Christmas trees, snow and love

C’était une catastrophe. Un véritable carnage. Quelle idée j’avais eu de me lancer dans la confection du repas de Noël alors que mon talent culinaire s’arrêtait à savoir faire cuire des nouilles sans que l’eau déborde de ma casserole. Et j’ai presque envie de pleurer de bonheur quand on sonne à ma porte et que la silhouette de Kellen apparaît derrière celle-ci. « Sauve moi, pitié. » je chouine en le tirant à l’intérieur de mon appartement, puis jusqu’à la cuisine, presque honteuse devant le chantier que celle-ci est devenue. « C’est un désastre. Je suis un désastre ! » La seule chose que j’ai réussi à sauver, ce sont les petits fours. Sans doute parce qu’ils ne sont pas encore passés par la case four, justement. En revanche, le dessert ne ressemble à rien et je dois donner l’impression de m’être battue avec la moitié des instruments de torture cuisine. « Tu crois que c’est rattrapable ? » je demande d’une moue contrite, priant en silence pour que ce le soit. Fort heureusement, Monsieur Grognon est excessivement doué de ses mains (dans tous les sens du terme, messieurs dames) et, en plus de sauver cette soirée du Réveillon, sauve mon honneur. Ça m’aurait clairement fait chier de devoir commander des pizza pour ce soir.

Il est dix-neuf heures pétantes quand je termine de me préparer, m’étonnant moi-même pour ce trait d’eyeliner presque parfait. J’étais une femme capable de démonter, nettoyer et remonter une arme en un temps record, mais qui s’extasiait toujours autant devant ses prouesses en maquillage – à défaut de ses prouesses à savoir suivre une recette. Cette année, j’avais prévenu mes deux meilleurs amis que j’abandonnais la tradition des pulls moches de Noël pour quelque chose de plus simpliste, mais j’avais définitivement évincé les tenues comprenant une robe ou une jupe. Nop, pas pour moi. C’est rayonnant d’une joie presque trop prononcée que je pars ouvrir à nos premiers invités.

Sauve moi, pitié. Le Père Noël était sacrément généreux, cette année. Je ne peux empêcher le sourire d'immense satisfaction qui étire mes lèvres à cette lamentation de Poppy, déposant ma veste sur la patère de l'entrée avant d'aller admirer l'apocalypse qui règne dans la cuisine. « Dis-moi quelque chose que je ne sais pas déjà ? Je ne sais toujours pas comment tu as fait pour survivre jusqu'ici. » je raille, avec malice, m'attirant un coup de coude dans les côtes en guise de réponse. Puis je contemple les dégâts causés par la rousse, retenant une furieuse envie de rire devant cette catastrophe. Sa question me fait tourner la tête dans sa direction et je hausse un sourcil. « Il faudrait un miracle, Lloyd. » je souffle avant de poursuivre, avec un air suffisant. « Mais il se trouve qu'il y en a un dans cette pièce et qu'il est disposé à te rendre ce service. » Puis je commence à dégager les éléments qui ne me seront d'aucune utilité, pivotant sur le côté et l'observant quelques secondes avant de lui faire un geste pour lui intimer de déguerpir de là. « Va te préparer, je m'occupe de rattraper tes bêtises. » je souffle avec un infime sourire avant de me plonger dans les préparatifs. Jusqu'à ce que la sonnerie de l'entrée ne résonne, annonçant l'arrivée des premiers invités. Les deux énergumènes qui lui servaient de meilleurs amis en faisaient partie et je me demandais seulement maintenant si j'avais bien fait d'accepter. Mais j'avais Cosima pour m'aider à supporter ces abrutis et j'attendais avec impatience qu'elle daigne pointer le bout de son nez.    

C’est Noël. C’est enfin Noël. Je suis content. Le soleil brille dans le ciel et George Michael nous fait toujours danser sur Last Christmas. Je ne suis que joie. J’ai taillé ma plus belle barbiche, enfilé mon plus beau pull de noël. Pas de pull lumineux cette année, j’aurais bien voulu, mais ce noël, n’est pas comme les autres Noël. Il était une fois, notre gueuse préférée, qui c’était amourachée d’un Ours, oui oui, nous allons donc célébrer ma fête préférée de l’année avec le dit-amoureux, de ma meilleure copine. De ce fait, j’ai fourni un effort. J’ai mis le moins bariolé de la collection. J’ai été gentil. J’ai quand même demandé l’approbation de mon Oswald préféré, que nous soyons raccord quand même. L’autre rouquine, ayant décidé de lâchement nous abandonner cette année sur le traditionnel accoutrement de fête.

Je fais au moins l’effort de ne pas être en retard, surexcité comme Garfield devant un plat de lasagne. Je ne vois pas la voiture d’Oswald sur le parking, je ne suis donc que tristesse, mais ce que je repère c’est une femme sortant d’un véhicule et pardon, mais alors ça, c’est de la femme. Poppy m’avait caché qu’elle avait des voisines de ce type. Après quelques seconde d’observation – et de panne cérébrale, il faut bien l’avouer, j’avance vers l’immeuble et ouvre à l’aide du code que je connais par cœur, maintenant la porte à la brune qui voulait entrer elle aussi. « Après vous. » Je prononce dans un sourire ravageur. Eh, on ne change pas une équipe qui gagne. Gueux, mais séducteur *wink*. C’est arrivé en haut des escaliers, que je me rends compte qu’elle allait au même endroit. AH. Oh… Ca c’est intéressant. « Vous aussi, vous venez célébrer Noël chez les tourtereaux ? » Je lance, avant d’appuyer sur la sonnette à plusieurs reprise dans un ordre bien régulier. Oui, nous avions des codes. Ma rouquine préférée ouvre. « Mais qu’elle est belle, notre hôte préférée ! » Je lâche, en venant étreindre Poppy. « Je crois que je suis tombée sur une autre invitée, sur le chemin. » Je prononce dans un sourire tout de même poli. « Bonsoir Kellen ! » Je lance de loin au brun dans la cuisine. Je lui aurait bien serré la pince, mais il a l’air occupé, le monsieur de Poppy.
   

C'est Noël. Et je vais festoyer avec de parfaits inconnus, juste pour sauver mon meilleur ami de la crise de nerfs. Enfin, j'exagère un peu. Le côté italien, tout ça. Je suis contente de rencontrer la femme qui aura su dérider Kellen Walters, le seul et l'unique. Parce qu'il faut autant de courage que de patience pour survivre à un tel homme, pour accepter son caractère insupportable et son manque de savoir-vivre quand il s'agit de relations humaines. Je dois dire que je suis tout de même curieuse, voire même impatiente de pouvoir l'observer en compagnie de Poppy, celle qui a su traverser sa carapace et qui tentait d'apaiser ce qui se trouvait à l'intérieur.

Après vous. Je hausse un sourcil devant ce sourire ravageur et ces yeux incroyablement bleus. Et j'essaye d'omettre tant le pull qu'il porte, que l'attaque cérébrale qui l'a ébranlé quelques secondes plutôt, à mon approche. J'avais fait un effort, pour une fois. Troqué mes pulls en laine pour un chemisier d'un rouge profond. Et détaché mes cheveux. Sauf que je comprends que le brun n'est pas un simple voisin mais un autre invité et je commence légèrement à m'inquiéter. « Kellen...Un tourtereau. » je souffle, retenant un rire furieux à cette simple image. Puis il se déchaine sur la sonnerie et mes sourcils s'arquent à nouveau. J'espérais vraiment qu'ils avaient prévu quelque chose à boire. En attendant, je secoue la tête avant d'adresser un doux sourire à la rousse, qui s'écarte pour nous laisser entrer. « Merci de l'invitation, Poppy. » Puis j'entends tinter et cliqueter dans la pièce d'à côté, signe que mon apprenti était à l'oeuvre. « Kellen qui fait la cuisine pour quelqu'un d'autre. Tu es une privilégiée, tu sais ? » je lance à la jeune femme, avec un air amusé.
   

« Maman ? Ozzie ? » Mon visage se tourne sur la silhouette de mon fils, qui se dandine à l’arrière de la voiture, visiblement tracassé par quelque chose. « Oui, mon coeur ? » je demande d’une voix douce, ne pouvait pas m’empêcher de ressentir une pointe d’inquiétude. Je l’étais constamment, quand il était question de lui. Après avoir passé trois longues années à perdre espoir quant à son réveil, mon instinct protecteur s’était décuplé depuis que j’avais retrouvé mon petit garçon. « Est-ce que le Père Noël va quand même passer si on n’est pas à la maison ? Il va savoir où je suis ? » Je laisse échapper un petit rire en me redressant dans mon siège, croisant le regard complice d’Ozzie. « Tu sais, le Père Noël à des pouvoirs magiques. Et je suis sûre qu’en plus de déposer des cadeaux chez Poppy, il y en aura aussi demain matin à la maison. » C’était notre premier Noël depuis l’accident, alors j’avais vu les choses en grand. Peut-être même en un peu trop grand. Je vois le sourire de mon fils s’agrandir et mon coeur se réchauffe presque instantanément. J’étais entourée de deux des personnes que j’aimais le plus au monde pour fêter l’un des plus beaux jours de l’année.

Les deux hommes de ma vie s’amusent à faire la course dans les escaliers et j’entends Auggie s’exclamer en arrivant le premier sur le palier. Je les rejoins une poignée de secondes plus tard, ma main se glissant dans celle de mon conjoint, la pressant délicatement. Quand la porte s’ouvre sur la rousse, Auggie se glisse derrière nos jambes, soudainement devenu timide. Je laisse les deux meilleurs amis se retrouver avant de la saluer à mon tour, la remerciant de m’accueillir également cette année. Mon fils baragouine un bonsoir à peine audible et nous suivons notre hôte jusqu’au salon, la petite tête brune toujours caché derrière nous. « Bonsoir. » je lance, tout sourire, aux autres invités, impatiente de rencontrer le fameux Kellen et sa meilleure amie.

C'est Noël. Soit la meilleure période de l'année, avec les soldes et la saison des barbecues. Et je pèse mes mots. Mais la vie a décidé de me faire souffrir. J'ai du remiser mon pull moche pour arborer quelque chose de moins frivole. J'ai du me restreindre. Oui, moi, Oswald Landolt, à qui l'on a réprimé les petits plaisirs simples de la vie pour ne pas effrayer l'agent spécial Kellen Walters. Un homme qui pourrait me casser en deux en l'espace de deux minutes, avec une seule main. Je vous laisse cogiter sur la complexité du machin, maintenant. Bref, moi et mon immense déception avons enfilé des habits à peu près décents (heureusement que j'ai un pull pas moche mais toujours de Noël en réserve) et conduisons toute cette petite tribu à bon port, souriant en repensant à la surprise que nous avions préparé pour faire briller les yeux d'Auggie. Il méritait de vivre une journée de rêve, de pouvoir retrouver pleinement son âme d'enfant.

C'est en soufflant comme un opossum asthmatique que je suis accueilli par Poppy, enroulant mes bras autour d'elle pour lui faire un câlin de salutations. On ne fait pas de chichis, par ici. « Tu as récupéré tout ce qu'il fallait ? » je murmure dans son oreille, un sourire étiré jusqu'aux miennes. Elle hoche la tête avant de me répondre que tout est prêt, n'attendant que moi dans la chambre. Par-fait. « T'es la meilleure. » je rajoute, plantant un gros baiser baveux sur sa joue, avant d'entrer à la suite de Louve, le petit garçon planqué dans nos jambes. « Il est où, Monsieur Grognon ? » je demande, sans la moindre finesse. Parce que bon, on en a entendu parler de long en large, de la bête. Moi, je voulais pouvoir observer l'animal de plus près.

Ruben et Cosima apparaissent sur le palier et j’ai à peine le temps de les saluer que les bras de mon meilleur ami se referme autour de moi. Je lui rends son étreinte, avant de me décaler pour l’observer de haut en bas. Fidèle à lui-même, mais au moins, il n’avait pas choisi le pull le plus moche de sa garde-robe. Puis je me tourne vers la jeune femme, un sourire radieux étirant mes lèvres. Kellen n’était pas excessivement bavard, mais j’étais ravie de mettre un visage sur la personne dont j’avais pu entendre parler. « Ravie de pouvoir enfin faire ta connaissance. » Je fais une brève présentation, histoire de, avant de me décaler pour les laisser rentrer, les invitant à déposer leur affaires sur le porte-manteau. Puis du bruit retenti depuis la cuisine et je ressens un soulagement immense à l’idée de ne pas y être. « Je crois que je commence doucement à m’en rendre compte. Mais il prend beaucoup de plaisir à me rappeler que je suis une piètre cuisinière. » Il suffisait que je me remémorer notre conversation d’il y a quelques heures à peine.

La deuxième partie des invités arrivent, cinq petites minutes après et le schéma recommence. Je me fais étouffer par les bras d’Ozzie et je hoche discrètement la tête à sa question. T’es la meilleure. « Je sais. » je réponds en grimaçant au bisou baveux qui vient s’échouer sur ma joue. Puis je salue Louve et son adorable petit garçon, les invitant enfin à regagner le salon. Je me retiens de me frapper le visage de la paume de la main quand, Oz, de toute sa splendeur, appelle Kellen par son petit surnom affectueux. Surnom que je n’employais qu’avec mes meilleurs amis, pour une raison évidente d’ego. « Je te jure que tu vas me le payer… » je marmonne entre mes dents avant de relever la tête vers Kellen, un air innocent sur le visage.

Je dois être doué de magie, je ne peux pas l'expliquer autrement. Parce que redonner vie à un tel saccage relève sûrement du surnaturel mais il se trouve que j'en suis capable. Je remercie intérieurement ma meilleure amie et sa famille pour m'avoir initié à la cuisine, ce qui me permet de rattraper les bêtises de la rousse en un temps record. « 'Soir. » je lâche laconiquement, pour toute réponse. Il fallait que je finalise le dessert et me sociabiliser n'était toujours pas dans l'ordre de mes priorités. La bûche d'abord, les relations humaines après. Cosima n'allait pas s'en formaliser, elle me connaissait depuis suffisamment longtemps. La sonnette retentit quelques minutes plus tard, annonçant l'arrivée de la deuxième partie des invités et je glisse la pâtisserie glacée dans le réfrigérateur pour qu'elle reprenne une certaine consistance. Puis je me défais du tablier gracieusement offert par Poppy avant de rejoindre l'encadrement de la pièce, adossé à celui-ci par une épaule. Il est où, Monsieur Grognon ? Je hausse un sourcil devant le surnom, croisant les bras contre mon torse. « Monsieur Grognon est juste ici. » je souffle, avec un air moqueur. Avant de jeter un regard qui signifie "tu ne perds rien pour attendre" à la jeune femme, qui elle, joue les innocentes. « Bonsoir. Merci d'avoir accepté l'invitation. » je rajoute, en hochant poliment la tête. « Monsieur Grognon s'occupait de sauver le repas. Sinon tu aurais de l'eau et des petits fours certainement carbonisés au menu, Landolt. » Sur ces agréables paroles, je vais rejoindre l'italienne pour aller la saluer, l'étreignant rapidement avant d'intimer à tout le monde de prendre place autour de la table.   

Si je m’étais attendu à croiser une fatale beauté sur le paillasson de Poppy. J’aurais aimé que l’on me prévienne, tout de même. Un peu de respect pour mon cœur. J’avais indiqué ma présence à notre hôte avec une mélodie reconnaissable entre mille. Pas de chichis chez nous, on se connait depuis trop longtemps pour mettre simplement un coup de sonnette. Il fallait bien s’annoncer de manière respectable à défaut de scintiller de mille feu. J’étreins la plus belle des rouquines, avant d’entrer et de saluer son compagnon qui me réponds par une brève syllabe. Du grand Kellen. Je dépose mes affaires dans l’entrée, comme d’habitude avant d’entendre la sonnette retentir à nouveau, synonyme que la deuxième personne que je préfère le plus au monde est arrivée. Ozzie est beau comme un camion tout neuf et il a le sourire. Que c’est émouvant. Il était vraiment heureux depuis qu’il était avec Louve. Je viens étreindre mon meilleur ami dans un câlin très masculin oui oui ! « Merci de m’avoir soutenu dans la dure épreuve du non pull moche de noel. » Je lance, avec une fausse émotion.  Je salue ensuite Louve et August qui se cache dans les jambes de sa mère. Ce gosse était vraiment adorable.
Nous allons ensuite nous installer autour de la table. Je découvre à ma grande, mais loin d’être mauvaise, surprise, que je suis attablé à côté de la brune avec laquelle j’étais arrivé. Mais quelle chance dites-moi. Le hasard est vraiment un sacré petit farceur. Je m’assoie et me tourne poliment vers la jeune femme à ma gauche. « Je crois que nous n’avons jamais été présentés. Je suis Ruben, l’un des meilleurs amis de Poppy. » Je prononce en tendant une main vers elle. Je reste poli quand même. Y’a l’autre grand ours qui me guette et qui voudrait me casser le nez à première vue.

Si je ne peux même plus être poli ! Quel immense drame !
   

« Moi aussi, je suis heureuse de te rencontrer. Tu fais partie du cercle privé des gens qui subissent son sale caractère, mais qui l'apprécient quand même. » je souffle, avec un sourire amusé et une expression railleuse. Puis je laisse échapper un ricanement à ses paroles. « Je n'en doute pas, c'est un domaine dans lequel il est très bon. » Il excellait dans l'art d'enquiquiner les autres, à défaut d'agir de manière exemplaire. Et je comptais me rendre dans la cuisine pour le voir quand la sonnette résonne à nouveau, me faisant pivoter sur moi-même pour aller saluer la seconde salve d'invités. J'étais impatiente de voir les gens qui évoluaient autour de Kellen et qui allaient certainement chambouler toutes ses habitudes.

Le cuisinier en chef apparaît dans l'encadrement de la porte et j'étouffe un rire à sa réflexion. « Je te conseille de fuir au plus vite. » je déclare avec un air faussement concerné, à l'intention de celui qui osé employer un tel surnom. Puis nous sommes invités à nous asseoir et je remarque je me trouve assise à côté de l'autre meilleur ami. Une grande main est tendue dans ma direction et je lève les yeux pour capter son regard. « Cosima. Celle qui supporte Monsieur Grognon depuis bien trop longtemps. » je réponds, en glissant mes doigts contre les siens et en utilisant volontairement le même sobriquet. « Mais il m'a déjà brièvement parlé de vous deux. Et je dois dire que ça m'intriguait énormément. » je rajoute, l'air de rien avant de pivoter pour taquiner mon meilleur ami.