Talk and Reliefs | Mazra #1

Tout ce qui sortait de ma bouche n’était pas que les caprices mensongers d’une petite fille qui n’avait pas eu tout ce qu’elle avait voulu. Non. C’était cette profonde vérité qui avait fait grandir cette putain de haine dans le fond de mon cœur. Contre lui, contre le monde entier, contre tout et n’importe quoi. Qui avait animé la force de me battre. J’avais toujours eu l’impression que je devais rendre des comptes à tout le monde, que je devais prouver qui j’étais, alors que mon nom même, m’abstenait de cette obligation. « Tu sais très bien que j’ai raison, Ezra. » Je souffle quand dans un murmure, il me réponds que ce n’est pas vrai. Il était prince, roi, merveille aux yeux du monde entier, qui aurait bien pu avoir l’audace de faire affront au petit être parfait qu’il était ? L’affront de dire quoi que ce soit à celui à qui l’on aurait offert le monde. Personne ne lui aurait jamais même monté le ton dessus. On savait tous qu’il n’était pas aussi fort de caractère que moi, ou même que notre père. Il avait hérité toute la douceur et la délicatesse de notre mère et se trouvait même physiquement être parfait mélange de nos parents. La grandeur de notre père et les traits doux de celle qui nous avait porté avec amour. Il était Parfait. Aussi parfait qu’on attendait de lui qu’il soit. Ils auraient été capables de l’entendre. Capables de le comprendre. De comprendre que ce n’était pas fait pour lui. Je n’avais jamais eu ce sentiment de crainte envers mon père. Il était peut-être parfois dur, il n’en restait pas moins un être humain qui aimait ses enfants, à sa manière, certes, mais ça n’enlevait rien à l’amour qu’il nous portait. Nous étions sa famille. Le craindre me semblait irréel, insensé. Il était impressionnant, je voulais bien l’avouer, mais de là à nous faire peur. Il n’avait jamais donné cette impression. L’hystérie dans la voix de mon petit frère, me ramenait à une certaine réalité presque palpable. Cette situation nous faisait souffrir tous les deux. Il n’était pas au-dessus de moi, et pire, j’étais la raison de ses larmes.

Moi j’avais causé cela. J’avais été à l’origine de cette petite fissure, transformée en immense gouffre à travers les années. Moi qui n’avait jamais rien voulu de plus qu’un petit frère. Qui avait promis de l’aimer. Je pouvais encore visualiser le jour où émue aux larmes, ma mère m’avait annoncé avec une petite paire de chaussons comme les miens, que j’allais être une grande sœur. Moi, j’allais avoir un petit frère. Elle m’avait serrée si fort dans ses bras. Elle m’avait montré le petit arrondi encore discret de son ventre, sur lequel j’avais presque immédiatement déposé un baiser. Elle était tellement heureuse, et moi j’étais surexcitée. J’allais enfin, pouvoir partager des moments avec quelqu’un qui me comprendrais. J’avais promis d’être sage avec lui, de toujours l’aimer, de toujours le protéger. Une fois que j’aurais eu sa main dans la mienne, de ne jamais la lâcher. J’étais tellement impatiente. Tellement ravie. Il ne me manquait que lui. Puis le temps a passé, nous a séparé. J’avais vite compris qu’on ne m’accorderait jamais autant de valeur que lui, parce que j’étais certes, la première née, mais je n’étais pas celle que tout le monde attendait. Et Ezra, moi je l’avais tellement aimé. Il m’avait tellement manqué. Mon petit frère m’avait manqué. Ca me pesait sur le cœur, parce que je savais tout ce que l’on avait manqué, tout ce que l’on avait encore à vivre ensemble, si on se serrait la main, si tout ça prenait fin. Je regrettais simplement la manière dont ses aveux avaient été fait. Dans les cris et les larmes. Comme si ce volcan de colère, d’incompréhension avait eu besoin d’exploser pour enfin faire le ménage et nous permettre enfin de nous retrouver. Je m’approche doucement, avant d’aller me glisser contre lui, presque brutalement, tellement j’en avais eu besoin. Je referme mes bras dans son dos, fourre mon visage dans le cachemire de son pull, humant son parfum délicatement boisé. « C’est moi qui suis désolée, Ez. » Je souffle, la culpabilité m’étreignant la gorge, tandis que je sanglote dans son pull. Toutes nos excuses s’étendent alors que nous sommes serrés l’un contre l’autre. Le temps s’école tandis que je savoure sa chaleur, que j’avais tant voulu retrouver. On se sépare finalement et je sèche mes larmes d’un revers de manche. « Je te promets que tout ira bien, Ezra. » Je murmure à mon tour, en fixant son regard. Il n’était plus question même de rang. Simplement d’un frère et une sœur qui se retrouvaient. D’une famille, qui renouait doucement le lien, après tant de temps à, à peine se regarder. J’hoche la tête à ses paroles, avant de voir sa main se tendre en ma direction. Je glisse ma paume contre la sienne en approuvant ses mots. « Ensemble. C’est là que nous sommes plus forts, n’est-ce pas ? » Je lance en esquissant un bref sourire. Je viens à nouveau me glisser contre lui, pour le serrer dans mes bras. Ca n’était pas arrivé depuis trop longtemps.

Peut-être que ce qui suivra changera les choses, peut-être pas. Mais ce qui comptait, c’était qu’enfin, les barrières étaient tombées. Qu’enfin nous avions pu nous parler. Il avait fallu tout ça, pour que je comprenne que ma peine et ma colère, n’était pas orpheline, et qu’à lui aussi, j’avais fait du mal. Je comptais bien tout faire, à partir d’aujourd’hui, pour que ça ne se reproduise jamais. Qu’on se dresse à nouveau, comme ce duo puissant, entouré d’amour, que nous avions toujours été.