We're running in circles, we're falling apart. (Carson, Avie & Mr. West)

Je n’étais qu’un pion. Un pion stupide, entre les mains de mon père. Nous étions tous, les petits jouets avec lesquels, il était en train de prendre un plaisir malsain à s’amuser. Je n’avais jamais été que son bras droit. Celui qu’il l’avait toujours soutenu, qui n’avait jamais rien fait que d’approuver les ordres, et les exécuter. Il ne voulait pas qu’on le croit. Il savait qu’il avait assez de pouvoir pour mettre ses petites actions en place, sans que personne ne s’y attende réellement, et il était capable du pire. Ces informations dont il avait tant besoin pour se sortir du pétrin. Il les aura. De gré ou de force. Il avait peut-être des adversaire de taille cette fois. Les autorités, c’était un tout autre niveau que de pauvre petites racailles, ou des traitres. Mais il savait jouer. Ce que je devais reconnaître à mon père, c’était son ingéniosité et sa détermination. Tout ce que je n’avais pas eu. Si tout cela ne tenait qu’à moi, si rien d’autre n’était en jeu, je prendrais le risque de tout envoyer en l’air pour elle. Pour la sortir de là, de ces griffes. Mais il me maintient, avec un certain pouvoir qui semble pourtant s’effriter petit à petit. En lui transmettant des informations, j’avais gagné toute l’immensité de sa fierté, mieux encore, son respect. Mais je n’aurais jamais pensé, qu’il irait aussi loin. Pas avec elle. Personne ici, ne savait combien elle comptait pour moi. Mais je n’avais fait que la mettre en danger, pire, c’était sa vie, que j’avais mis en péril. Je l’avais pourtant prévenue. Je regrettais encore, qu’elle n’en ai fait qu’à sa tête, ce soir-là.

Je me tiens face à lui, tandis qu’il me tend son arme. Je la saisi, sans aucune véritable conviction. Je ne voulais pas avoir à faire ça. Il suffisait que je fasse un seul faux pas, pour lui ôter la vie. Je crois que je ne me le pardonnerais pas. Ce n’était pas comme si j’allais me pardonner ce qui s’était passé ces dernières semaines, de toute manière. J’hoche brièvement la tête avant de m’avancer vers elle, et de tendre le bras. Ma main est tremblante, peu assurée. La détresse que j’avais aperçue dans son regard, la supplique dans ses yeux. Flancher m’aurait paru une meilleure solution sur le moment. Je préfère ne pas fixer les traits de son visage. Je ne veux pas y voir les larmes, la colère, la haine. Tout ça était justifié, normal. Mais ça m’était insupportable à regarder. Elle finit cependant par regarder dans ma direction, et je croise ses yeux. Des yeux dans lesquels je m’étais déjà perdu un nombre incalculable de fois, mais qui aujourd’hui, me détestais plus que tout au monde. Elle me crache des injures au visage avant de se tourner vers mon père, et de mettre à mal ses plans, en quelques secondes. Le set-up s’écrase au sol dans un vacarme assez assourdissant. Mon père s’approche, le visage déformé par la colère, et ce qui suit, me donne envie de hurler. Il lève la main sur elle, et une rage immense, grimpe dans ma poitrine. « Père ! Nous n’étions pas sensés la blesser ! » Je lâche, avant même de réfléchir. Pour toute réponse, il m’arrache l’arme des mains pour aller la coller sous la mâchoire d’Avalon. Mes poings se serrent contre mes cuisses. Qu’est-ce qui me retenais encore de le laisser continuer ? Il la menace encore et encore, tandis que j’assiste à ce spectacle de plus en plus insupportable. Il finit par se redresser, me rendre l’arme, et agir comme si de rien n’était. Tout se remets en place, et je m’avance vers Avalon de nouveau. « Coopères… S’il te plais. » Je lui demande. Rare fois où je lui avais adressé quelques paroles. Mais plus vite, nous aurions terminé, plus vite je pourrais trouver un moyen de la sortir de là. Entre l'arme et ce geste qu'il avait eu sur elle. Je ne supporterais pas plus longtemps de la savoir ici. Je devais la sortir de là. Quoi qu'il m'en coute. Qu'ils aillent se faire foutre.

Quand la caméra atterri sur le sol, j'éprouve une certaine satisfaction, mais celle-ci disparaît aussi vite qu'elle n'est arrivée quand une vive douleur éclate sur ma joue. Ma main se porte sur cette dernière et je n'est pas relever les yeux vers le père de Carson. Personne ne m'avait giflé jusqu'à maintenant. Mais mon corps tout entier se fige en sentant le froid du canon se glisser sous mon menton, m'obligeant à relever la tête dans sa direction. Mon cœur bat à un rythme frénétique dans ma cage thoracique et je dois me faire violence pour soutenir son regard. Ma gorge se serre et j'essaie de rester impassible alors qu'intérieurement, tout explose. J'étais terrorisée, tétanisée et pourtant je n'arrivais pas à me résoudre à lui obéir. Je ne voulais pas faire sa putain de vidéo. Je ne voulais pas que mes parents me voient dans cet état. Je pouvais aisément deviner leur réaction en la découvrant, surtout celle de ma mère et je donnerai tout pour leur éviter ça. Mais si la menace de prendre une balle dans la jambe fait taire mes envies de rébellion, celle proféré à l'encontre de mon petit frère me donne envie de vomir et de tout casser. Mais je ne pouvais pas me permettre de mettre sa vie en danger ou pire encore. « Oui. » je souffle à voix basse, résignée, avant de détourner le regard lorsqu'il s'éloigne et que ses hommes de main viennent remettre en place le trépied. Tout ce que j'avais réussi à faire, c'était d'attiser sa colère et maintenant, je n'avais plus le droit à l'erreur. Mes yeux finissent par se poser de nouveau sur lui avant d'observer son fils avec énormément d'attention. J'avais espéré, à chaque putain de fois, n'être que dans un horrible cauchemar, mais si c'était le cas, il commençait à s'éterniser. Carson, quant à lui, était bien un enfoiré et je me détestais toujours autant pour m'être laissée avoir comme une débutante. L’arme lui est finalement rendue et je me redresse, le dos bien droit, blanchissant à mesure qu’il s’approche de moi. Ses paroles me font  l’effet d’un énième coup de poignard dans la poitrine et je le foudroie du regard. Si je n’avais pas peur d’empirer ma situation, je lui cracherais à la figure. « Ouais. Finissons-en. » Parfois, j’aimerais qu’il appuie sur cette putain de détente.

D’un clignotement rouge à intervalle régulier, la caméra m’indique qu’elle tourne et j’essaie de faire abstraction aux tremblements de mon corps, au flingue qui me menace et au regard meurtrier de Monsieur West. Je me remémore, une à une les consignes qui m’ont été données. Rassurer mes parents. Ok. Je prends une profonde respiration avant de me lancer. Ma voix est tremblante, je bute sur la moitié des mots parce que mon cerveau n’arrive pas à aligner deux pensées cohérentes et que non, ça ne va pas. Comment est-ce que ça pourrait aller ? De plus, je connais mes parents, je sais qu’ils devineront à l’instant même où ils lanceront la vidéo de l’état dans lequel je me trouve. Mais je retiens mes larmes, par principe, par fierté. Réclamer le dossier. « Papa, maman… » Ma gorge se noue et je me maudis pour ce que je m’apprête à dire. « Donnez-lui le dossier qu’il attend… S’il vous plaît. » Mes yeux sont fixés sur l’objectif et j’espère sincèrement, que malgré ms propos, ils comprendront que je peux encore tenir. J’étais prête à encaisser si ça pouvait leur donner encore quelques jours pour éviter de compromettre une enquête, des preuves et surtout leur place au sein du SWAT. « Je vous aime. » je termine, un peu précipitamment. « Satisfait ? » Je ne peux pas m’empêcher de demander, froidement, le regard haineux.

Cette pourriture méritait d’aller crever dans les limbes.

Carson n'était pas fait pour ce monde. Et je crois que je l'ai toujours su, au fond. Aussi sentimental que sa mère. Mais les sentiments n'avaient aucunement leur place dans un univers comme le nôtre. Ils étaient une faiblesse que l'on ne pouvait pas se permettre, encore moins compte tenu du danger qui flottait continuellement autour de nous. Ils poussaient à prendre les mauvaises décisions. Notre avenir se jouait sur cette action décisive et je refusais qu'une amourette brise tout nos espoirs de fuite. Je n'étais pas stupide pour avoir manqué les regards qu'il lançait à la dérobée à notre captive, se croyant certainement discret. Alors que la lueur tapie dans ses yeux en attrapant le pistolet se suffisait à elle-même. Cependant, je devais avoir la certitude qu'il serait de mon côté, qu'il n'allait pas se mettre sa propre famille à dos à cause d'une fille. Mes lèvres se pressent l'une contre l'autre devant sa main tremblante et le mouvement de rébellion de la gamine testent les limites de ma patience. Ma main claque contre sa joue et le bruit rebondit aux quatre coins de la pièce. Nous n’étions pas sensés la blesser ! Le flingue se retrouve contre sa tempe, ma voix claquant froidement dans la pièce. Mon visage pivote en direction de Carson et je vois mon air menaçant le faire tressailler. « Ah oui ? » je l'interroge, avec un rictus sardonique. « Peut-être que si tu avais été à la hauteur, fils, nous n'en serions pas arrivés là. » Puis je reviens à Avalon, l'obligeant à me regarder dans les yeux. Si elle rechignait à obéir, j'allais lui donner des raisons de le faire. Il restait toujours son petit frère et je ne doutais pas une seule seconde qu'il sauterait à pieds joints dans mon piège si ça lui permettait de sauver sa sœur. Du moins, d'espérer pouvoir y arriver. Elle se fait tout de suite plus docile et je me redresse, hochant la tête pour indiquer à mes hommes de remettre le matériel en place. « Bien. Sois sage et souris à la caméra, veux-tu ? C'est tout dans ton intérêt. » je susurre, d'une voix mielleuse.

Le flingue toujours pointé dans sa direction - hors du champ de la caméra, je l'observe réciter les indications qui lui ont été données. Sa voix bute sur certains mots et ma langue claque d'agacement contre mon palais mais ça ne fera qu'amplifier le réalisme de la scène. Et c'était tout ce dont j'avais besoin. Je voulais qu'ils comprennent que ce n'était qu'un début, qu'une prémisse et que le pire restait à venir s'ils décidaient d'aller à l'encontre de mon plan. Je n'aurais absolument aucun remord à me débarrasser d'elle. Mes yeux font un aller-retour au plafond devant son épanchement avant de hausser un sourcil à sa réflexion, débordante de fiel. Elle me donnait envie de rire. Et je ne pouvais pas lui enlever son mental d'acier qui cherchait encore à combattre après tout ce temps. Si je n'avais pas eu le certitude que ce soit impossible, j'aurais adoré essayer de la corrompre. Elle aurait pu avoir son utilité, parmi nous. « Tu vois ? Ce n'était pas si difficile, avec un peu de motivation. » je souffle, un sourire au bord des lèvres. Avant de jeter un oeil à mes hommes, en désignant la caméra du menton. « Tout est enregistré ? » L'un d'eux me confirme d'un hochement de tête et je glisse le canon de l'arme sous le menton d'Avalon pour relever son joli minois dans la direction, une nouvelle fois. « Maintenant, nous n'avons plus qu'à attendre la réponse de tes chers parents. À moins que Neven ne soit plus prompt à répondre à ma demande; bien entendu. » je rajoute, mon rictus s'élargissant devant son air horrifié.