim devait se souvenir encore du sien. « Samchon ! » J'ai à peine le temps de m'asseoir sur le canapé, Min à mes côtés, qu'une petite crevette de l'espace me saute dessus pour me serrer dans ses bras. Je lui rend son étreinte, la blottissant délicatement contre moi avant de venir frotter mon nez contre le sien. Son rire me fait fondre instantanément, prouvant une fois de plus combien je suis faible face à ma nièce. Cette dernière se met debout sur mes genoux et je l'observe s'extasier devant mes cheveux roses avec un sourire plus qu'attendrie. « Cheveux beaux ! » qu'elle s'exclame en me sautillant presque dessus, des étoiles dans les yeux avant de se relaisser tomber sur moi et de pencher la tête vers Min. « Toi être prince ? » Je ne pouvais pas être on ne peut plus d'accord qu'avec elle a cet instant.

Le repas se déroule dans la joie et autour de nombreuses discussions. Ha-Ru était en train de m'expliquer la dernière affaire sur laquelle il avait travaillé, qui était maintenant résolue et je l'écoutais avec la même adoration qu'un môme de six ans. Nos vies et nos choix de carrières étaient vraiment aux antipodes l'une de l'autre et me donnaient parfois l'impression d'avoir été adopté. Comment est-ce je pouvais être si différents de mes deux frères, hein ? Toutefois, ça n'empêchait en rien de nous aimer très fort, même si ils s'étaient bien gardé de me le montrer quand j'étais plus jeune. Notre discussion est interrompue par Jinae qui commence à sombrer dans sa chaise haute et je n'ai pas besoin de supplier mon frère pendant longtemps pour qu'il accepte de me laisser la coucher. Je crois qu'il en a légèrement marre de lire la même histoire tous les soirs. Après qu'il ait couvert sa fille de bisous pour lui souhaiter bonne nuit, je m'éclipse à l'étage, Jinae dans mes bras. Pyjama enfilé, brossage de dent effectué, je la fais disparaître sous une montagne de couverture pour pas qu'elle ait froid et je m'installe sur le bord du lit pour lui lire l'histoire. Une vingtaine de minutes plus tard, Jinae dort à poings fermés et je quitte sa chambre sur la pointe des pieds pour retourner au salon où mon père semble être en roue libre, ce qui me fait glousser. Tel un preux chevalier, je viens sauver Min des griffes de mon père, ma main se refermant sur la sienne. Je lui indique le couloir d'un geste de la tête avant de l'entraîner à ma suite. Un peu de calme et de tranquillité en attendant le thé ne nous ferait pas de mal. « Non, des fois il est pire. » Oui, c'était tout à fait possible. « Quand Do-Yeon est là, ils sont inarrêtables. Il suffit que Yeonie ait bu aussi et ils peuvent débattre de tout et n'importe quoi avec passion pendant des heures. » On finissait par s'habituer et au moins, on ne pouvait pas dire qu'il n'y avait jamais d'ambiance chez les Hyun. On regagne l'étage et je m'arrête devant la porte de ma chambre en grimaçant légèrement. Je n'étais pas revenu depuis mon départ pour Séoul et j'avais oublié l'existence de toutes ces décorations. Un avant goût de mon extravagance. « Tu ne vas pas être déçu. » je lui avoue en hochant la tête, un frisson parcourant mon échine en sentant la légère pression de sa main.

« Bienvenue dans mon antre. » j'annonce en ouvrant la porte et en allumant la lumière. Ma chambre était scindé en deux. En face de nous se trouvait mon bureau, mes différentes bibliothèques et commodes et, dans un renfoncement cachés derrière le mur sur ma gauche se trouvait mon lit. Ce dernier avait été fait sur mesure pour rentrer au millimètre près dans l'espace. Mon mobilier était plutôt sobres, entièrement blanc, mais ruisselait d'indices concernant mon adolescence. L'une des étagères abritait les quelques prix de danse que j'avais pu recevoir, une autre ma passion pour la k-pop avec mes nombreux albums de BTS. Oui, j'étais un homme de goûts. Mais ce qui parlait le plus de moi était, sans aucun doute, l'immense penderie pleine à craquer de vêtements, chaussures et autres accessoires. Ça avait été un véritable crève cœur de ne pas pouvoir tout emmener avec moi. Toutefois, l'endroit que je préférais restait celui encore caché à nos yeux et j''avance de quelques pas pour nous conduire au centre de la pièce. Les murs qui encadraient mon lit étaient peints en noir, même le plafond. Sur celui-ci, des guirlandes lumineuses y étaient accrochées, donnant l'illusion d'une nuit étoilée. Le côté sombre de l'espace dénotait avec les peluches et oreillers colorés qui occupaient presque la moitié de mon lit et les nombreuses photos collées au-dessus de la tête de lit en forment plusieurs cœurs dd taille différentes. « C'est très représentatif de mon âme de bad boy, je sais. » je souffle en me laissant tomber sur le matelas, entraînant Min à ma suite. « Quand je me sentais déprimé, c'était mon endroit préféré pour réfléchir. Ou chanter toutes les chansons les plus déprimantes de la terre en espérant faire passer le message à mes parents. » Même si ma mère n'avait jamais réellement eu besoin de ça pour comprendre quand ça n'allait pas. Il lui suffisait de nous regarder pour savoir. Mon visage pivote dans la direction de Minjun et je reste silencieux, quelques secondes, à simplement observer les traits de son visage avant de reprendre la parole. « Alors, t'en penses quoi ? »

Dîner en compagnie des Hyun me prouvait à nouveau le fossé qui persistait entre l'Asie et l'Occident. Mais j'étais témoin de l'adresse avec laquelle ils avaient réussi à réunir les deux au sein d'une même maison. Chez moi, les repas n'étaient pas un moment chaleureux. Nous mangions en silence, la plupart du temps. Il était parfois troublé par des conversations polies avec ma mère, qui finissaient par s'arrêter d'elles-mêmes dès que mon père levait les yeux de son bol de chaegaejang. Et nous retournions chacun à notre plat, sans un mot de plus. Ici régnait un brouhaha presque étourdissant, tant il m'était étranger. Jin buvait les paroles de son frère cadet, Ha-Ru tandis que Na-Rim échangeait des anecdotes avec Joyce. Jinae - qui m'avait donné le doux surnom de prince Min-Min, réduisant au passage mon coeur à de gelée - dormait à poings fermés à l'étage. Do-Yeon, l'aîné n'avait pas pu se joindre au repas, pris par ses responsabilités au sein de l'armée mais il aurait eu sa juste place dans toute cette animation d'après les confidences de Jin. Quant à moi, j'écoutais diligemment son père m'expliquer toutes les subtilités du jeu de yut, les pommettes frémissantes. Je me sentais envahi par une langueur qui n'avait pas d'autre origine que le verre de soju que j'avais fini par terminer plus vite que prévu. Mais la légèreté de l'atmosphère avait aidé à m'apaiser, à abaisser mes barrières. Je me sentais bien. En sécurité. En fait, c'est exactement l'ambiance que j'aurais rêvé d'avoir à la maison. Se raconter sa journée, ses pensées, rire ensemble, imaginer l'avenir, prévoir des sorties. Des choses somme toutes banales au premier abord, mais qui me semblait précieuses parce qu'elles sortaient de l'ordinaire à mes yeux. Dans un sens, j'enviais Jin d'avoir pu vivre ça. Et ça donnait du sens à son caractère, à sa manière de se comporter avec les autres. Il avait vécu dans un environnement libre, accueillant, où l'on encourageait l'expression de soi. Où le partage était un élément central.

Être plongé au milieu d'un tel univers, c'était à la fois une bouffée d'air frais et à la fois quelque chose qui me faisait suffoquer et c'était particulier à éprouver, comme sensation.

Inhabituel, mais profondément fascinant.  

Jin m'arrache à ma discussion avec Jong-Soo - ou plutôt son monologue passionné - et je suis entraîné vers les escaliers menant à l'étage. Je glousse à sa réponse concernant son paternel. Qu'est-ce qui pouvait être pire que ça ? Je n'étais pas certain de vouloir le savoir, en fin de compte. Mais il poursuit en incluant son aîné et mon rire redouble en les imaginant partir en débats plein de fougue et de gestes des mains pour accentuer leurs paroles. Nous gravissons les marches avant de nous arrêter devant sa porte qui est à son image. Pimpante et expressive.  Je retiens à peine le large sourire qui me prend à cette vision, s'accentuant davantage à sa réponse. Puis il ouvre la porte et je suis transporté dans un autre univers. Mes yeux papillonnent ici et là, imprimant les plus petits détails et je finis par faire quelques pas, furetant dans la pièce. Trophées, albums de kpop, photos. « BTS, hein ? » je lâche, amusé. Avant d'écarquiller les yeux en avisant sa penderie pleine à craquer de vêtements. Des paires de chaussures dépassaient des portes et je pense à ma petite armoire et au strict nécessaire que je possédais à Séoul. Je n'avais jamais eu autant de vêtements que depuis la formation de notre duo et ça me semblait parfois déjà excessif. Mais j'avais pas mal de marge, en fin de compte. « Oh. » je souffle, lorsque nous atteignons la seconde partie de sa chambre. C'était époustouflant. Et ça lui correspondait tout à fait. J'examine les photos dispersées sur sa tête de lit quand il m'attire à ses côtés sur le lit et je me laisse rebondir sur le matelas avec un petit rire. Puis je m'allonge sur le côté, un bras replié sous ma tête. J'observe les guirlandes accrochées au sommier, donnant l'illusion d'une nuit étoilée. « Une âme tout ce qu'il y a de plus sombre et torturée. » je plaisante, les yeux néanmoins plissés en une expression attendrie. Puis mes lèvres frémissent de nouveau à ses paroles. « Je ne doute pas une seule seconde qu'ils aient reçu le message cinq sur cinq. » Mais le visualiser en train de le faire était incroyablement divertissant et je pouvais pratiquement assurer que les Hyun avaient du vivre des moments uniques, grâce à Jin. Alors, t'en penses quoi ? Mes yeux croisent les siens pendant une poignée de secondes et je mordille l'intérieur de ma joue. Puis je finis par rouler sur la gauche pour terminer sur le dos, les mains jointes sous ma nuque. « Je me dis que tu prendrais peur si tu voyais la mienne. » je confie, avec une grimace. « Si tu veux te faire une petite idée, on se rapproche plus d'une cellule de prison côté décoration. » Un gloussement. Je n'avais jamais été très matérialiste et notre demeure toute entière avait été pensée sous le signe de la sobriété. Avoir des cheveux colorés était déjà une prouesse pour moi, habitué au noir originel de ma tignasse. « Mais ta chambre est vraiment à ton image, hyung. Pétillante. Authentique. » je souffle, dans un sourire. « Unique. » La chaleur logée dans mes pommettes s'était répandue au reste de mon corps et j'avais l'impression de flotter dans une mer de coton. Je m'étire, réprimant un bâillement avant de poser une main sur mon ventre, tapotant légèrement celui-ci de mes doigts. « Et je comprends pourquoi Na-Rim refusait d'acheter une nouvelle commode pour la nôtre. » Elle aurait aussitôt été investie par d'autres habits de Jin, sans la moindre hésitation. « Tu crois qu'elle s'en rendra compte si tu en prends quelques uns pour les ramener ce soir ? » J'étais certain qu'il devait y avoir, dans cette penderie, des trouvailles comme seul lui savait les faire. Je ferme les yeux, me laissant porter par la douceur de l'instant. « Il était comment, le Jin adolescent de Los Angeles ? » je finis par demander. Elle était déjà terminée quand nous nous sommes rencontrés et dans un cadre comme celui, j'étais dévoré par la curiosité. Mais je ne peux pas réprimer la tendre émotion qui me traverse en projetant un jeune Jin aux cheveux déjà bariolés, le visage barré d'un sourire éclatant.                     

@Hyun Yang-Jin

Oui BTS. Quoi de plus classique, me diriez-vous. Ce groupe n'était plus à présenter tant il avait conquéri le cœur de millions de fans au quatre coins du monde et j'en faisais partie, sans très grand étonnement. J'avais découvert l'univers de la k-pop grâce à eux, en partie. Ils étaient, à mes yeux, un modèle de réussite et je les admirais énormément pour tout ce qu'ils avaient accomplis au fil des années. « Je ne suis pas un grand original. » je réponds en avisant mes albums. Si on fouillait bien, deux ou trois albums d'EXO-K et de Shinee devaient traîner dans le coin également. « Et encore, tu as raté l'époque où j'avais des posters d'eux sur la quasi totalité de mes murs. » Sans compter sur tous les produits dérivés que j'avais collectionné et qui m'avait coûté, à de trop nombreuses reprises, la totalité de mon argent de poche. Mais mon plus grand trésor restait toutes les photocards de Jungkook que j'avais soigneusement rangé dans un album à son effigie. Le Monsieur était fichtrement canon aussi et, je devais bien l'avouer, il avait été le crush de mon adolescence, comme tant de personnes avant moi. Mais ça, j'allais bien me garder de l'avouer, pour le moment. J'avais une réputation à tenir et ce n'était décemment pas le genre d'informations que je voulais voir traîner sur les réseaux. Ce serait affreusement gênant. Pour moi et pour Jungkook. Puis on se détache de ma bibliothèque de k-pop pour regagner mon espace nuit et je m'écroule sur mon lit, entraînant Min à ma suite. Allongé sur le dos, j'observe les guirlandes au-dessus de ma tête, un sourire sur les lèvres. « Tu me crois si je te dis que j'ai eu une période emo ? Alors je t'assure, l'âme sombre et torturée est passée par là. » Je me suis cherché pendant longtemps, ce qui expliquait en partie ma penderie pleine à craquer. Mes parents me voyaient changer de style à peu près tous les quatre matins et je me demandais encore aujourd'hui comment ils avaient fait pour survivre à mon adolescence. Puis j'avais fini par comprendre que je n'avais pas besoin d'un seul style pour me définir et aujourd'hui je choisissais mes tenues en fonction de mon humeur, principalement. Je n'avais pas été un adolescent problématiques, mais personne n'avait eu le temps de s'ennuyer pour autant avec moi.

Je fronce les sourcils à la confidence de Min concernant sa chambre, me redressant sur mes coudes pour mieux l'observer. On n'avait pas forcément eu le temps de décorer notre chambre depuis notre arrivée à Los Angeles, même si mon espace commençait très nettement à me ressembler et j'avais mit la sobriété du coin de Min sous l'absence de temps libre pour s'en préoccuper. « Je sais que ça peut paraître dérisoire vu le peu de temps qu'on y passe depuis notre arrivée, mais je n'arrive pas à me défaire de l'idée qu'une chambre, c'est comme le miroir de notre âme. Elle décrit qui on est, en plus de nous faire nous sentir bien quand on en a besoin. » Je roule sur le côté, serrant un coussin fleur entre mes bras. « Et tu es bien plus que trois pauvres meubles blancs, Minjun. Tu n'as pas envie de décorer ton espace pour, justement, le rendre à ton image ? » On ne pouvait pas faire tout et n'importe quoi non plus, mais personnaliser le tout ne pouvait faire de mal à personne. À défaut d'avoir notre propre chambre séparée, il pouvait au moins avoir un espace à son image et dans lequel il se sentirait bien. Et je comprends pourquoi Na-Rim refusait d'acheter une nouvelle commode pour la nôtre. Je plaide coupable. Mais je possédais bien trop de vêtements pour si peu de place et les laisser dans des cartons me fendait le cœur. « Elle m'a obligé à faire du tris dans mes affaires avant qu'on quitte Séoul. » j'annonce, d'une voix grave. Une étape nécessaire mais que j'avais vécu comme un deuil. « Heureusement, mon oncle et ma tante ont accepté d'en garder une partie chez eux. Je n'aurais jamais pu faire plus de sacrifices. » Faire don de quelques pièces s'était déjà avéré être un crève cœur alors si j'avais dû me séparer du reste, je n'aurais sûrement pas survécu. « Il y a peu de chance pour qu'elle s'en rende compte ce soir, parce qu'elle sera encore sur son petit nuage après avoir vu mon frère. Mais il est évident qu'elle finira par s'en apercevoir. » Œil de lynx était devenu son petit surnom affectif. « Mais c'est vrai que maintenant que tu le dis, il y a bien deux ou trois tenues que j'aimerais bien ramener. Et je suis sûr qu'on peut te trouver quelques petites choses. » Minjun avait un style bien plus classique que le mien, mais toute bonne fashionista possédait dans sa penderie des indémodables et de très grands classiques. Si Min les voulait, je préférais que ça se retrouve dans ses affaires plutôt qu'à prendre la poussière chez mes parents.

Il était comment, le Jin adolescent de Los Angeles ? Je me remets sur le dos, un soupir accompagnant mon geste. Rien de très glorieux, à l'époque. « J'étais clairement un loser. » je souffle, sur un ton entre l'amusement et la douleur que pouvait me rappeler ce souvenir. « Du point de vue des autres, pas du mien. Mais je n'étais pas vraiment comme eux le voulait alors je préférais rester seul. » Je ferme les yeux quelques secondes, mes mains se posant sur mon ventre. « Ça a changé quand ma mère m'a inscrit à des cours de danse. » J'y ai rencontré des personnes tellement bienveillantes, des amis que j'avais toujours aujourd'hui, même si la distance nous avait séparé. « À partir de ce moment-là, je ressemblais plus ou moins au Jin que tu connais. Attends. » je termine en me redressant pour aller fouiller dans un des tiroirs de ma commode. Je reviens m'asseoir en tailleur sur le lit avec un énorme album photos. « Il y a l'entièreté de ma vie en clichés là-dedans. » Notre mère avait fait la même chose pour ses trois enfants. Des albums retraçant chacune de nos années depuis notre naissance. Pour ma part, les photographies se calmaient autour de la quinzaine, mais elle avait récupéré toutes les photos que j'avais pu leur envoyer pendant que j'étais loin d'eux. « Oh et je faisais des dance covers sur YouTube. Et avant que tu ne le demandes, oui, il y a eu beaucoup de BTS. » j'avoue en riant. Puis j'ouvre l'album a la première page avant de le tourner en direction de Minjun. Le premier cliché était une photo de ma mère et moi à la maternité. Le deuxième datait de mes premières semaines de vie, dans les bras de mes grands-frères. « J'étais déjà tellement adorable. » Et très modeste, tout à fait.

La chambre de Jin fourmillait d'informations du sol au plafond et je n'avais aucun mal à l'imaginer évoluer dans un environnement si chatoyant. Des albums s'alignaient sur des étagères, non loin des trophées de danse et même s'il souligne l'absence de posters qui remplissaient autrefois les murs de la pièce, ils y avaient tout à fait leur place. Cet espace était à son image. Et je ne pouvais pas m'empêcher de penser au néant que représentait la mienne, à Séoul. Nous n'étions pas particulièrement matérialistes et je n'avais jamais vraiment été encouragé à m'exprimer au travers de la décoration de ma chambre. Elle était simple, fonctionnelle. Elle n'avait jamais vraiment eu vocation à servir de havre de paix, quand j'y pense. Mais à côté, elle faisait peine à voir. Jin l'aurait sûrement trouvée impersonnelle, quand on la comparait à la sienne et cette simple pensée suffisait à me faire grimacer d'embarras. Jin m'entraîne dans la deuxième partie de la pièce et je retombe sur le lit à ses côtés. Un sourire traverse mon visage en avisant les guirlandes, les coussins colorés sur la couverture et les photos disséminées sur sa tête de lit. C'était tellement...lui. Je pouffe en l'écoutant se confier sur une période sombre de sa vie et l'imaginer avec une mèche de cheveux traversant son visage me fait redoubler d'hilarité. Je n'avais pas le moindre doute sur le fait que Jin avait du passer par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel pendant son adolescence. Il avait l'air du genre à vouloir tout essayer, à expérimenter des styles différents pour décider de celui qui lui conviendrait le plus, passant d'un extrême à l'autre. Jusqu'à devenir celui qui se trouvait à ma droite, séduisant dans sa façon d'être unique en son genre.

Jin était beau. Il aurait fallu être aveugle - ou sacrément dans le déni - pour ne pas s'en apercevoir. Il possédait un charme qui lui donnait la possibilité de se permettre tout un tas de choses. Que ce soit en costume trois pièces ou en survêtement, il exsudait une prestance qui lui était propre. Des traits doux, sans dénaturer sa masculinité. Je ne l'avais jamais vu plus sûr de lui et viril qu'en portant une jupe, soulignant sa taille mince et ses longues jambes. Et sa décomplexion face aux diktats de la mode et de la vision des autres me poussait à faire des efforts pour me démarquer davantage, de mon côté. Je restais quelqu'un de bien plus classique, à côté. Même si l'industrie m'avait ouvert une nouvelle facette de ma propre image, avec ses différentes variantes. Mais Jin restait mon inspiration première et avancer près de lui m'avait permis d'apprendre de nombreuses choses, sur les autres et surtout sur moi-même. Je finis par me confier sur ma propre chambre et je le sens se mouvoir sur le matelas, éprouvant la pression de son regard. « Ma chambre n'a toujours servi qu'à dormir, me changer et réviser. » je rajoute piteusement. Je me rends compte que dit comme ça, c'était déprimant au possible comme conception de son propre espace de vie. « La plupart du temps, j'étais dans le jardin. » J'avais toujours préféré l'extérieur. Je regardais ma mère jardiner, tailler les rosiers et arroser le potager. Je traînais dans le quartier, sous le regards des anciens. Je m'occupais des chats abandonnés, à l'abri des secrets. Timide par nature, je n'avais pas été un enfant très sociable et j'avais toujours préféré le calme aux bousculades de mes petits camarades. Je m'étais abîmé dans la lecture ou l'observation du paysage qui m'entourait, curieux du fonctionnement du petit monde. Je hausse les épaules à sa question, mordillant ma lèvre inférieure. « Oui ? Il faut que je réfléchisse à ce que je pourrais y mettre. Je ne me suis pas vraiment posé la question. » je murmure, en fronçant les sourcils. Avant de rire à nouveau devant ses confidences à propos de Na-Rim et de la montagne de vêtements qu'il avait du laisser à Séoul. Le double était enfermé dans cette seule pièce et additionner le tout me donnait le tournis. « Un crève-coeur. » je commente, avec un rictus. Jin et la mode. Une histoire d'amour interminable et surtout passionnelle. Mes lèvres s'entrouvrent quand il mentionne son grand frère et sa relation avec Na-Rim et je fais difficilement tourner les rouages de mon cerveau mais il diverge déjà sur ses vêtements et je me redresse sur les coudes, surpris. « Je te vois venir, Jin-tina Cordula. » je souffle, les traits creusés par une expression facétieuse. Il avait de la chance, nous faisons quasiment la même taille. « Je suis sûre que tu trépignes déjà, avoue. » Il devait mourir d'envie de me faire essayer plein de choses, juste pour le plaisir de me voir porter des habits qui sortaient de mon ordinaire.

Finalement, je l'interroge sur sa période adolescente en générale. Hormis ses explorations vestimentaires, j'étais curieux de savoir quel garçon il avait été avant que l'on se rencontre. Et surtout, dans un environnement comme celui des Etats-Unis. Ils possédaient une liberté et une ouverture à une échelle différente de la nôtre, en Corée. Sa réponse me surprend et je roule à nouveau sur le côté pour pouvoir le regarder. Imaginer Jin comme un "loser" ne m'aurait jamais traversé l'esprit. Mais comme quoi, il était facile de se tromper sur les gens. Ou d'avoir des aprioris, qu'ils soient bons ou mauvais. Je l'écoute silencieusement, effleurant son profil des yeux. Il se lève d'un seul coup, revenant avec un album épais qu'il ouvre au début avant de me le tendre. Je me redresse sur le lit, glissant une jambe sous moi pour être plus confortable. « La biographie de Hyun Yang-Jin en photos. » je plaisante. Avant de hausser un sourcil, glissant une main dans mes cheveux pour les lisser en arrière. « Comme c'est étonnant. J'en tombe des nues. » Jin et son admiration sans bornes pour BTS, comme j'avais pu le remarquer depuis mon entrée dans sa chambre. Mon sourire s'approfondit à la vision du bébé lové dans les bras de sa mère sur le premier cliché. Difficile de louper l'air de pure félicité sur le visage de Joyce. Et la fierté sur ceux de ses frères. « C'est vrai. » je souffle, attendri. À défaut d'être modeste, on ne pouvait pas nier qu'il était très mignon. Je fais défiler les pages les unes après les autres, laissant échapper des commentaires amusés face aux grimaces et aux instants de sa vie capturés par sa maman. « Je comprends enfin l'origine de ton penchant pour les peluches. » je ricane en apercevant une photo où il disparaît pratiquement sous une montagne de ces créatures. Accompagnée d'une autre où s'agrippe à un Pikachu à taille humaine dans ce qui semble être un centre commercial. Dans beaucoup d'autres, on le voit déguisé et en pleine prestation dans différentes pièces de la maison. Jusqu'à un adolescent dégingandé à la coiffure discutable, un skateboard sous le bras. « Une période sombre, je peux enfin le certifier. » Un gloussement m'échappe et je me fige, jetant un coup d'œil du côté de Jin pour voir si j'allais me prendre une tapette dans la nuque pour m'être moqué de lui. Celle d'après me fait froncer les sourcils et je pivote enfin la tête complètement dans sa direction. « Tu t'es cassé tout le bras ET la cheville ? » je l'interroge, en avisant le cliché le représentant en fauteuil avec ledits membres plâtrés. « Comment tu t'es fait ça ? Skateboard ? »                               

@Hyun Yang-Jin

Il y avait quelque chose d'extrêmement doux dans cet instant, quelsue chose qui me donnait envie de mettre le temps sur pause et de profiter indéfiniment de cette discussion. Parfois, j'avais l'impression de le connaître, parce que nous vivions e travaillions ensemble et d'autres fois, comme en ce moment, je me rendais compte que j'en étais finalement bien loin. Je ne connaissais presque rien de son passé, de ce qu'avait été sa vie avant. Nous n'avions jamais vraiment eu le loisir de discuter à cœur ouvert, de nous confier et d'évoquer des souvenirs qui nous étaient chers, parce que le temps était quelque chose qui nous manquait cruellement. Mais il était mon partenaire et je mourrais d'envie d'en savoir plus sur lui. Surtout que nous venions de deux milieux complètement différents et ce qui pouvait me sembler être la normalité, de mon point de vue, ne l'était pas forcément pour lui. « Même pas un petit poster accroché à un mur ? » je demande, un sourire rieur étirant mes lèvres. Dans un sens, je n'étais pas forcément étonné de cet aveux, concernant sa chambre. J'avais eu le temps de me rendre compte que Minjin n'était pas matérialiste et quelqu'un de très simple. Il se contentait de peu et de ce qu'on lui donnait. « Je n'ai aucun mal à t'imaginer observer les insectes pendant des heures. » je glousse. « Ou encore à t'occuper des animaux errants que tu pouvais trouver dans la rue. » Minjun avait un cœur en or et une bonté d'âme comme j'en avais rarement vu chez personne. Il faisait passer le bonheur des autres avant le sien et savait être une oreille attentive en cas de besoin. Min dégageait ce petit quelque chose qui donnait envie de se confier à lui et de lui faire confiance. Je finis par lui demander si il a envie de décorer son espace dans la chambre et sa réponse me ferait presque sautiller de joie. « Je peux te confectionner les meilleurs tableaux Pinterest pour t'aider dans cette grande épreuve si tu veux. » J'avais déjà beaucoup trop d'idées de thèmes susceptibles de lui plaire. Mais, en plus d'être décorateur à mes heures perdues, dans une autre vie, j'étais forcément créateur. Ou mannequin. Ou les deux. La mode et moi, c'était une grande histoire d'amour. J'aimais les vêtements, j'aimais porter des styles differents selon mon humeur et devenir idol était le paradis de la fringue. Le problème étant que j'avais tendance à faire un peu trop d'achats compulsifs lorsqu'une pièce me plaisait et qu'entre les vêtements que nos stylistes nous concoctaient et les miens, il allait bientôt me falloir deux dressings rien que pour moi. L'espace que les vêtements de Min occupait était dérisoire à côté. Mais est-ce que j'étais à ça près ? Certainement pas. Une ou deux tenues supplémentaires dans mes placards n'allaient pas changer grand chose. Et si Na-Rim avait le malheur de râler, je pouvais toujours feinter l'ignorance. Comment ça ce pantalon n'était pas là hier ? Mince, il a dû malencontreusement tomber dans mon sac... « Je trépigne effectivement d'impatience. J'ai très hâte d'avoir un défilé privé de ta personne. Je sais déjà ce que je vais te proposer. » Mon cerveau ne fusait jamais autant que quand il était question de vêtements.

Je lui explique mon adolescence à Los Angeles, loin de celle qu'on pouvait s'imaginer en me regardant maintenant. J'étais loin d'être aussi affirmé et sûr de moi, à l'époque. Du moins jusqu'à ce que je rentre les bonnes personnes. Mais je n'avais aucun regret la concernant. Ça m'avait aidé à me forger et je n'avais pas changé, pour qui que ce soit, et ça, ça restait ma plus grande fierté. Je me redresse en repensant à l'album photo que ma mère avait confectionné avec soin depuis ma naissance et pars le récupérer avant de revenir m'installer en tailleur sur le lit. « Je suis sûre qu'elle est en train d'en faire un deuxième en rajoutant des coupures de presses... L'avantage c'est que si un jour une maison d'édition veut écrire ma biographie, ils auront deja une trame. » Bon, ce n'était décemment pas pour tout de suite, mais rêver n'était pas encore interdit. J'en profite pour glisser que j'ai commencé sur YouTube (comme beaucoup) en faisant des dance covers des grands groupes de l'époque. BTS, pour ne citer qu'eux, evidemment. J'ouvre finalement l'album à la première page avant de le tourner vers Min pour qu'il puisse le regarder à sa guise. Les pages défilent sous ses yeux et j'observe chacune de ses expressions, sans jamais réussir à me détacher de son doux visage. Je glousse quand il commente ma courte periode emo, mais qui avait toutefois le merite d'exister, remerciant en silence ma mère de ne pas m'avoir mitraillé de photos tous les quatre matins. « Oh. Très tres longues histoire. » je souffle d'un air dramatique. « Skateboard. » j'affirme en hochant la tête. « J'ai voulu tenter une figurine en imitant mes frères. Est-ce qu'il est utile de préciser qu'ils étaient dix fois plus expérimentés que moi et que ça sentait l'échec à plein nez ? Oui, mais je voulais impressionner quelqu'un. » Quelqu'un qui, je l'avoue, s'en fichait complètement de moi et ne devait même pas connaître mon existence. « J'ai lamentablement rencontré le sol et cette cascade m'a coûté bras et cheville. Je n'ai jamais vu mes frères aussi paniqués de leur vie. Quant à cette fameuse personne, elle m'a évidemment remarqué, mais pas comme je l'espérais. » je termine en grimaçant. « On a parlé de cette scène pendant toute l'année scolaire. Et pas en bien. » Heureusement que j'avais beaucoup d'autodérision, soyons honnête. « Ça a été la pire periode de ma vie. » j'avoue en insistant bien sur l'objectif. « Ne plus pouvoir danser était pure que tout. » C'était comme m'arracher l'une de mes fonctions vitales.

Je n'ai aucun mal à t'imaginer observer les insectes pendant des heures. Je grimace, mes doigts fourrageant dans mes cheveux. Quand je pensais à notre duo, je ne pouvais pas m'empêcher de le relier à la paire la plus célèbre dans le monde du cirque. Jin était l'auguste et moi, le clown blanc. Il était solaire, blagueur et expansif. Pour ma part, j'avais l'habitude rester en retrait et je n'aimais pas particulièrement attirer l'attention. Difficile quand on faisait un bon mètre quatre-vingt cinq et qu'on avait choisi le monde du divertissement comme profession. Pourtant, je n'étais pas extraverti par nature. Être sur scène faisait ressortir une facette de moi-même que je n'avais jamais vraiment pris le temps d'explorer avant de commencer mon entraînement d'idole. Comme une sorte de dissociation, où le Minjun habituel était assis dans un coin et où un autre prenait sa place, l'espace d'une prestation. Où je laissais le silence et le calme pour la frénésie d'une foule en délire. Même si je ne préférais rien de plus qu'être allongé sur l'herbe et observer les nuages, le visage caressé par les rayons du soleil. Mon enfance s'était résumée à des heures de contemplation de la nature qui m'environnait ou de sauvetages d'animaux divers et variés. Comme je n'avais pas le droit d'en avoir à la maison, je passais la plupart de mon temps à leur construire des abris avec tout ce que je trouvais et à leur apporter de la nourriture en secret. « Touché. » je glousse, frottant ma mâchoire avant de lui expliquer l'absence de décoration dans ma chambre à Séoul. Bien que je n'ai pas vraiment réfléchi à la manière de personnaliser mon espace dans la nôtre, je voulais bien qu'il m'assiste dans cette tâche. Autant dire que c'était comme lui annoncer que Noël était arrivé en avance. Ou qu'il avait le droit à une double ration de frites au diner. Je ris à nouveau dans son exaltation avant de le questionner à propos de ses habits, faisant redoubler l'éclat dans ses yeux. Jin et la mode. Na-Rim s'échinait à le restreindre concernant les tenues confectionnées pour nos différents événements, ce qui ne l'empêchait pas de récupérer certaines pièces quand elle avait le dos tourné. Ou de leur demander discrètement de les faire livrer chez nous. Il me fait comprendre qu'il serait ravi de me faire don de quelques spécimens dans son armoire et je vois à son regard qu'il meurt d'envie de m'habiller comme il aurait pu le faire avec une poupée. J'arrive presque à distinguer les rouages de son esprit et mes lèvres frémissent. Mais je n'arrivais pas vraiment à choisir si c'était d'anticipation ou de crainte.

Son adolescence me surprend et j'ai du mal à me l'imaginer solitaire. Pourtant, il restait un garçon asiatique au milieu d'une culture majoritairement occidentale. Il ne ressemblait pas à ses petits camarades et ça avait du jouer en sa défaveur. Il arrivait que les enfants soient sans pitié, quand il était question de différence. Surtout à l'adolescence, où chacun essayait de trouver sa place. La danse avait été un moyen pour lui de se faire la sienne et je pense que c'était simplement une question de destinée, le concernant. Il était fait pour ça. Il y avait une grâce dans ses gestes, un souffle en lui qui semblait presque divin tant il semblait faire corps avec le mouvement. Jin en avait une maîtrise effrayante. Il pouvait battre la mesure sans tressaillir, suivre les ondulations d'une mélodie sans ciller. Rien ne semblait trop difficile à accomplir, quand on le regardait se mouvoir au son de la musique. Apprendre qu'il avait posté des vidéos sur Youtube ne m'étonnait même pas, en fin de compte. Majoritairement sur BTS, encore moins. Je fais défiler les pages de l'album petit à petit, observant l'évolution de Jin au travers du papier glacé et ça me donne un aperçu de son enfance, de sa vie aux Etats-Unis. Je le reconnais dans des sourires éclatants, des regards pétillants et ces souvenirs de prestations dans le salon, orné d'une magnifique cape en velours rouge. Jusqu'au cliché de lui prostré dans un fauteuil roulant, la cheville et l'un de ses bras plâtrés. Il confirme que cette blessure était bien due à une blessure en skateboard et je l'écoute, visualisant sans mal Jin essayer d'imiter ses aînés. Ainsi que leur panique, lors de l'accident. Je fronce les sourcils à la fin de son explication, les doigts crispés au bord de la page. « Tu lui as peut-être fait forte impression sans le savoir ? » je souffle, en haussant les épaules. C'est à mon tour de grimacer à ses paroles et je sens mon coeur se serrer en avisant son expression. « Les adolescents sont cruels. » Un soupir. Quand il était question de moqueries ou de ragots, il n'y avait pas de pire endroit qu'un lycée. Je pivote sur le côté pour pouvoir le regarder. « Je t'aurais fait des gyeran sandwichs en forme de renard pour te réconforter, si j'avais été là. » je rajoute, avec un sourire dépité. Dans un moment de souffrance comme celui, j'aurais donné n'importe quoi pour avoir un ami à mes côtés afin de me soutenir. Il avoue justement à quel point cette période a été difficile pour lui et je n'en doute pas une seule seconde. « J'imagine que les retrouvailles ont du être intenses. » je plaisante, en cognant mon épaule contre la sienne avec un rictus amusé. En baissant les yeux, j'avise la fine cicatrice barrant son avant-bras, juste sous son coude. Je n'avais jamais fait attention à sa présence, Jin étant habituellement couvert par des manches longues. Et sans réfléchir j'en suis la ligne, survolant sa peau du bout des doigts. « Ça a du être douloureux... » je murmure d'une voix peinée, la tête penchée sur le côté. Avant de m'arrêter net, reculant ma main d'un geste vif sous son regard indéchiffrable. « Désolé. » Je ne savais pas ce qui m'avait pris. Les pommettes brûlantes, je sens mon coeur s'emballer et je peine à réfléchir de manière cohérente. Trouve quelque chose, Minjun. « Je me suis foulé la cheville, une fois. » je finis par confier, à défaut de trouver autre chose. « Un chat semblait coincé dans un arbre près de chez moi et j'ai grimpé dedans pour aller le chercher. Mais il est passé par une branche pour rejoindre le toit de la maison d'à côté et je me suis retrouvé tout seul en haut. » Je m'étais senti vraiment bête, sur le coup, en le voyant disparaître avec une facilité déconcertante. Et je me revois à cheval sur une autre branche, à regarder le vide et à déglutir difficilement devant la hauteur. « Je ne voulais pas appeler quelqu'un alors j'ai fait le chemin inverse pour redescendre. Et j'ai glissé. Ma cheville est restée violette pendant au moins quatre jours et mon père m'a passé le savon du siècle. » je termine, avec un petit rire. « Depuis, j'ai une relation complexe avec les félins. Je pense qu'on peut évoquer une certaine peur de l'abandon, tout ça. »                                        

@Hyun Yang-Jin

Quand on est jeune, qu’on a le béguin pour quelqu’un, on est stupide, c’est un fait avéré auquel je n’avais, malheureusement, pas échappé. Et cette stupidité m’avait coûté, en plus de ma dignité, un séjour en fauteuil roulant, bras et poignet plâtré, pendant de longues semaines. Semaines qui m’avaient semblé durer des années tant ça avait été long de rester assis à longueur de journée sans pouvoir danser. Finalement, c’était la chose que je regrettais le plus parmi tout ce que cette chute en skateboard m’avait apporté. Les moqueries à l’école, me ridiculiser devant le garçon qui faisait battre mon coeur, ce n’était rien à côté. Enfin, l’adolescent que j’étais avait réellement eu envie de se terrer jusqu’à la fin de ses jours – ou du collège, tout du moins, mais la honte et le malaise s’était vite envolés pour laisser place à une profonde frustration. Et non, remuer le popotin sur mon fauteuil ne m’avait pas spécialement aidé à me sentir mieux. Je n’avais plus vraiment retouché à un skate depuis, par peur de récidiver et ce n’était pas prêt d’arriver de nouveau. De toute façon, Na-Rim me tuerait si je lui soumettais l’idée. Un idol plâtré, c’était la dernière chose que la production voulait. Tu lui as peut-être fait forte impression sans le savoir ? Je ris, nerveusement, tout en hochant la tête. « Oh mais j’ai fait forte impression. Mais pas comme je l’aurais souhaité. » Définitivement pas. Tout le reste de l’année scolaire avait été synonyme de cauchemar éveillé. Je pensais qu’ils finiraient tous par vite oublié, mais un imbécile avait posté la vidéo de ma chute avec un montage parfaitement hilarant (je ne pouvais pas lui enlever, maintenant que j’avais un peu plus de recul sur le sujet) et qui était devenu viral en quelques minutes seulement. La magie des réseaux sociaux, pas vrai ? Mes parents avaient dû se battre avec le proviseur pour qu’il réagisse, trouve le coupable et l’oblige à la supprimer. « Au moins, ça, c’est quelque chose d’universel. » je souffle tristement. Tout comme le harcèlement scolaire. Et que ce soit aux Etats-Unis ou en Corée, on ne sensibilisait pas suffisamment les adolescents à ça. Puis mes yeux s’emplissent d’amour à la confession de Minjun et je me sens émotif, tout d’un coup. « Tu aurais été le meilleur des meilleurs amis. » J’hoche frénétiquement la tête pour appuyer mes propos tout en essayant, vainement, de retenir mes quelques larmes. Je suis un être sensible okay ?

La discussion dévie sur l’abomination que ça avait été de ne pas pouvoir danser pendant autant de temps et je rends le coup d’épaule que Min me donne, sourire aux lèvres. « Presque aussi intense que lorsque que je peux de nouveau manger du gras. » En fait, je n’étais pas difficile à définir. Je vivais pour la danse et la nourriture. J’étais aussi simple que ça. Puis d’un coup, j’ai l’impression qu’un courant électrique parcours mon échine et je retiens brièvement ma respiration en sentant le doigt de Minjun effleurer ma cicatrice. J’avais tendance à l’oublier, parce qu’elle faisait partie intégrante de moi. Sa main se retire vivement et je prends une respiration tremblante avant de secouer la tête négativement. « Ce n’est rien ? » Si, en fait, c’était tout. Tout et rien à la fois, à vrai dire, mais présentement, surtout tout. Mon cerveau venait de disjoncter une nouvelle fois à cause de lui et je sentais mon coeur battre sourdement dans ma poitrine. C’était terrible de ressentir autant d’émotions simplement à cause d’un geste aussi basique. Je me suis foulé la cheville, une fois. « Ah ? » je demande, en me donnant des claques mentales pour reprendre pleinement mes esprits. Je l’écoute me raconter son histoire d’arbre et de chat avant de froncer les sourcils à la réflexion sur son père. Je n’avais pas eu la chance de connaître les parents de Min avant qu’on parte. Je les avais seulement aperçus de loin et son paternel m’avait déjà semblé froid et distant. Mais bon, je n’avais pas prêté plus d’attention à ça parce qu’il était rare, pour un coréen et encore plus pour un père, de montrer ses sentiments. Je le savais parce que ma mère adorait nous raconter des anecdotes à ce sujet, concernant notre père et ça m’avait toujours semblé être à des années lumières de l’homme qui m’avait élevé. Mais bon, après autant d’années à Los Angeles et une femme comme la sienne, il avait forcément changé. « Ton père n’a pas l’air très commode. » j’ose dire, d’une moue quelque peu confuse. « Pourquoi est-ce qu’il t’en a voulu alors que tu t’étais blessé ? » Jamais mon père ne nous avait crié dessus pour ça et ça me semblait inconcevable. Je n’arrivais même pas à imaginer Ha-Ru se fâcher si Jinae venait à tomber et se faire mal. Il serait profondément inquiet, rien de plus, rien de moins. Je pense qu'on peut évoquer une certaine peur de l'abandon, tout ça. Je l’observe pendant quelques secondes sans rien dire avant de glisser mes fesses sur mon matelas pour me rapprocher, mes bras venant se refermer autour de lui. « Je ne t’abandonnerais pas, moi. Nous deux, notre duo, c’est pour toujours. À la vie, à la mort. » j’avoue, à moitié sur le ton de l’humour. « C’est ce pour quoi tu as signé de toute façon. » Et même si notre contrat prenait fin, un jour, j’avais la ferme intention de rester gluer à lui jusqu’au bout.

Je relâche finalement mon emprise avant de sauter sur mes deux pieds en frappant dans mes mains. « Il me semble que tu me dois un défilé. » Est-ce que je ris diaboliquement ? Oui, un peu. Mais j’avais très envie de le faire sortir un peu de sa zone de confort et de lui faire essayer quelques uns de mes vêtements. « Bouge pas, je reviens. Je vais te dégoter mes plus belles pièces. Enfin, pas exactement les plus belles, parce que sinon tu risquerais de me faire de l’ombre. Déjà que tu as un visage parfait. » Je fuis en direction de ma penderie, ouvrant les portes en grand pour mieux regarder tous mes vêtements. J’en sors un jean oversize avec un motif patchwork, une chemise noire, manche courte, dans la même matière, mais dont les manches sont légèrement effilé, pour donner un effet grunge. « Il manque quelque chose… » Soudain, c’est l’illumination et je prends un sautoir en chaîne pour accompagner la tenue. Fringues en main, je reviens vers Minjun avant de tout lui tendre. « Tiens ! » Je n’avais déjà aucun doute que ça allait lui sied à merveille. « Je reviens dans cinq minutes, le temps que tu te changes. » Je quitte ma chambre sans demander mon reste, trépignant presque d’impatience.

Tu aurais été le meilleur des meilleurs amis. Je tressaille, mon cœur secoué par une émotion qui m'était étrangère. Un regard à Jin me suffisait pour voir qu'il le pensait vraiment, en toute âme et conscience. Et sa franchise fendait ma poitrine en deux pour se glisser à l'intérieur, traversant toutes les couches constituées au fil du temps sans la moindre difficulté. J'aurais tellement aimé avoir un ami comme lui, à l'époque. Je n'avais jamais refusé les approches de mes camarades, mais je me complaisais dans ma solitude parce que c'était là où je me sentais le mieux. De plus, je n'avais jamais rencontré quelqu'un comme Jin, qui me fasse une impression aussi marquante. Tant dans son apparence que dans son caractère. Des deux mondes dans lesquels il avait vécu, il avait su en tirer le meilleur. Et si je l'avais eu à mes côtés pendant mon adolescence, peut-être qu'elle m'aurait semblé moins amère. Je n'étais pas le plus à plaindre mais j'avais parfois l'impression d'être passé à côté, trop occupé à travailler pour obtenir les meilleurs résultats scolaires. Avec Jin, je n'aurais pas eu le temps de gamberger. J'aurais simplement profité des petites choses, ri à m'en faire mal au ventre. J'aurais essayé des choses nouvelles, savouré cette période d'innocence qui précède la vie d'adulte. Un léger sourire étire mes lèvres et je hausse les épaules. « Je ne sais pas si j'aurais été le "meilleur"... » Je passe nerveusement la main à la base de ma nuque. « Mais je ne t'aurais jamais laissé seul. » je rajoute, un peu plus faiblement. Et encore moins diminué comme il avait pu l'être, après son accident. Parfois, je ne comprenais vraiment pas les autres. Entendre sa confidence m'avait tout simplement conforté dans l'idée que j'aurais agi d'une manière opposée à celle qu'il avait récolté après sa chute. Au lieu de rire de son malheur, réaction qui ne me serait jamais venue à l'esprit, j'aurais simplement cherché à lui venir en aide de toutes les manières possibles pour alléger sa peine. Peut-être que nos vies respectives s'en seraient mieux portées, si nous nous étions rencontrés beaucoup plus tôt.

Je l'écoute se remémorer son désespoir de n'avoir pas pu danser pendant un certain temps, les lèvres frémissantes. Je pouvais facilement l'imaginer. Et sa comparaison achève d'agrandir mon rictus. En baissant les yeux, j'aperçois la cicatrice logée sous son coude et mon corps se meut avant que mon cerveau m'intègre l'information. J'effleure celle-ci du doigt avant de reculer comme si je venais me brûler, murmurant des excuses du bout des lèvres. Je ne savais pas ce qui venait de me prendre, je n'avais pas réfléchi. Mon coeur battait à toute allure et je comble le vide en racontant à mon tour une histoire de mon enfance. Je me revois grimper fièrement dans l'arbre, tendre le bras pour essayer d'attraper le chat et mes doigts se refermer sur le vide quand il s'enfuit de l'autre côté, disparaissant sur le toit de la maison voisine. Puis mon inquiétude en voyant les mètres qui me séparaient du sol et ma tentative de descendre de la même façon que j'avais pu monter. Qui s'était soldée par un échec monumental et une cheville foulée avant d'être achevée en bonne et due forme par des remontrances de mon père. Ton père n’a pas l’air très commode. Pourquoi est-ce qu’il t’en a voulu alors que tu t’étais blessé ? Il s'est toujours comporté comme ça, d'aussi loin que je m'en souvienne. Et ça ne m'avait jamais semblé différent des autres parents de ma connaissance. « Il n'a jamais compris pourquoi je m'étais mis en danger pour un "stupide" chat. » j'explique, en formant des guillemets avec mes doigts pour appuyer l'emploi du mot. Puis je soupire, mes doigts posés à plat sur mes cuisses. « Mon père n'a jamais été très friand d'animaux, de manière générale. Et comme ça m'a empêché d'aller quelques jours à l'école parce que je ne pouvais pas marcher, il m'a dit que j'aurais eu mieux fait d'avancer mes devoirs que d'aller batifoler dans le jardin. » J'étais conscient que mon père avait été dur avec moi. Et qu'il continuait de l'être, même à des milliers de kilomètres. C'était juste...sa façon d'être. Pour passer à autre chose, je plaisante sur un traumatisme lié à l'abandon causé par la fuite inopinée du chat lorsque j'essayais de le sauver. Mais je ne m'attendais pas à l'étreinte de Jin qui arrive sans prévenir, m'enveloppant d'une douce chaleur. Nous deux, notre duo, c’est pour toujours. Mon être tout entier tremble devant cet aveu et je me laisse envahir par la douceur de l'instant. Je n'aurais pas demandé mieux. Je me sentais bien, avec lui. Serein. Heureux. Plus en paix que je ne l'avais jamais été jusqu'à notre rencontre. Je me sentais écouté, compris, estimé à ma juste valeur. Et ça n'avait pas de prix, dans un monde où nous étions opprimés de toutes parts. « À la vie, à la mort. » je susurre, à sa suite. Sa remarque suivante me tire un petit gloussement et je viens tapoter mon menton du bout de l'index. « Ah, c'était donc ça les petits caractères tout en bas de la fiche ? Je me disais bien qu'il y avait une entourloupe quelque part. » je rétorque, faussement songeur. Mais impossible de réprimer la joie évidente que ça pouvait m'insuffler, qui s'étendait de part et d'autre de mon visage.

Il recule, relâchant son emprise avant de sauter du lit pour se remettre debout, claquant dans ses mains. « Déjà ? » je demande, un peu étourdi. Je n'avais pas pensé qu'il voudrait le faire maintenant. Mais bon, ça ne me dérangeait pas outre mesure. Je l'écoute, tapotant mes cuisses de nervosité. Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir me dégoter ? Je ne savais pas si je devais en être impatient ou en avoir peur, le connaissant. Avant de me figer à ses paroles, les lèvres entrouvertes. « Qu- Quoi ? » Déjà que tu as un visage parfait. Je reste là, hébété alors qu'il file en direction de sa penderie, disparaissant de mon champ de vision. Mes mains viennent tracer les contours de mon visage et je fais ma moue, les sourcils froncés. « Il n'est pas parfait... » On me disait souvent que j'avais une tête de bébé, à cause de mes joues et de la forme de mes yeux. Et quand je me regardais dans le miroir, je ne voyais rien d'extraordinaire. Je n'étais pas moche, sinon je n'aurais eu ma place ici mais je ne considérais pas au-dessus de la moyenne. Jin était tout simplement trop gentil. Il revient une poignée de minutes après avec son choix d'habits et je les récupère, pliant les jambes pour me remettre debout. Je hoche la tête, l'observant quitter la pièce en sautillant. Et je ne doute pas une seconde qu'il doit déjà être impatient d'y rentrer à nouveau. Pendant une seconde, je ne sais pas vraiment où me mettre. Puis je ferme les yeux, prends une grande inspiration et je finis par enfiler un à un les vêtements que Jin a choisi pour moi. Le pantalon retombait à merveille sur mes pieds et je m'observe dans le miroir accroché à l'intérieur de la porte de son placard. La chemise était plus épaisse que je ne le pensais et les filaments au bord des manches chatouillaient mes bras au moindre mouvement. Je ne portais rien dessus et mes pommettes rosissent à cette simple pensée. Je m'étais arrêté au deuxième bouton du col pour laisser entrevoir le sautoir qu'il avait ajouté à la tenue et qui, lui aussi, se balançait contre ma peau nue. Je lisse un peu le col de la chemise avant de faire des pas sur le côté en entendant des bribes de conversation de l'autre côté de la porte. « Tout va- » je commence, en approchant de celle-ci mais elle s'entrouvre au même instant sur Jin, les traits éclairés par l'amusement. « Qu'est-ce qui peut t'amuser autant ? » je l'interroge, avant de mordre à nouveau ma lèvre inférieure en apercevant son regard dirigé pleinement vers moi. Je recule d'un pas, écartant un peu les bras et je tourne sur moi-même, avant de me tenir maladroitement debout devant lui. « Alors ? Verdict ? » je demande timidement, me retenant de venir tripoter le bas de la chemisette. « Ce n'est pas trop bizarre ? » Sur moi, j'entendais. Sur lui, je n'avais aucun doute que ça devait être tout à fait adéquat. Mais je n'avais pas forcément l'habitude porter ce genre d'habits et de façon aussi décontractée. Alors j'attends tout simplement sa réaction, passant mon poids d'une jambe à l'autre.                                               

@Hyun Yang-Jin

Que ce soit pendant mes premières années de vie à Séoul ou durant mon adolescence à Los Angeles, je n'avais pas réellement eu beaucoup d'amis à l'école, pour ne pas dire pas du tout. Mais cette solitude ne m'avait pas dérangé outre mesure parce que la relation que j'avais avec mes frères avait compensé cette absence. Ils étaient tous les deux mes meilleurs amis, en plus d'être mes aînés et malgré notre importante différence d'âge, ils ne m'avaient jamais mis de côté, contrairement à mes camarades de classe. J'avais rapidement eu  conscience que ma différence jouait en ma défaveur. Aux États-Unis, j'étais trop coréen pour eux. En Corée, j'étais trop occidental pour eux. Mais j'étais fier de mes deux origines, fier de ce mélange de deux cultures que, parfois, tout opposait et j'avais préféré rester seul plutôt que de traîner avec des personnes qui souhaitaient me voir changer pour me conformer à un moule. En grandissant, j'ai rencontré de véritables amis, des personnes qui m'ont aidé à m'ouvrir et à être le jeune adulte extraverti que je suis aujourd'hui. Quand je suis partie vivre à Séoul, pour suivre mon rêve et devenir trainee, je n'ai pas du tout vécu la même expérience. Peut-être était-ce une sorte d'admiration pour les states, une curiosité un peu mal placée ou mon nouveau côté avenant et ouvert sur le monde, mais je me suis rapidement entendu avec mes camarades, loin de l'ambiance compétitive que je craignais. Évidemment, des coups bas, de la jalousie et des stagiaires prêts à tout pour t'évincer de la compétition, il y en a eu des tas, mais ça m'avait toujours semblé minime face aux amitiés que j'avais eu la chance de créer. C'est peut-être à ce moment-là que j'ai compris tout ce que j'avais raté durant mon enfance et une partie de mon adolescence. Mais si tout ça m'avait permis d'arriver jusqu'à Minjun, pour rien au monde je ne changerais mon passé. Parce que le rencontrer et l'avoir comme partenaire était la meilleure chose qui pouvait m'arriver. J'étais convaincu qu'il aurait été le meilleur des meilleurs amis et je n'avais aucunement besoin qu'il me me prouve. La sincérité qui se dégageait de lui en était déjà la preuve. Min était et serait toujours là pour moi, l'inverse était tout aussi vraie et je n'avais aucun doute quant au fait qu'il ne m'abandonnerait jamais. Il en était de même pour moi, de toute façon.

Si nous nous étions connus avant, il était évident que nous serions devenus amis. Min était la personne la plus gentille que je connaisse et même si nos caractères étaient différents, je n’avais aucun doute sur le fait que nous nous serions parfaitement bien entendu. Aussi bien que maintenant. On aurait sauvé les chats du quartier coincés dans les arbres ensemble et j’aurais trouvé une excuse pour prendre sa défense. Savoir qu’il s’était fait passer une brasse alors qu’il s’était blessé et que ça aurait pu être pire qu’une simple cheville foulée me faisait grincer des dents. « Moi je trouve que ça prouve à quel point ton coeur est pure. » C’est ce que mes parents auraient vu aussi en premier. Ils auraient prit le temps, par la suite, d’avoir une discussion sur la prise de risque inutile, mais jamais ils n’auraient remis en question cet acte. La suite de ses propos ne m’aident pas vraiment à avoir une meilleure image de son père et je fronce les sourcils un peu plus à chacune de ses paroles. « Parfois j’oublie cette culture de l’excellence que prône la Corée. » je souffle en secouant la tête. Je trouvais ça tellement désolant que ce système scolaire n’ait pas évolué depuis des années. Il fallait être le meilleur, partout, dans tout, tout le temps. Il n’y avait pas de places à l’erreur dans ce pays. La réussite scolaire, c’était, aux yeux d’énormément de coréens, le meilleur moyen de réussir socialement. Pour un pays développé, en avance sur son temps dans plein de domaine, il lui restait des sujet fondamentaux sur lesquelles s’améliorer. La scolarité, le harcèlement scolaire, la tolérance et l’ouverture d’esprit en faisait grandement partie. Si un jour j’avais des enfants, ce qui n’était pas pour aujourd’hui, je ferais tout pour qu’ils ne grandissent pas dans ce milieu scolaire, ni avec de type d’idéologie. Finalement, je viens étreindre Min quand il évoque une certaine peur de l’abandon, lui avouant que nos deux, c’est pour toujours à partir de maintenant. Puis je me détache de lui, gloussant à sa réaction suite à ma remarque. « Toujours lire les petits caractères. Tu es coincé avec moi maintenant. » Et dire que ça me déplaisait serait mentir.

Vient le moment que j’attends le plus : une petite session défilé. Je me dépêche de regagner ma penderie pour lui trouver quelques pièces à essayer, tout en m’amusant de sa surprise. Puis ma tête réapparait dans son champ de vision lorsque je me penche dans sa direction. Mes sourcils se froncent et je le foudroie du regard. Le connaissant, il était évident qu’il n’allait pas affirmer mes propos, mais il fallait être aveugle pour refuser d’admettre que son visage était parfait. Minjun était beau, qu’il veuille l’admettre ou non. Il ferait fondre n’importe qui, moi le premier. Je récupère les premiers vêtements avant de retourner vers lui et les lui donner, m’éclipsante dans le couloir pour lui laisser un peu d’intimité pour se changer. Je surprends mon frère faire le pied de guerre devant la porte de la salle de bain et je trouve ça suffisamment suspect pour le questionner à ce sujet. Mais Ha-Ru étant Ha-Ru, je n’arrive pas à lui tirer le moindre indice. Ce petit jeu entre nous dure quelques minutes durant lesquels je tente même d’entrer de façon sournoise dans la pièce, mais je ne peux pas rivaliser avec un flic. Je le sais, il le sait, tout le monde dans cette maison le sait. Par ailleurs, ce dont je suis certain, c’est qu’il y a un lien avec Na-Rim et mon cerveau commence à se faire tout un tas de films. Bonté divine. Il ne s’est rien passé, sale morveux. À d’autres, à d’autres. Si il ne s’était rien passé, il ne serait pas en train de jouer le garde du corps devant cette maudite porte. Je lui adresse un dernier clin d’oeil, juste pour le plaisir de voir son visage s’empourprer avant de filer de nouveau en direction de ma chambre. J’ouvre la porte sur la silhouette de Min et j’essaie de ne pas baisser mon regard pour ne pas me spoiler. « Mon frère ? On ne dirait pas comme ça, mais c’est une personne très drôle. Surtout quand il essaie de me faire croire qu’il ne s’est rien passé entre lui et Na-Rim ! » Le ton de ma voix augmente sur la fin, dans l’unique but qu’il m’entende et je pousse Min, mes deux mains plaquées sur son torse à l’intérieur de ma chambre, avant de fermer la porte à clef derrière moi, par mesure de sécurité. Il recule finalement d’un pas et je prends enfin le temps de l’observer des pieds à la tête, mon coeur ratant plusieurs battements. « Oh. » C’est la seule chose que je suis capable de lâcher, dans un premier temps et il me faut quelques secondes pour retrouver mes esprits. « Bizarre ? C’est tout sauf bizarre. » Il ne pensait pas ça sérieusement, hein ? « Ça te va vraiment bien. Cette chemise te sied à merveille. » j’ajoute, tout sourire. « Tu repars avec et interdiction de discuter ! » Hors de question que je passe à côté de cette vue et que ces fringues continuent de prendre la poussière dans ce placard. « J’ai repéré une autre tenue si tu es toujours partant ? » Si ça ne tenait qu’à moi, je lui ferais essayer toute ma penderie, mais je ne voulais pas qu’il se sente forcer à quoi que ce soit.