Save me everyday | ft. Flora

Putain, cette sensation de bien-être est enfin revenue. Je me sens de plus en plus léger, et ce, malgré toute la nourriture ingurgitée. Je savais par avance que la soirée avec Flo serait une réussite, c'est bien pour cette raison que je m'étais naturellement dirigé chez elle. Comme toujours, Flora semble être le remède de mes maux, le petit médicament qui m'aide à une oublier... pendant quelques heures, seulement. Mais ces quelques heures me font tellement de bien, que j'ai parfois l'impression d'être un homme nouveau aux côtés de ma meilleure amie. À moins que je redevienne celui d'avant, je ne sais pas. Je n'ai jamais été doué pour me juger moi, ou juger les situations. La seule chose que je sais, c'est que je suis brisé mais que Flora ressemble trait pour trait à un tube de colle. Ça me fait peur. Pire, ça me fait peur d'aimer ça. Et quand je vois son sourire ou que nos peaux s'effleurent, je fais semblant que ça ne me touche pas. Parce qu'au delà de la peur que je ressens pour moi-même, j'ai surtout peur de blesser la seule personne au monde qui ne le mérite pas. C'est ce qui arrivera un jour, je gâche toujours tout.

Pour l'instant, j'essaie surtout de préserver ma fierté. Hors de question d'admettre qu'elle avait (encore) raison et que je n'ai plus faim ! Malheureusement, elle me connaît trop bien et mes petits stratagèmes ne fonctionnent pas le moins du monde. « Je le savais ! J’aurais dû parier ! »  Sûrement pas. Et même si elle l'avait fait, je n'ai pas un rond. J'en sors donc toujours victorieux. Je l'implore de ne pas se moquer de moi, ressortant même cette excuse ridicule avec ma colonie de crabes. Mais évidemment, comme je m'en doutais, Flora est beaucoup trop difficile à impressionner. « Laisses tes crabes tranquille, vilain ! »  me dit-elle avec un sourire merveilleux. Un sourire à se damner... Et puisque mes crabes ne l'effraient pas, je trouve une autre solution, c'est-à-dire, la jeter dans l'eau. « C’est hors de question ! »  Désolée beauté, c'est déjà décidé dans mon petit cerveau. En moins d'une seconde, elle se retrouve sur mon épaule, et je cours vers la mer, malgré ses protestations qui ne me convainquent pas. « Nan !! Jaden, s’il te plais !!!! »  Je n'ai rien entendu. Enfin si, mais je décide d'ignorer ses plaintes. Ni une, ni deux, je jette ma meilleure amie dans les eaux, et elle disparais de la surface pendant deux secondes. Je ris si fort que j'en ai mal au ventre. Après tout, elle l'a bien cherché. Ou pas. J'en avais juste envie. Elle ressort la tête de l'eau dans un mouvement que je détaille et qui menace de me rendre fou. Elle plaque ses cheveux en arrière, et sa beauté me frappe une fois de plus. Surtout que lorsqu'elle fait semblant d'être vexée, elle est encore plus mignonne. « Jaden Smith comment as-tu osé ?!! »  Je lui montrerais bien que je peux le refaire, mais je pense qu'elle a plus ou moins eu son compte. Je vais donc être sage, cette fois. « Moi ?! Mais je n'ai rien fait du tout. Tu as couru comme une dératée vers la mer et tu t'y es jeté ! Je n'y suis pour rien, je suis innocent dans toute cette histoire. »  Innocent est bien le dernier qualificatif pour me représenter, mais c'est drôle de prétendre le contraire, juste une fois. « Tu ne perds rien pour attendre. »[/color]  Elle m'éclabousse en réclamant vengeance, mais honnêtement, j'ai plus peur de ma colonie de crabes que d'elle. D'ailleurs, je le lui prouve en la poussant dans les vagues encore et encore, jusqu'à ce que nous finissions tous les deux trempés. Elle plus que moi, merci la nature. Après quelques minutes de jeux, Flora finit par me sauter sur le dos. Elle s'accroche à moi et malgré la froideur de l'eau, son corps me réchauffe. J'attrape ses jambes qu'elle a glissées autour de ma taille, parce que cette fois, je ne veux pas qu'elle tombe. Je veux qu'elle reste exactement là où elle est, là où ma peau frisonne. D'un coup, je ne suis plus du tout d'humeur joueuse. Je suis tendu, presque figé. Mais elle me sort de ma léthargie. « Je me vengerais ! Maintenant ramène moi sur le sable, je vais attraper une pneumonie par ta faute. »  Moi qui n'ai jamais froid et qui ne tombe jamais malade, j'oublie parfois que le commun des mortels, lui, n'est pas toujours comme moi. « Compte là-dessus, beauté. Mais tu as de la chance, je t'aime bien, je vais donc te ramener sur la terre ferme. »  Et c'est exactement ce que je fais. Je me dirige vers la plage, profitant de la moindre seconde de contact entre nous, de son souffle contre moi. « Et J’exige ta veste. »  C'est la moindre des choses. Elle n'avait même pas à exiger, je la lui aurais donnée volontiers. « Évidemment, pour qui me prenez-vous mademoiselle Galderan ?! »  je dis en riant. Arrivés sur le sable, je détache enfin mes mains de ses jambes, et je fais attention à la déposer délicatement. Dans la seconde qui suit, je me retourne vers elle pour ôter ma veste et la lui poser sur les épaules. Nos visages sont tout proches, mes pensées s'embrouillent. Je n'ai qu'un tout petit mouvement à faire et nos lèvres se toucheraient... Mes lèvres se rapprochent encore, nos yeux sont accrochés l'un à l'autre. Et comme pour tenter de me raisonner, je prends la parole et l'interroge sur autre chose. « Tu me pardonnes de t'avoir jeté à l'eau ? »  Peu importe la réponse qu'elle me donne, mes yeux ne la lâchent pas une seconde. Et peu importe mes idées étranges, je vais devoir trouver la force de ne pas embrasser Flora Galderan, ni maintenant, ni jamais.


@Flora Galderan

Je pourrais hurler à m’en briser les poumons que le bougre s’en ficherait bien comme de l’an 40, je vais finir dans l’océan, ruiner mon haut, et rentrer chez moi frigorifiée jusqu’à l’os. Autant dire que demain matin, je vais aller pleurer dans les bras de ma mère, pour qu’elle me donne quelque chose pour me soigner. En attendant, je suis perchée sur son épaule, l’océan qui se dessine sous mes yeux, alors que je me retrouve quelques secondes plus tard, engloutie par les vagues. L’eau encore bien froide me glace instantanément, et quand j’émerge, je ne sais pas faire quelque chose d’autre que de lui râler dessus en faisant mine de bouder. Il avait retrouver toute sa joie, et ça me fait juste beaucoup de bien au moral, de le voir un peu plus léger que tout à l’heure, son sourire surtout, il ne se rends pas compte combien son sourire est beau. « Mais bien sûr, aussi innocent que je peux être débauchée. » Répondis-je dans un rire, avant de rajouter un peu d’humour à tout ça, et de l’éclabousser, le cœur et la joie au bord des lèvres. Je bois la tasse un nombre incalculable de fois, à force de finir dans l’eau sans cesser de rire. C’est petit et cruel, mais ça me fait rire. Quand j’en ai assez, je me permets de grimper sur son dos, entourant son bassin de mes fines jambes, et son cou de mes bras. Je sens son dos se tendre, j’ose seulement espérer que ce n’est que parce que l’eau était affreusement froide, non pas parce que j’avais réveillé de très mauvais souvenirs. Je ne voulais pas le blesser, et encore moins, le faire se sentir mal. Mais je commence à frissonner de froid quand le vent s’engouffre tout contre ma peau. « Bien sur que je compte là-dessus, je sais qu’un jour, j’aurais ma vengance. » Soufflais-je alors qu’il nous ramène sur le sable, exprimant mes dernières exigences. « Pour l’être vil que vous êtes, monsieur Smith » Répondis-je, avant de retrouver le sol sous mes pieds.


Nos corps ne s’éloignent pas pour autant, la proximité est toujours aussi forte, et d’autant plus quand il passe ses bras autour de moi, pour déposer sa veste en cuir sur mon dos. Elle est mille fois trop grande pour moi, mais elle émane son parfum, ce mélange de parfum très musqué, très important, avec un peu de cette odeur de tabac, qui s’y mélangeait. Ce parfum que je pourrais reconnaître, encore et encore, tant il crie son prénom. Il est proche, trop proche, et j’ai peur de ne pas savoir reculer, de juste me laisser basculer, et de possiblement foutre tout ce qui nous reliait en l’air. « Je suis incapable de t’en vouloir… » Répondis-je, les yeux plongés dans son regard. Oscillant entre la pulpe de ses lèvres, et l’éclat noisette de son regard. Mon cœur bats puissamment dans ma poitrine, alors que dans une dernière réflexion, je me hisse sur la pointe des pieds, pour réduire la distance entre nous, que nos lèvres se rencontrent, doucement, l’espace d’un instant, avant que je ne me rende compte de ce que je suis en train de faire. Je me recule, subitement, en baissant les yeux. « Je… Je suis désolée… » Je m’écarte, et cours me mettre à l’écart, mon visage entre mes mains, qu’est ce que j’avais pu être stupide sur le coup… J’ai pensé à ça, pendant un long moment, à l’embrasser comme ça, en pensant que comme dans les livres, un baiser pouvait tout résoudre, et que le garçon se rendrait compte qu’il est subitement amoureux. Je crois que je vis dans une romance à la noix, et que les histoires comme ça, ne sont pas pour moi. La réalité est bien différente. La réalité elle est que je viens d’embrasser mon meilleur ami, qui pleurait encore son ex-petite-amie. J’étais ridicule.  Je n’aurais jamais dû faire ça, plus jamais il ne voudra qu’on ne se revoie, et il va définitivement penser que je débloque, il m’avait toujours vu comme sa meilleure amie, et rien de plus, pourquoi je me faisais des illusions. Il va me détester, profondément. Je n’aurais jamais, jamais dû embrasser, Jaden. Qu’est-ce qui m’a pris, à la fin ? Je venais de tout gâcher, pour avoir assouvi une envie que j’avais toujours réprimée, et je m’en voulais terriblement, surtout, j’étais terrifiée… La peur au ventre d'avoir tout détruit...

L'océan et ses mystères. Chaque fois que je me poste sur cette plage, je plonge mes yeux le plus loin possible, là où les vagues semblent s'arrêter et là où je pense me perdre. C'est d'ailleurs ce que je fais jour après jour, nuit après nuit, lorsque je laisse mes mains s'attarder sur des peaux qui ne m’entraînent nulle part. Cet océan me semble toujours si vide, si creux, si inutile. Et pourtant ce soir, j'ai la douce impression d'être au bon endroit. Le vide de d'habitude a laissé place aux rires, à la joie, presque même à l'insouciance de quand nous étions adolescents, Flo et moi. Et c'est plutôt étrange quand on y pense. Il suffirait d'une seule personne, je veux dire, la bonne personne, pour que tout s'arrange, pour que la tristesse et le froid nous quittent. Mais ça, cette version, c'est ce qu'on entend dans les contes de fées, dans les histoires de gosses. Et concrètement, je ne suis plus un enfant, non, je suis censé être un homme et rester réaliste. Seulement, je pense que c'est justement ça le pouvoir de ma meilleure amie : me faire croire, pendant quelques instants, que je suis redevenu l'enfant de mes souvenirs et que tout est permis.

C'est sans doute ce qui me pousse à la jeter dans l'eau, sans m’inquiéter le moins du monde qu'il fasse si froid en cette période. Il n'y a que l'instant présent qui compte à ce moment-là. Seulement nos rires qui se mêlent, et surtout, sa petite moue faussement vexée. J'en profite pour continuer de la taquiner, parce que rien n'est plus mignon que Flora Galderan qui boude. « Mais bien sûr, aussi innocent que je peux être débauchée. » Moi qui pensais que l'innocence me collait à la peau, je suis un peu déçu.  Elle me promet une vengeance et exige que je la ramène sur la terre ferme. Est-ce que j'en ai vraiment envie ? Non. Mais est-ce que je vais le faire ? Bien-sûr. Personne ne veut connaître les vengeances de Flora, et même si je lui réponds avec provocation, je n'en mène pas large. « Bien sur que je compte là-dessus, je sais qu’un jour, j’aurais ma vengeance. » Je le sais aussi, c'est bien ce qui m’inquiète. « Oh, et c'est censé me faire peur ? » Je serai un abruti de ne pas craindre ses plans machiavéliques. Mais comme je suis un homme, un vrai, je ne compte certainement pas lui avouer ça. Dans la seconde qui suit, mon amie exige ma veste et même si je n'y avais pas pensé, je l'aurais fait. Enfin, je pense. Mais là n'est pas la question, puisque Madame exige, Madame aura. « Pour l’être vil que vous êtes, monsieur Smith » Je ris de plus belle, parce qu'elle a totalement raison. « Alors nous nous sommes bien trouvé, mademoiselle Galderan. » Peut-être même un peu trop bien.

Je repose ma meilleure amie au sol, même si étrangement, je n'avais pas envie de rompre le contact de nos deux corps. Un peu trop proche d'elle -ou pas assez, au contraire, je ne sais pas-, je n'hésite pas à poser ma veste sur ses épaules. L'air entre nous se charge d'une ambiance particulière, je suis incapable de la quitter du regard. Ma veste toute défraîchie et trouée lui va si bien. Ou plutôt, c'est Flora qui va si bien à ma veste. Elle la rend moins pourrie, plus classe. Flo est belle. Non, magnifique. Et je sens que je vais perdre pied, alors pour tenter de me calmer, je lui demande si elle me pardonne de l'avoir jeté à l'eau. « Je suis incapable de t’en vouloir… » Je ne suis même pas sûr d'entendre ce qu'elle me dit. Je n'entends que sa voix parfaite, je ne vois que ses yeux parfaits, sa bouche si proche... Sans comprendre ce qu'il se passe, je sens nos lèvres se trouver l'espace d'une seconde beaucoup trop courte. Je suis surpris, mes idées s'embrouillent, mais je ne bouge pas, je n'ose pas, comme pétrifié. Le contact se rompt malgré tout. « Je… Je suis désolée… »  me dit ma meilleure amie en courant se planquer à l'écart. Sauf que moi, je ne veux pas qu'elle parte. Alors en deux enjambées rapides, je la rejoins. Quand j'arrive à son niveau, je remarque bien dans quel état elle se trouve. Et même si je ne suis pas dans sa tête, je la connais, je crois savoir à quoi elle pense. Ne sachant pas quoi lui dire, je prends simplement une de ses mains dans les miennes, que je porte à mes lèvres pour y déposer un léger baiser. « Flo, tout va bien. » Puis, je pose une main sous son menton pour la tourner vers moi, qu'elle me regarde. Je ne supporterai pas qu'elle n'ose plus me regarder. Je ne veux pas la perdre. Je lui souris tendrement, cherchant mes mots. « Je veux dire par là, que je ne vais pas t'envoyer mon armée de crabes. » Je tente un peu d'humour, ce n'est peut-être pas le bon moment certes, mais que faire d'autre ? Je ne suis pas doué avec les mots. Je ne suis pas doué pour réconforter les gens. De toute façon, je veux pas réconforter Flo. Ce qui vient de se passer était... Je ne sais pas ce que c'était, mais l'idée qu'elle le regrette me fend le cœur. Et je n'ai qu'une envie : que nos lèvres se rencontrent à nouveau, pour ne plus se quitter. Je me rapproche encore un peu d'elle, la prenant dans mes bras et lui caressant le dos. Son parfum emplit mes narines, je me sens bien avec elle à mes côtés. Je ne vois aucune ombre au tableau. Alors mon visage s'avance vers le sien, et pour la seconde fois ce soir, mon monde bascule. J'ai eu si souvent l'envie que ça se produise, que toute ma frustration explose. Ce nouveau baiser n'a plus rien d'éphémère, de tendre. Il est passionné, et je ne veux pas m'arrêter là. Mes mains parcourent son corps rapidement, comme s'il y avait urgence. Et mes lèvres vont se loger dans le creux de son cou, là où j'ai du mal à respirer. J'essaie de reprendre contenance, mais à vrai dire, je n'y arrive pas. Et dans l'une de mes tentatives, je rouvre les yeux pour atterrir dans un brouillard total. Mon regard est alors attiré vers une petite cabane de plage, plus loin derrière Flo. Il y a une silhouette qui nous observe, sans bouger. À priori, rien d'alarmant. Sauf que cette silhouette, même de loin, ne m'est pas étrangère. J'ouvre les yeux un peu plus grands, je me concentre un peu plus, et lorsque je comprends ce que je vois, mon souffle s'arrête net. Je suis incapable de bouger, de cligner des yeux ou même de respirer. « Lana... » J'ai un violent mouvement de recul, je me trouve face à Flora. Mais mes yeux ne quittent pas la femme que je pensais avoir perdue. Je m'adresse à Flo, sans vraiment m'adresser à elle. Je ne comprends plus rien, je ne sais plus où je suis. « Elle... elle est là ! Je la vois ! » Je pointe du doigt l'endroit où Lana se trouve, mais c'est si loin... Pourtant, je suis sûr que c'est elle. Lana est là, vivante !  « LANA !!! » Ma voix se fissure tant je hurle et sans hésiter, je me mets à courir vers la jeune femme. Dans ma course, je finis par trébucher mais je relève dans la seconde qui suit. Je ne veux pas perdre de temps, Lana est là, elle m'attend et je vais enfin la retrouver. Sauf qu'elle ne m'attend pas, sa silhouette disparaît aussi vite qu'elle est apparue, et quand j'arrive près de la cabane, Lana a disparu. Encore. Je regarde dans toutes les directions, je cherche désespérément une trace d'elle. Mais il n'y a personne. Je me sens à nouveau seul. Perdu. J'ai la désagréable sensation de me réveiller d'un rêve et le retour à la réalité est horrible. « Elle était là... Elle était là...»

C'était peut-être ma punition pour avoir oublié Lana le temps d'un baiser avec ma meilleure amie.


@Flora Galderan

J’ai beau être une fleur délicate, d’après ma mère, je n’en reste pas moins une femme, et j’ai tout de même plus d’un tour dans mon sac, surtout quand il s’agit de vengeance, j’ai plutôt hérité du côté de mon père, qui, niveau blague foireuse et plans bien ficelés, se révèle être expert. « Absolument, je peux me montrer redoutable quand je veux. » Répondis-je dans un sourire. Ceci est faux, la plupart des gens ne croient pas au fait que je peux me montrer méchante. Je pourrais, mais uniquement si on faisait du mal à ma famille. Heureusement, ce n’était jamais vraiment arrivé. Les rumeurs dans les journaux, ce n’était jamais à prendre au premier degré, et puis Papa nous avait toujours défendu d’y croire, et on se faisait vraiment confiance chez les Galderan. « Attention à ce que tu dis, Jaden, je suis loin d’être aussi vile que toi. » Je ne retiens pas le rire qui franchit mes lèvres, alors qu’il pose sa veste sur mes épaules. Mais trop vite l’ambiance entre nous change. Je me gorge de son regard, qui liquéfie tous mes sens, plongée dans la clarté de ses iris. Happée par tout ce que je peux y voir, l’éclat des ombres qui y dansent encore. Pourtant, je ne sais pas reculer, je ne pense pas à ce que tout ça pourrait engendrer. Je ne réfléchis pas. Je me contente simplement de me hisser sur la pointe de mes pieds pour parvenir à sa hauteur, et déposer un baiser sur ses lèvres, le temps de quelque seconde, habitée par cette envie, qui m’avait toujours animée, sans jamais vraiment s’être réalisée. Quand je finis par me rendre compte de ce que je suis en train de faire, j’ai ce mouvement de recul, avant de fuir lâchement, en bredouillant de piètres excuses. J’ai besoin de me retrouver seule pour me rendre compte de la gravité de ce que j’avais fait. Je venais de gâcher une soirée qui était sensée bien se passer. J’étais sensée l’aider à aller mieux, pas tenter de prendre la place de celle qu’il pleurait encore.


J’avais l’impression d’être la pire amie qu’il soit. En ce jour de deuil, j’aurais du faire autre chose, que de venir répondre à ce dont j’avais toujours rêvé. Je savais pertinemment, qu’aujourd’hui, c’était les 4 ans de la mort de Lana, et j’avais été assez stupide pour faire n’importe quoi. Je devrais parfois sortir la tête des bouquins pour me rendre compte qu’en dehors, les choses ne changent pas comme ça. J’ai pas envie qu’il me déteste, j’ai pas envie qu’il ne veuille plus me parler, parce que j’ai déconné. Quand il s’approche, je perçois son ombre dans le sable, alors qu’il se mets à ma hauteur pour glisser ses lèvres sur le dos d’une de mes mains. Ce contact m’électrise, et pourrait presque me tirer des larmes, si les traitresses, n’avaient pas déjà commencé leurs chemins sur le bombé de mes joues. Nos regard se rencontrent à nouveau, et malgré son sourire et ses mots, j’ai du mal à relativiser, à me dire que non, c’est pas grave, que oui ça va aller. « Je suis tellement désolée. » Répétais-je, la tête enfouie contre son torse, alors qu’il me sers lentement dans ses bras, que je me gorge doucement de sa chaleur qui émane. Je savais que je n’avais pas le droit. Ca fait des années que je n’ai pas le droit, que je devais garder ça, bien enfoui, ne jamais l’évoquer, ne jamais y penser. Mais alors que je relève la tête, ses pupilles croisent à nouveau les miennes, et sa bouche, en quelques demi secondes, retrouvent à nouveau la mienne, avec plus de vigueur et de passion. Mon cœur pulse à une vitesse sans nom, et mon souffle se fait doucement plus court, au contact de ces baisers humides, et avides, qu’il dépose contre mon cou, faisant doucement éclater un nombre insensé de fourmillement dans le creux de mon ventre, alors que je m’accroche désespérément à lui, pour ne pas flancher.


Subitement tout prend fin. Son contact cesse, et je suis totalement perdue, quand mon regard retrouve la lumière sombre de la nuit, et que j’entends le prénom de Lana, être murmuré entre ses lèvres. Et ça me flingue. C’est comme recevoir un poing en plein dans l’estomac. Son regard est fixé au loin, sur une cabane à peine éclairée, mais désespérément vide, et je ne comprends que trop vite ce qui est en train de se passer, pour avoir déjà fait face à ce type de comportement de sa part. Sans que je ne parvienne à faire quoi que ce soit, sa voix se brise dans un hurlement qui me fends le cœur. Je le regarde fuir, courir dans la direction du spectre qu’il semble voir, tomber et se relever, alors que je me lance à sa poursuite. J’avais peur d’avoir déclencher quelque chose que je ne serais pas en capacité de contrôler. J’arrive à bout de souffle à sa hauteur, tandis qu’il pose un regard paniqué tout autour de lui. Je m’approche lentement. « Jaden ? Eh… C’est moi, c’est Flora. Regardes-moi. » Lançais-je dans un souffle, avant de me placer face à lui, et d’hisser une main délicate jusqu’à son visage, de l’obliger à me regarder. « Il n’y avait rien… Personne n’était là… » Soufflais-je tentant de le ramener à la réalité, à notre réalité. « Il n’y avait que tout. Et tout va bien. » Ma voix n’est qu’un murmure calme, alors que mon cœur implose lentement. Mon pouce, caresse sa joue rugueuse, parsemée d’un peu de barbe mal rasée. « Tout va bien, je suis là… Ca va aller. » Et pourtant, j’ai peur qu’il n’aille jamais mieux, qu’il continue de la pleurer chaque jours, qu’il ne s’en remette jamais. J’ai peur d’y perdre mes ailes. De me faire des illusions, pour ne jamais réussir à le sortir de son enfer, alors qu’il y a quelques minutes, son souffle s’échouait sur ma peau, pour en éveiller tous les sens.


Pourquoi faut-il toujours que tout bascule ?

Son parfum me manquait. Ses éclats de rire, ses yeux aussi. Chaque parcelle d'elle me manquait, même les choses les moins évidentes. Quand elle crachait comme un homme, qu'elle n'en faisait qu'à sa tête, pire qu'une bourrique, et même lorsqu'elle piquait des crises de jalousies absolument ridicules, y compris avec le chien du voisin. Aujourd'hui, je donnerai tout pour être à nouveau témoin de ses comportements de mecs, pour l'entendre hurler que j'ai baisé la serveuse du café. Parce qu'à mes yeux, toute cette merde était parfaite. Lana était parfaitement imparfaite, c'est sans doute ça que j'aimais le plus chez elle. Et je l'ai perdue, définitivement. Elle ne reviendra plus jamais.

Enfin, c'est ce que je croyais avant ce soir. Parce que j'en suis certain, elle était bien là. Je l'ai vue, et même à des dizaines de mètres, je n'aurais jamais pu la confondre avec quelqu'un d'autre. Et ce n'est pas le pétard que j'ai fumé qui me fait voir des choses, il était plutôt léger pour une fois. Alors là, au milieu de mes respirations saccadées, et de ma gorge qui me brûle à en mourir, je suis en train de devenir taré. Et si j'étais si abîmé que mon cerveau malade cherchait à voir Lana partout ? Après tout, c'est peut-être ça ma punition. Comme un clou qui s'enfonce de plus en plus profondément dans une plaie déjà bien trop douloureuse à supporter. Je reprends peu à peu mes esprits, conscient que chaque mot prononcé à l'air totalement irréel. Parce qu'au fond, je le sais : Lana est morte. Je l'ai vue tomber de cette putain de falaise, j'ai tenu son corps sans vie entre mes bras, j'ai vu son cercueil descendre dans ce trou noir et froid. C'est donc bien de ça qu'il s'agit : ma propre folie qui me bouffe.

Je relève les yeux vers mon amie, que je viens seulement de remarquer. Je n'avais pas conscience qu'elle m'avait suivie. Je ne le comprends qu'au moment où sa main se pose sur mon visage avec douceur. « Il n’y avait rien… Personne n’était là… » Je la regarde sans vraiment la voir, perdu entre certitude et doute. Je ne sais pas quoi faire, quoi dire. J'ai honte d'avouer qu'effectivement, je perds les pédales. Alors je baisse à nouveau les yeux, prêt à m'écrouler au sol. « Il n’y avait que tout. Et tout va bien. » Elle a raison, évidemment. Pourtant, en un éclair, je revois les yeux de Lana me fixer. C'est comme si elle m'appelait à elle, silencieusement. Comme si de loin, elle me reprochait ce qui venait de se passer avec Flo. « Tout va bien, je suis là… Ca va aller. » Non, rien ne va. Il suffit de voir le regard de Flora en ce moment même. Elle est... terrorisée. Et c'est indirectement ma faute. Non, c'est totalement ma faute. Si je ne m'étais pas laissé aller, si je n'avais pas décidé d'oublier que j'appartenais à Lana pour toujours, je n'aurais jamais vu son putain de fantôme. Je n'aurais jamais péter un câble devant mon amie. Et elle n'aurait pas ce regard, elle irait bien. Et malgré ce qui vient d'arriver, je veux la protéger. Parce qu'elle ne mérite pas tout ça. Je sais qu'elle ne supporterait pas de me voir devenir une caricature mal faite des gens qui tombent dans la psychose. De toute façon, je refuse de me laisser entraîner là-dedans. Je décide, là, maintenant et tout de suite, de rester sain d'esprit. Autant que je le peux, en tout cas. Je me fais violence pour reprendre contenance et lorsque mon regard se pose enfin sur Flo, j'essaie de balayer la merde de mon visage. Je souris comme un con et même moi, je sais que ça sonne faux. « Excuse-moi Flo. Je pense que mon pétard de tantôt était un peu trop chargé. » Un tout petit mensonge de rien du tout. « J'ai vraiment cru qu'elle était... » Je ravale immédiatement mes mots, conscient qu'ils ne sont pas en ma faveur. « Enfin bref. Je suis désolé pour ce truc très... bizarre. Ce sera ma prochaine bonne résolution du début d'année : arrêter la fumette. » Si je me souviens bien, c'est ma résolution depuis au moins une éternité. J'émets un petit rire complètement stupide, qui j'en suis sûr, ne trompe pas Flo. Je me rapproche un peu d'elle, n'oubliant pas ce que nous avons fait elle et moi, il y a à peine quelques minutes. Il faut que je règle ça. « Écoute Flo... Ce n'est pas ta faute, ok ? J'ai adoré ce qu'on a fait... C'était... wouah. » Oh oui, ça l'était. Avant que le spectre de ma petite amie morte ne me regarde avec des envies de meurtres, à cause de ma trahison ultime. « Mais je pense qu'on a tort de faire ça... Je ne veux pas que tu souffres. Tu es ma seule amie et je ne veux pas te faire couler avec moi. » Je ne sais pas ce qui me fait le plus mal : voir Lana ou rejeter Flo. Mais pour une fois dans ma vie, je décide de ne pas être égoïste. Je la prends par la main, même si ce contact me brise le cœur. « Ami... ? » Quelle connerie, putain ! Une voix dans ma tête me crie que Flo ne sera jamais une amie pour moi, qu'elle est déjà bien plus que ça.

Mais comme je commence à voir des choses étranges, je ne veux pas donner raison à une voix dans ma tête.


@Flora Galderan

Je ne sais plus le voir comme ça. Je ne sais plus quoi faire, quand le rassurer ne sert plus à rien, quand le prendre dans mes bras n’apaise même pas sa peine. J’ai mal au cœur de le voir dans un tel état, et d’être incapable de faire quoi que ce soit pour l’aider. Il n’avait jamais vraiment eu de phases comme celle-ci devant mes yeux. Jamais l’impression de la voir, quand on était tous les deux. Je savais que parfois, il avait encore l’impression d’entendre sa voix. Qu’il continuait à lui parler, à lui écrire, à la visiter depuis 4 ans. Mais jamais, je n’avais été spectatrice de sa chute, de sa descente comme ça. Je n’avais jamais eu à le serrer dans mes bras si fort, pour lui faire oublier qu’elle n’est plus là, qu’elle n’est plus qu’un souvenir encore trop frais dans sa mémoire, jamais encore, je n’avais eût à subir son deuil de cette manière. J’avais fait un nombre de sacrifice innommable, pour lui. J’avais tout laissé de côté, mes rêves, mes envies, mes sentiments, pour le laisser vivre sa vie, son amour. J’avais laissé mon battre en silence, quand son regard croisait le mien. Les larmes couler pendant des heures, quand je me rendais compte, que non, il ne m’aimera sûrement jamais autant, que moi je pouvais l’aimer. Que son cœur, à jamais, bâterais pour celle dont le cœur avait cessé de battre, il y a des années de ça. Des années de nous.

Mais je ne sais faire que ça, attendre, mettre tout sous clé, sous silence. Attendre, qu’il me voit par-delà le chaos.

Son regard est vide, il ne me regarde même pas, il ne me voit pas. Il est perdu loin de là, loin de moi, et je sais que mes mots, ni mon contact, ne le ramèneront pas si facilement, et pourtant, je continue de lui parler, de tenter de lui faire prendre conscience qu’il n’y avait que nous deux sur cette portion de plage, que nous étions terriblement seuls. Assez seuls pour que j’en vienne à prendre la décision stupide, de seller nos lèvres dans un baiser, qui avait sûrement tout déclencher. C’était sûrement ma faute, je n’aurais jamais dû. Je n’avais sûrement fait qu’empirer les choses. Je n’avais été d’aucune aide, d’aucun soutient. Je n’avais fait que l’enfoncer. J’ai beau lui dire, et lui répéter que tout ira bien, je sais pertinemment que non. Rien n’ira jamais bien. Il n’ira jamais mieux. Un jour il ira la retrouver, et je ne pourrais rien faire, je serais incapable de le retenir, de lui faire comprendre, qu’ici-bas aussi, il y a un cœur qui bats pour lui. Un être qui pourrait aussi peut-être, avec toute la prétention que je peux avoir, apaiser ses maux. Mais je ne sais rien faire de plus que de lui mentir, lui souffler que ça ira, qu’il faut qu’il se relève. Comme si lui mentir allait le faire aller mieux.

Au fond, c’est sûrement à moi que je mens.

A continuer d’être là, le cœur au bord des mains et des lèvres.

Puis enfin il me revient, son regard se lève vers moi, et son sourire, plus faux que jamais, vient prendre place sur son visage. Il sait que je sais. Que ça marche plus avec moi. Pas ce soir. Je lâche ma prise sur son visage, et finis par reculer à ses mots. « C’est rien. Et je suppose que oui, arrêter ne te feras pas de mal. » Je réponds, évasive. Je sais qu’il est là sans être là, au fond, il va ressasser, et finir par oublier ma présence encore. Peut-être qu’on aurait pas dû sortir ce soir. Ca m’aurait éviter, de prendre plusieurs coups de massues sur la tête, et j’ai bien l’impression que ce n’est que le début, que maintenant que l’on a partagé un baiser, plus rien ne sera jamais pareil. Il s’approche à nouveau, et j’aurais presque envie de reculer, avant qu’il ne fasse quoi que ce soit, mais je reste plantée là, à entourer ma taille de mes bras, comme pour me protéger de ce que je ne sais pas. Ecoute Flo Et je sais d’avance que je ne vais pas aimer ce qui m’attends. Mes yeux s’embrument, au fur et à mesure de ses mots, et les sanglots commencent à s’accumuler dans ma gorge. Comme si ce n’était pas suffisamment évident, que tout ça, était la pire chose que j’avais pu faire. Sa main se glisse dans la mienne, alors que mon cœur se brise en de milliers de petits éclats. Ami ? C’est cette question qui termine d’achever mon cœur, et pourtant, je ne réponds rien de plus qu’un bref. « Amis. » Dans un souffle, alors que je lâche sa main pour le contourner et avancer. « Je veux rentrer, s’il te plais. » Je souffle, en profitant d’avoir le dos tourné pour venir essuyer mes larmes, et mes joues, pour souffler un bon coup, avant qu’il n’entende les sanglots, qui s’échappent.


Non, je ne veux pas être son amie. Non je ne veux regretter. Non je ne veux pas avoir eu tord. J’ai terriblement mal au cœur. J’ai mal de ce rejet, j’ai mal à ces sentiments qui hurlent doucement, au fond de mon cœur. J’ai pas envie de cacher tout ça. Pourtant, je ne sais pas ce que je ferais si il n’est plus là. Alors il faut que j’encaisse, encore, que j’hoche la tête sagement, et que je cache tout ça. Parce qu’il n’a pas besoin de savoir, pas besoin de voir que moi, je souffre peut-être autant que lui. Rien que pour ça, je la hais, elle, qui occupe encore ses pensées. Elle qui a pris son cœur, et qui ne m’a rien laissé, elle qui refuse de s’en aller, et qui spectatrice, nous observe nous blesser. Je ne demandais rien de plus qu’un peu de son amour. Je ne veux pas qu’il l’oublie, simplement, qu’il ne m’oublie pas, qu’il lève les yeux, pour voir combien moi, je pouvais être amoureuse de lui, et combien j’en souffrais.