Camellia & Leto

Bonjour Wildflower,

Je ne sais pas vraiment par où commencer parce que ce n'est pas mon genre de m'impliquer dans les sujets que je peux lire ici. D'habitude, je me contente de lire et d'apprécier, ou pas. De me reconnaître ou non dans les histoires qui sont racontées dans les différentes catégories. Je crois que je suis arrivé un peu par hasard sur ce forum, même si j'ai passé des heures à me demander si j'étais le seul à ressentir cette impression de ne jamais pouvoir réussir à m'en sortir. Pas toi ?

Je ne pensais pas y trouver autant que de choses semblables à ce que j'ai vécu. Même si ce n'était pas le même contexte, le même environnement. C'était la même angoisse, la même obscurité tapie dans un coin, à attendre son heure pour frapper. Et ce qui m'a frappé, c'est ce que tu as cité dans ton commentaire.

“Quand on reste immobile, la peur pousse mieux.”

Je suis immobile, depuis que je suis rentré chez moi. Mais j'ai l'impression de ne jamais pouvoir me mouvoir à nouveau correctement. Comme si tout était trop sombre pour réussir à retrouver un rythme de vie normal. C'est ce que tu ressens aussi ? Ou est-ce que tu as su trouver la force de bouger à nouveau ? Tu m'intrigues.

Mais peut-être que tu veux peut-être simplement rester tranquille, alors je te prie de m'excuser pour t'avoir dérangé.

Post tenebras lux.

Cher Post tenebras lux,

Je dois dire que j’ai longuement hésité avant de te répondre et que j’ai très vite cessé de compter le nombre de fois où j’ai tout effacé pour tout recommencer, parce que ma réponse ne me convenait pas et que le courage me quittait au moment de te la faire parvenir. Et tu dois sûrement te demander pourquoi c’est si difficile alors que si je suis sur ce forum, c’est pour pouvoir me confier et échanger. La proximité d’une conversation privée, sans doute. En tout cas, si tu lis ce mail, c’est que j’ai enfin trouvé la force d’appuyer sur le bouton d’envoi. Peut-être que je le regretterais la minute suivante, ou peut-être pas. Je ne sais pas.

J’ai longtemps eu cette impression, oui. Mais si je peux bien affirmer une chose, aujourd’hui, même si elle est difficile à admettre, c’est qu’on n’est jamais vraiment seul. Tu n’es pas seul.

La peur ne m’a jamais quitté. Je nage toujours dans un océan d’eaux troubles, et quand j’essaie de me débattre, je continue de boire la tasse. J’ai peur de ne jamais réussir à remonter à la surface et d’être aspirée par les abysses un jour ou l’autre. Mais j’ai une famille, que j’aime plus que tout et pour qui je continuerais de lutter, jusqu’à l’épuisement s’il le faut. Je les ai trop fait souffrir pour continuer à voir l’obscurité.

Katherine Pancol à écrit « Quand on a peur, il faut toujours regarder sa peur en face et lui donner un nom. Sinon, elle vous écrase et vous emporte comme une vague scélérate. ». Ne la laisse pas t’écraser et je suis persuadée que tu verras un peu de lumière dans les ténèbres.

À présent, c’est toi qui m’intrigues.

Bien à toi,
Wildflower.

J'ose espérer que tu ne le regretteras pas mais ça serait sûrement mentir. Je préfère laisser l'avenir en décider et toi aussi. Qui sait ?

Tu as beaucoup de chance d'avoir des proches qui tiennent à toi. J'aimerais pouvoir en dire autant. Mais j'ai arrêté de croire à un idéal de famille unie et heureuse depuis longtemps, je crois. Au bout d'un moment, c'était comme courir après un mirage.

Je sais d'où elle vient, cette peur immense. Je sais ce qu'elle représente. Mais elle m'écrase à chaque fois que je ferme les yeux. Je ne prétends pas être la personne avec le bagage le plus dramatique du monde mais j'ai vécu une expérience qui m'a marqué jusqu'aux tréfonds de mon âme. Quelque chose d'inhabituel, si je peux le dire comme ça. Et je ne sais pas vers qui me tourner, parce qu'ils ne comprendront pas.

C'est peut-être aussi pour ça que je suis venu rôder sur ce forum, pour trouver quelqu'un qui aurait subi la même chose.

Je ne sais pas vraiment. Et j'ai l'impression de monologuer, c'est impoli.

Parle-moi de toi, si tu le veux. Comment tu fais pour tenir le coup ? Qu'est-ce qui apaise ton âme ? Autre que ta famille. J'ai l'impression d'avoir oublié ce que ça faisait d'être émerveillé par la moindre petite chose. Et ça m'angoisse.

Une belle journée à toi,
Post tenebras lux.

Effectivement, seul l’avenir nous le dira. Espérons toutefois que ces quelques mots échangés nous apportent un peu de réconfort, aussi infime soit-il.

Je mesure la chance que j’ai d’avoir une famille sur qui compté, mais j’ai souvent l’impression qu’ils ne pourront jamais vraiment me comprendre… Même si ils m’aident à tenir, je me sens en décalage avec eux, avec leur vie, avec tout ce qu’ils ont réussi à accomplir, alors que moi, ma simple existence ne se résume plus à grand-chose aujourd’hui. A mes yeux, en tout cas. Mais j’imagine que c’est normal, de ressentir ça.
Les amis sont la famille que l’on choisit. Cet idéal familial n’existe peut-être pas, mais il y a forcément quelqu’un qui tien à toi, et qui sera là pour te soutenir.

Peut-être. Ou peut-être pas. Parfois, ce qui peut nous sembler insurmontable, le sera pour quelqu’un d’autres, alors qu’au contraire, ce qui, lui, le plonge dans l’obscurité, ne nous affecterait pas autant. Ton bagage, c’est le tien. Ton histoire et ton expérience n’ont pas moins d’importance que le vécu des autres.

Et si, nous avions tort ? Et si il existait des personnes capables de nous comprendre, même si nous pensons le contraire ?

Tu n’es pas impoli, rassure-toi.

J’essaie, de tenir le coup, de m’émerveiller devant une fleur qui bourgeonne, de chercher du positif dans les moments simples de la vie. Je me dis, qu’en me forçant à voir la beauté du monde, je finirais par le trouver magnifique, malgré tout. Et surtout, je puise dans mes rêves, parce que quoi qu’il puisse arriver, ils restent beaux.

« D'un oeil, observer le monde extérieur, de l'autre regarder au fond de soi-même. »

A bientôt,
Wildflower.

Je ne pense pas que ce soit normal, de penser comme ça. Chacun achève des choses à son échelle, selon les possibilités et les aléas de la vie.

Se comparer aux autres n'apporte jamais le bonheur, parce que chacun est différent, à sa mesure. Parce que nos vies ne sont pas jonchées des mêmes obstacles, parce que ça n'apportera jamais rien d'autre que de la souffrance. J'ai passé ma vie à me comparer à la personne derrière laquelle on m'avait relégué et ça n'a rien fait d'autre que de me faire sentir encore plus insignifiant que je l'étais.

Sois fière de ce que tu as accompli, même si ça te paraît infime. Les plus petites batailles sont souvent les plus importantes, celles qui comptent le plus.

Et j'aimerais te dire que j'ai retrouvé ce "quelqu'un", comme tu dis. Mais ce n'est pas le cas, pour le moment. Tu es la seule personne qui apporte un peu d'apaisement à mes jours sombres.

J'imagine que je ne dois pas être le seul à avoir vécu ça. Mais je suis terrifié à l'idée d'en parler, à l'idée de replonger dedans, de revoir les images, d'entendre à nouveau les sons, de revivre tout ce qui m'a laissé dans cet état pitoyable. Je n'étais pas grand chose avant ça, mais j'ai l'impression d'avoir été réduit à néant.

J'aimerais pouvoir voir le monde avec tes yeux, dans ce cas.

Tu ne voudrais pas me prêter un peu de tes rêves ? S'ils sont beaux, ils devraient avoir le pouvoir d'effacer mes cauchemars.

J'aurais presque envie de dire que tu me redonnes un peu espoir.
Espoir en l'être humain, en voyant qu'il y a des gens bons et bienveillants quelque part, capables d'une douce franchise. C'est agréable.

“C'est parfois d'une situation désespérée que jaillit l'espoir.”      

Une belle journée à toi,
Post tenebras lux.

Et si le fond du problème venait de là ? Je n’ai jamais rien vraiment accomplis dans ma vie, si ce n’est de réussir à semer le malheur autour de moi. J’ai fait souffrir mes parents, mon frère et mes sœurs, pendant des années, allant presque jusqu’à renier ma propre famille pour quelqu’un qui n’en valait pas la peine. Et aujourd’hui encore, j’ai l’impression de continuer à leur faire mal, de les blesser avec mes gestes et mes mots, alors que tout ce que j’essaie de faire, c’est de me protéger moi.

Il y a quelques semaines, j’ai dû prendre une décision, sans doute la plus importante que j’ai eu à prendre dans ma vie. Le genre de décision que je devais prendre seule, sans l’aide de quiconque, et que je ne pouvais pas expliquer à mes parents, par peur qu’ils ne comprennent pas mon choix. J’ai fait ce qui me semblait le mieux, pour moi. J’ai attendu quelques jours avant de leur en parler, et, ne ne méprenons pas, ils m’ont été d’un grand soutien, mais j’ai lu, la tristesse dans leurs yeux. J’ai vu que j’avais rouvert des blessures du passé et, même si je ne regrette rien, je n’arrive pas à me dire que c’est un pas en avant, un pas vers la guérison, parce qu'une fois encore, je leur ai fait du mal.

Est-ce que ces petites victoires riment-elles seulement à quelque chose ? Je ne veux pas être cette personne, qui pour, se sentir mieux dans sa vie, sème la noirceur autour d’elle.

Alors, si tu me le permets, et en attendant que tu trouves ce ‘quelqu’un’, j’essaierai de continuer, du mieux que je peux, à t'apporter un peu de réconfort.

Et j’aimerais revenir sur quelque chose que tu as dis plus haut, parce que j’aimerais te prouver que personne n’est réellement insignifiant… Ou qu’au contraire, quelque part, même les personnes à qui tout semble réussir, et bien, aux yeux d’au moins une seule personne, elles sont insignifiantes. Et ce n’est pas grave, si tu ne trouves pas grâce aux yeux de quelques abrutis, parce que tu es quelqu’un, qu’importe ton passé et tes bagages.
Peut-être que de partager tes peurs avec quelqu’un, enlèverait un peu du poids que tu portes sur tes épaules…

Alors laisse-moi te les prêter. Ferme tes yeux. Imagine un endroit paisible, loin du tumulte de la ville, et apprécie tout ce que ce lieu à de beau à t’offrir. Entends les bruits de la nature, ressens la légère brise du vent effleurer ton visage et savoure chaque petit instant ; l’air pur que tu respires, l’oiseau qui chante sur une branche, le soleil qui vient effleurer ta peau.
Créer toi une image agréable à laquelle te raccrocher, comme un espace où tu pourras te sentir en sécurité quand le monde te semble trop gris.

Je ne sais pas si mes rêves permettront à tes cauchemars de fuir, et, je t’avoue être quelque peu gênée. J’ai toujours eu cette envie, au fond de moi, d’ouvrir ma propre pâtisserie. Une boutique où les couleurs, les saveurs et les odeurs se mêlent, un endroit capable de te faire oublier, le monde extérieur, un endroit hors du temps et de l’espace. Et, je sais, ce n’est sûrement pas ce à quoi tu t’attendais.

Je prends tout de même le risque de te souhaiter une agréable nuit.

Wildflower.