Welcome back to Fort Fort Lointain. (Léna, Lula, Adam & May)

Je n’étais pas seule, et pourtant, j’avais cette impression traître de me retrouver face au monde entier avec mes mains seules pour me défendre. Qui pouvait bien nous en vouloir à ce point pour s’en prendre à un royaume en l’absence d’un roi ? Je n’avais rien, pas de nouvelles de mes parents, l’incapacité de pouvoir les contacter pour qu’ils m’aident et me rassurent. Le trône un jour me reviendrait, je le savais. Je ne m’étais pourtant jamais préparée à un tel enfer. Faire face à cette menace me semblait un obstacle insurmontable. Pourtant, en bas des remparts du château, il y avait ce peuple que je me devais de protéger. Des hommes, des femmes, des enfants, qui non seulement n’avaient jamais rien demandé, mais qui en plus de ça, ne méritaient aucunement d’être victimes de la barbarie et de la cupidité des hommes. Des enfants, qui savaient à peine marcher et qui avaient encore à tout apprendre sur notre monde, la cruauté de ce dernier, certes, mais jamais à un si jeune âge. Amèrement, je regrettais ce départ. Je regrettais de ne pas les avoir suivis. J’aurais peut-être mieux fait de monter dans ce carrosse, d’emmener avec moi Lula, et de profiter simplement de la vie du royaume voisin. Mais j’étais restée, avec une montagne de responsabilités sur le dos. Un fardeau. Que diront les sujets ? Vont-ils me haïr, me faire porter la culpabilité des actes du clan ennemi, pour ne pas avoir su les protéger ? Quelle reine verront-ils en moi, si je ne parviens pas à mener mes armées ? S’ils perdent épouses et enfants ? Le deuil, les rendra-t-il amers ? J’étais incapable de penser efficacement. J’avais le sentiment que tout ce que mon père m’avait appris sur la gouvernance et les stratégies militaires quittait mon cerveau sous le joug de la panique.

Je ne sais pas, votre Altesse. Ces mots d’Adam me glacent le sang. En bas, c’est déjà les armes et les cris qui résonnent et qui ne font qu’ajouter un peu plus de ressentiments négatifs dans mon cerveau. Les sujets. Il fallait les protéger. Mettre l’Aëstril à l’abri. Sortir tous sains et saufs de cet enfer.« Je sais, personne ne veut autant la protection du royaume que la garde.» Mon royaume passait avant tout, et il passera toujours avant le reste, mais aujourd’hui, je me sentais tellement impuissante, un véritable boulet dans toute cette histoire. J’étais incapable de magie, incapable de formuler une pensée cohérente, qui saurait tous nous sauver. Je ne servais à rien. Tous autour de moi établissent des stratégies, savent leurs rôles sur le bout des doigts, tandis que j’ai la sensation de flancher. Qu’entendre le son des épées était tout ce qui m'obsédait. Qu’ils allaient finir par réduire mon château à feu et à cendre. Odieux sentiment d’impuissance qui me serrait l’estomac et la gorge. L’heure est grave, nous nous scindons en deux groupes. Mellyn et Adam partent au combat, tandis que ma gardienne et moi-même, devons nous charger de retrouver la gemme et la mettre en sécurité. Le cœur lourd, et l’esprit incertain, je regarde mon ami d’enfance ainsi que l'émissaire des elfes, partir ensemble à l’assaut des Drows.

Je me retrouve alors seule avec mon amie. Cette dernière m’embarque derrière l’immense toison, à l’aventure dans un immense couloir. Il y fait froid, sombre, et l’odeur d’humidité envahit mes narines, me donnant une subite envie de vomir. Je tire sur le bras de Lula, les yeux embués de larmes. J’ai si peur d’avancer. Si je nous conduisais dans la mauvaise direction ? Tout ce que je faisais était sûrement complètement vain de toute manière. Il avait fallu quelques heures à peine, pour que mon royaume court à sa perte. Serrée entre ses bras, j’essaie de puiser dans sa chaleur pour m’insuffler du courage, mais je ne réussi à rien. Elle a beau me parler, c’est à peine si j’entends ses mots, du moins jusqu’à ce qu’elle prenne mon visage entre ses paumes. Les larmes me montent presque aussitôt, alors que nos yeux se croisent et se reconnaissent, comme toujours. [color:f6be=# ffcc99] « Je ne sais pas quoi faire, Lula. J’ai le sentiment que quoi que je décide, ce sera fatal. » Gémis-je d’une petite voix. Ses mots continuent de me rassurer, tout comme je pouvais sentir la chaleur de ses paumes se diffuser sur ma peau, et insuffler à mon cœur, un réconfort dont j’avais terriblement besoin. [color:f6be=# ffcc99] « Je sais… » Murmure-je, tandis que ses lèvres viennent caresser ma joue, avec une tendresse dont elle est la seule gardienne. Sa présence est une véritable bénédiction. « Que ferais-je, sans toi ? » Souffle-je, avant que nous reprenions notre route vers les cuisines. Le chemin est plus court que je ne l’aurais pensé, et rapidement nous nous retrouvons face à une porte de bois. Aucune lumière ne fuite, la discrétion de l’autre côté devait être parfaite, pour que peu de personne ne connaisse l’existence de ce chemin dérobé. A la question de ma mage de conseillère, mon cerveau se mets doucement en route. Je me rappelle cette pièce au beau milieu de l’immense corridor, proche de la salle de banquet. Petite, j’aimais parcourir les tapis épais, pour découvrir tous les secrets du château. Sur mon chemin c’était dressé cette porte, ornée simplement de quelques arabesques. Elle n’avait rien de spécial, mais assez pour attirer ma curiosité, de l’autre côté de cette porte protégée se cachait ce que nous convoitions. « Suis-moi. » Soufflais-je en prenant les devants. J’espérais ne pas me tromper. Je prends la main de ma conseillère et traverse les cuisines, le cœur battant, avant de réduire la distance plus vite que je ne l’aurais espéré devant la porte. Mais là où se cachait d’ordinaire la serrure, ne restait que le vide. Comme si le mur avait été consolidé, et la porte ôtée. « Non… Non.. Elle était censée être là… » Dis-je en posant mes paumes de part et d’autres. « Je le ressent Lula, je sais qu’il est là ! »