When darkness falls (Shawna #2)

« Tu ne devrais pas déjà être chez toi, Shepard ? » Je relève la tête du dossier que j'étais en train de parcourir, mon regard se posant sur l'écran numérique de mon téléphone pour y regarder l'heure. Il n'était pas loin de vingt-deux heures trente et j'aurai déjà dû passer la porte de ma maison depuis bien longtemps. J'avais promis à mes enfants de ne pas m'éterniser au bureau, mais j'avais, une fois de plus, lamentablement échoué. Je pouvais déjà entendre les soupirs d'agacement de Tilly et voir les regards accusateurs des jumeaux dont j'allais être la victime demain matin, au petit-déjeuner. Seulement, ces derniers temps, j'avais dû mal à décrocher et à me souvenir que j'avais une vie en dehors de mon travail. Nous étions sur plusieurs gros dossiers dont aucun n'aboutissait à quelque chose de concluant et ça commençait lentement à me tendre, en plus de me rendre dingue. Je n'en fermais plus les yeux de la nuit, mon cerveau en constante ébullition à tourner et ressasser, encore et encore, les maigres indices que nous avions. « En plus il me semble que quelqu'un t'attends. » Je secoue la tête devant le sourire amusé qui illumine presque le visage de mon collègue, refermant la chemise posée sur mon bureau. « Et toi ? Tu n'as pas une charmante rouquine à rejoindre ? » Au vu du métier de ladite rouquine, je ne serais pas étonné qu'elle soit, elle aussi, encore éveillée à cette heure et qui, en conséquent, ne s'offusquera pas de l'heure à laquelle son compagnon rentrera. En revanche, je savais pertinemment que Savanna allait attendre mon retour pour se coucher et même si ma conscience professionnelle me suppliait pour que je reste, j'avais envie de retrouver la tranquillité de mon chez moi et de profiter de la présence haute en couleur de la brune. Ma vie s'était teintée de nuances fuchsia depuis qu'elle la partageait et malgré toutes mes craintes, je ne m'étais jamais sentie heureux que depuis ces six derniers mois. Je rassemble rapidement mes affaires, puis je regagne l'encadrement de la porte, saluant d'un signe de tête mon coéquipier. « À demain, Hensley. Essaie de ne pas passer la nuit ici. » j'ajoute d'un ton quelque peu moqueur avant de quitter les bureaux du FBI.

Quand j'arrive devant mon domicile, toutes les lumières sont éteintes et je perçois seulement une douce lueur émaner depuis la fenêtre du salon. Mais mon regard est vite attiré par une grande enveloppe marron déposée sur le perron. Je la récupère, les sourcils froncés, poussant finalement la porte d'entrée. Je dépose mes affaires dans l'entrée, l'enveloppe sur la table du salon dans lequel je viens de rentrer, m'avançant vers le canapé. Mes bras s'enroule autour des épaules de Savanna tandis que mes lèvres viennent déposer un doux baiser sur sa joue. « Désolé, je n'ai pas vu l'heure. » Je viens finalement m'asseoir à ses côtés, non sans jeter un coup d'œil en direction des escaliers. Mais aucun bruit ne provient de l'étage et à moins que mes trois enfants tirent la tête, je suppose qu'ils ont rejoint les bras de Morphée. « Vous avez passé une bonne soirée ? » Forcément meilleure que la mienne, à ne pas en douter. Tilly, Myra et Grayson adoraient Savanna et la réciproque était tout aussi vrai. « Ils ne me détestent pas trop ? » je fini par demander, mon regard pivotant dans sa direction. Ça faisait des années que je m'enfermais dans mon travail, en très grande partie pour m'aider à remonter la pente, et depuis que j'avais l'impression de respirer de nouveau, j'avais promis à mes enfants de lever le pied. Mais faire fuir ces mauvaises habitudes n'étaient pas simples. Seulement je n'en étais pas à mon premier dîner manqué et je savais pertinemment qu'ils allaient finir par m'en tenir rigueur aussi. Tout comme la femme qui partageait maintenant ma vie. « Des fois je me demande comment ils font pour ne pas me trouver nul comme père. » Mes gamins étaient des êtres incroyables et même si je n'étais visiblement pas le plus doué pour le montrer, je les aimais de toute mon âme. « Et je me demande aussi ce que tu peux bien trouver à un homme aussi taciturne que moi... » Un sourire narquois étire mes lèvres avant que ces dernières viennent se sceller sur les siennes.

Je n'étais pas parfait en tant que père, encore moins en tant qu'homme et conjoint, mais je faisais tout pour m'améliorer.

« Qu'est-ce qu'on mate, les mioches ? » Ma voix s'élève, rieuse. Allègrement étendue au beau milieu des jumeaux, le pouce flottant au-dessus de la télécommande, j'attendais les instructions. « Je rappelle qu'un film d'horreur n'est toujours pas considéré comme une option. » Petit regard appuyé en direction des plus jeunes, paupières plissées. Je voulais pouvoir réussir à dormir, cette nuit. Oui, je suis un être fragile. J'assume totalement, messieurs dames. « Le pop-corn est prêt ! » La silhouette délicate de la plus âgée réapparaît dans le salon et je tapote le dossier du canapé pour l'inciter à se rapprocher. « Merci, beauté fatale. Assieds-toi et tranche sur le programme, par pitié, parce qu'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord. » Si ce n'était que pour le choix d'une série...Pourtant, le seul fait d'être entourée des trois enfants Shepard - à ma plus grande surprise - me remplissait d'une douceur joie. Je me sentais à ma place, emmaillottée dans un pyjama affreusement doux, les cheveux attachés en un chignon désordonnée et prête à me vautrer dans le sucre en regardant une connerie à la télé. Est-ce que c'était ça la vie de famille ? Bien. Ce n'était pas si mal, après tout. Il ne manquait qu'une seule personne pour parfaire le tableau. Brun, ténébreux, un regard de braise. Un peu ronchon, une droiture à toute épreuve. Super courageux. Beau. Ténébreux. Incroyablement séduisant. Ahem. Je crois que le message est passé. Mais peu importe l'humour et les cascades des protagonistes, toutes nos pensées sont tournées vers lui, nos regards allant et venant en direction de la porte d'entrée. Même Tilly, planquée derrière son téléphone. Difficile d'apprécier pleinement les épisodes, lorsque notre attention est toute dirigée vers la personne qui manquait à l'appel.

Nous attendions tous le retour de Shawn à la maison, dernière pièce manquante pour compléter le puzzle de cette étrange tribu.

Mais les heures passent et la fatigue se fait bien vite ressentir. Le salon est rapidement plongé dans une ambiance tamisée et je veille à ce que les petits montent se coucher, après une dernière papouille. Parce que oui j'y tiens, au câlin de bonne nuit. Mais si on me demande, je nierai jusqu'à ce que mort s'en suive. J'ai une réputation à préserver. Le silence finit par régner dans la maison et je m'assois en tailleur sur le sofa, un magasine de décoration posé sur les genoux. Toujours se tenir au courant des dernières tendances. Toujours. De toute manière, je n'aurais jamais réussi à m'endormir. Je préférais l'attendre, savourer sa présence et me coucher à ses côtés, entourée de ses bras. Mes propres pensées sonnent si mièvres. Qui l'aurait cru, hein ? Certainement pas moi. Mais comme quoi, il suffit de rencontrer la personne qui saura vous faire chavirer. Et parfois, elle se trouve là depuis longtemps, apparaissant vraiment sous vos yeux quand le moment y est propice. Je ne m'étais jamais sentie aussi bien, au beau milieu de ces énergumènes attendrissants. J'avais trouvé mon équilibre.

Et je sens mon coeur palpiter dans ma poitrine quand des phares éblouissent furtivement la fenêtre du salon. La porte s'ouvre et je tourne la tête en direction de l'entrée, un sourire naissant sur mon visage quand la silhouette de Shawn se découpe dans la faible lumière. « Ce n'est pas trop tôt » je fais mine de ronchonner, les yeux brillants de malice. Je savais qu'il bossait dur, sans relâche, pour accomplir son devoir. Et je n'aurais jamais pu lui en vouloir pour ça, même si je finissais toujours par m'en inquiéter. Il avait besoin de faire des pauses, de relâcher la pression. Ses lèvres se posent sur ma joue, son ombre de barbe venant effleurer ma peau et je prends une inspiration légèrement tremblante. « Je sais. Si Reid ne te rappelait pas que tu as une famille, tu y serais encore jusqu'à l'aube. » je murmure, l'observant s'installer à mes côtés. « Brooklyn 9-9 et une montagne de pop-corn au caramel. » je rajoute, avec un large sourire. Le mention de la série le fait rouler des yeux et je glousse légèrement avant de m'arrêter, la tête penchée sur le côté. « Tu as intérêt à faire une montagne de pancakes pour le petit déjeuner, pour te faire pardonner. » J'appuie mes paroles de plusieurs hochements de tête, pour lui signifier l'importance de cette mission. Mes mains vient trouver l'une siennes et je fais glisser nos paumes l'une contre l'autre. « Ils sont intelligents, Shawn. Même s'ils ne rechigneraient pas contre une multitude de soirée cinéma avec toi, ils connaissent l'importance de ton travail. » Puis ses paroles me font lever les yeux dans sa direction. Et mes doigts viennent donner une pichenette au centre de son front. « Shawn Shepard. Ne remets jamais en cause l'adoration de tes enfants à ton encontre. Tu es un père formidable et ils sont très chanceux de t'avoir. » je le sermonne, d'une voix douce. « Ce n'est pas des absences le soir qui comptent. C'est tout le reste. » Et je me demande aussi ce que tu peux bien trouver à un homme aussi taciturne que moi. Sa bouche trouve la mienne après ces mots et mes mains viennent s'arrimer à sa nuque, caressant les mèches épaisses à leur base. Puis je recule, suffisamment pour que l'on puisse se regarder sans avoir à loucher. « Quant à ce que je te trouve... » je souffle, un sourire amusé venant étirer mes lèvres. « Il faut dire que tu fais des trucs incroyables avec ta- » Ses yeux horrifiés m'achèvent avant la fin et j'essaye tant bien que mal de retenir un ricanement digne d'une hyène contre son épaule, pour ne pas réveiller les enfants. « Je déconne, détends-toi. Enfin, pas vraiment. Mais tu vas nous faire un arrêt cardiaque et je tiens à savourer ces talents encore un peu plus longtemps. » Un gloussement plus tard, je dépose un nouveau baiser contre sa mâchoire. « Tu es toi. Avec tes qualités et tes imperfections. Tu es mon exact opposé et pourtant, tout ce dont j'avais besoin dans ma vie. » Un nouveau baiser, à la commissure de sa bouche. « Et tu fais vraiment d'incroyables pancakes. » Nos regards se croisent, complices et je recule, gardant sa paume chaude dans les miennes. En détournant les yeux, j'aperçois le gros dossier en papier kraft qui siège sur la table basse et je le désigne du menton. « Toujours ces dossiers qui vous donnent du fil à retordre ? »

@Shawn Shepard

Ce n'était pas toujours facile de concilier vie de famille et vie professionnelle, encore plus quand cette dernière était aussi prenante. Je ne me souvenais plus de la dernière soirée film que j'avais passé avec mes enfants ni même à quand remontait le dernier week-end que j'avais pu leur consacrer. Je ne comptais plus toutes les heures que je passais au travail, tous les déplacements que je pouvais effectuer, ni le nombre de dossiers que je ramenais à la maison, parce que j'étais incapable de décrocher. Pourtant, il n'y avait rien de plus important que ma famille à mes yeux. Mes enfants étaient le moteur même de mon existence, les piliers qui me maintenaient à chaque fois que je me sentais m'effondrer. Ils étaient mes lumières dans l'obscurité. Grâce à eux, je me permettais d'aimer à nouveau, de m'imaginer un futur, loin de toute la noirceur dans laquelle je m'étais enfoncé. Et je regrettais ces soirées passées au bureau au lieu d'être auprès de mes enfants et Savanna a regarder la télévision en engloutissant du pop-corn. Mais malgré tous mes remords, je ne parvenais pas à changer mes habitudes. Je rentrais toujours aussi tard, je ratais ces instants si chers à mes yeux et je promettais, encore et encore de faire mieux la prochaine fois, sans jamais réellement y arriver. Et ce soir encore, je ne pourrais malheureusement pas souhaiter bonne nuit à mes enfants. Un sourire las étire mes lèvres alors que je m'installe à côté de la brune sur le canapé. « Et pourtant, c'est difficile d'oublier les trois êtres diaboliques que sont mes enfants. » Je n'oubliais pas vraiment ma famille quand je travaillais, au contraire. Tour ce que je faisais, c'était pour la garder en sécurité, pour espérer que jamais, il ne leur arrive quoi que ce soit. Je ne pourrais jamais rendre le monde sûr, je n'en avais pas le pouvoir, mais si je pouvais au moins augmenter leur sécurité, même d'un infime pour cent, je me devais de le faire.

Savanna m'explique comment s'est déroulé leur soirée et je ne peux pas m'empêcher de lever les yeux vers le plafond à la mention de la série sur laquelle ils avaient jeté leur dévolu. De tout le catalogue Netflix qu'il y avait, leur choix se portait encore et toujours sur le même programme. Ou en tout cas, Tilly choisissait toujours le même, même après vingt visionnages. Puis mon visage pivote légèrement sur le côté et je pose la question qui me brûle les lèvres depuis que j'ai passé la porte d'entrée. Un soupir amusé m'échappe à l'entente de ma haute mission du lendemain matin pour me faire pardonner et je n'ai jamais été aussi heureux que d'avoir demandé ma matinée. « Ce sera fait. Plutôt confiture ou sirop d'érable ? » je demande, sans pour autant être rassuré. Je craignais qu'un jour, ils finissent par réellement me tenir rigueur de toutes mes absences. Le contact de ses mains sur l'une des miennes me donne comme une décharge électrique et j'observe son doux visage en silence. « Je sais. Je ne veux juste pas qu'ils s'imaginent que mon travail est plus important qu'eux. Parce que ce n'est pas vrai... » En tant que père, je n'étais pas certain de réussir à me le pardonner, si ils venaient à penser ça. « Eh ! » je m'offusque de cet affront avant de croiser les bras sur mon torse, faussement vexé par cette attaque dûment menée contre mon front. « J'espère que tu as raison. » je soupire. « Ils ont beaucoup de chance de t'avoir également. Et moi aussi. » Nos lèvres se rencontrent, ses mains se glissent dans ma nuque et je la rapproche un peu plus de moi, savourant la douceur de l'instant. Avant de manquer de m'étouffer à sa remarque. « Sav... » je gronde, les yeux écarquillés par ce qu'elle s'apprêtait à dire. Vile diablesse. « Continues et je garde ce talent au placard pour les six prochains mois. » Je ponctue ma menace d'un clin d'œil. À mon tour, je dépose un baiser sur sa tempe. « C'est moi qui avais besoin de toi dans ma vie. Tu es le rayon de soleil qui me manquait. » Elle avait réussi à transpercer, de sa simple lumière, tous les sombres nuages qui m'entouraient. Puis je lâche un léger rire à la mention de mes fameux pancakes. Je la soupçonnais d'être de mèche avec les enfants pour m'en réclamer à la moindre occasion. Toujours ces dossiers qui vous donnent du fil à retordre ? Je fronce les sourcils avant de tourner la tête pour suivre son regard. Mes yeux se reposent sur l'enveloppe en kraft déposé sur la table et je secoue négativement la tête. « Non, en plus, j'ai promis de ne plus ramener de travail à la maison. » Et je comptais bien m'y tenir. « C'était posé devant la porte quand je suis rentré. » Et ça m'intrigue suffisamment pour que je m'en empare et commence à l'ouvrir. Je me rapproche de la table basse, vidant son contenu sur cette dernière. Et mon souffle se coupe à la vision des photos, de mes enfants et de Savanna. Certaines datent d'il y a quelques jours tandis que d'autres remontent à aujourd'hui. Et parmi les clichés, un mot, tapé à l'ordi. Vengeance. « Est-ce que tu as vu quelque chose ? » je demande, en essayant de paraître calme alors qu'intérieurement, mon cerveau est en pleine ébullition.