Face paints, candy floss and little scares. (Naru #2)

« Répétez après moi. » Les bras croisés, j'observe les deux énergumènes assis sur le canapé. Minjun, le dos droit, avait posé ses mains à plat sur ses cuisses, contrairement à Jin qui était avachi à ses côtés avec un air des plus ennuyés. « Sérieusement, Nana ? On est plus des gamins. » grommelle-t-il en levant les yeux au plafond. Mais ça ne prend pas avec moi. « Je m'en fiche. Répétez après moi. » je rétorque, impitoyable. « On ne cherche pas à semer les gens payés pour assurer notre sécurité. On évite les endroits où on pourrait être pris au piège. On ne répond à aucune question si on a le malheur de tomber sur des journalistes. Si il y a des agissements suspects, on fuit. Et si il y a un quelconque problème, on t'appelle. Voilà. Contente ? » récite Jin sur un ton monocorde avant de m'adresser un haussement de sourcil tout ce qu'il y a de plus insolent. « Parfaitement. » Je décroise les bras, calant mes poings dans le creux de mes hanches. Je savais que je ne devais pas avoir l'air très imposante face à deux hommes qui dépassaient le mètre quatre-vingt mais j'étais tout à fait sérieuse. « Je ne fais pas ça pour vous embêter, les garçons. » je finis par souffler, passant une main lasse dans mes cheveux. « Je prends juste mes précautions, d'accord ? Je ne veux pas qu'il vous arrive quoi que ce soit pendant mon absence. » Si l'agence savait que je les laissais sans surveillance, j'étais très certainement morte et enterrée. « On sait. Et on ne fera rien qui puisse nous porter préjudice. » répond Minjun, en hochant doucement la tête. Jin continue de ronchonner que ce n'est pas juste que je puisse aller à la fête foraine et pas lui, mes lèvres frémissant devant son attitude enfantine. Avant de se tordre aussitôt quand il insinue que c'est pour roucouler avec son frère. « Ton petit pique-nique sur la plage va finir dans les tréfonds de l'oubli, si tu continues. » je siffle, les yeux plissés. Avant de me redresser de toute ma hauteur (c'est à dire pas grand chose) et de jeter un coup d'oeil à ma montre. « De toute façon, on ne sera pas très loin si jamais il y a quoi que ce soit. » Ça aurait été malhonnête de ma part de les empêcher de sortir alors que j'allais m'amuser avec Ha-Ru et Jinae. Surtout lors de leur rare jour de repos. Mais j'avais tenu à ce qu'il ne s'éloignent pas trop. Je n'avais pas encore réussi à cerner la portée de leur popularité par rapport à leurs apparitions en public et je tenais à éviter des mouvements de foule imprévus. En Corée, de simples arrivées à l'aéroport provoquaient parfois des émeutes alors je préférais m'assurer de leur sécurité avant de les laisser se balader librement dans Los Angeles. « On part dans une vingtaine de minutes. »

Après avoir dévalé les kilomètres qui nous séparaient du Pier - et promis à Jin que je m'organiserai pour qu'il puisse aussi se rendre à la fête foraine -, je les dépose à l'endroit prévu avec mes dernières recommandations. Ils ne risquaient pas grand chose à priori mais j'étais plus rassurée s'ils restaient aussi discrets que possible. Certains fans semblaient oublier que leurs artistes étaient, eux aussi, des êtres humains. Et ils dépassaient des limites que je trouvais inacceptables, envahissant régulièrement l'espace vital de leurs idoles. Faire partie du public et contribuer au succès d'une personne ne donnait aucun droit de propriété sur elle. J'avais pu être témoin d'actes qui m'avaient sidéré et je pouvais entendre que certains artistes limitent drastiquement leurs contacts avec leurs fans en dehors des événements officiels. Des gestes m'avaient tout simplement effrayée de part leur insensibilité et je ne tenais pas à ce que ça arrive à mes protégés. Alors quitte à être dure, je le faisais pour leur bien-être. Et parce que je tenais profondément à eux. « Vous m'appelez au moindre problème. » je rabâche une dernière fois, m'attirant un regard menaçant de la part de Jin. Je savais qu'il n'aimait pas savoir qu'il y aurait des gens postés un peu plus loin pour garder un oeil sur eux mais je ne pouvais pas faire autrement. Mais j'étais quasiment sûr qu'ils allaient oublier leur présence, une fois dans leur bulle. Je leur fais un petit signe avant qu'il ne referme la portière de la voiture, casquette vissée sur le haut de la tête. « Amusez vous bien, les garçons ! » J'étais heureuse qu'ils puissent avoir un moment de repos au beau milieu de ce rythme infernal. Et qu'ils en profitent ensemble, renforçant le lien précieux qui les reliait l'un à l'autre.

Debout devant l'entrée de la fête foraine, je consulte mon téléphone en attendant l'arrivée d'Ha-Ru et de sa fille. Dire que j'avais été surprise avait été faible pour décrire ma réaction quand il m'avait convié à les accompagner, Jinae et lui. Sur demande de la petite, qui plus est. Mais il semblait que la chasse au goemul ait laissé une forte impression à la fillette. Suffisamment pour vouloir de moi lors de leur sortie père-fille à la foire de Santa Monica. J'avais insisté auprès d'Ha-Ru pour être certaine que ça ne le dérangeait pas, inquiète à l'idée de casser une habitude établie entre eux. Je ne voulais pas m'insinuer dans un des rares moments privilégiés qu'il pouvait avoir avec sa fille. Néanmoins, il m'avait rassurée en me disant que ça lui faisait plaisir à lui aussi. Et je n'avais pas pu empêcher la nuée de papillons qui avait pris son envol dans mon ventre, à ses paroles. « Nanaaaaa ! » Je relève les yeux de mon écran en entendant mon prénom et j'aperçois Jinae me faire des grands signes de la main, sautillant presque pour me rejoindre. Mon coeur tressaute dans ma poitrine à l'emploi de mon surnom, avant de fondre en voyant la joie pure qui brille dans les yeux de la petite fille. Ha-Ru marche à ses côtés, la tenant par l'autre main et mon rythme cardiaque s'accélère pour des raisons bien différentes. « Ce ne serait pas la plus courageuse des chasseuses de goemul ? » je lâche, avec un sourire amusé quand ils arrivent à ma hauteur. Elle glousse, les mains glissées devant sa bouche et je redresse la tête pour regarder son père. « Salut. » je souffle, les joues rosies. Par le vent. Bien entendu. Pas du tout parce que c'était la première fois qu'on se retrouverait pratiquement tous les deux après quatorze ans d'absence. Des petites mains tirent sur le bas de ma veste, attirant mon attention dans cette direction et les yeux de Jinae m'observent avec attention. « On y va ? On y va ? » trépigne-t-elle et je hoche la tête avant de me pencher et de glisser ma main pour faire écran entre Ha-Ru et nous. « On y va. Mais d'abord, on va faire la chose la plus importante à la fête foraine. Est-ce que tu sais ce que c'est ? » je murmure, en jetant un coup d'oeil malicieux à son père. La petite fille secoue la tête de gauche à droite. « On va aller  se faire maquiller pour être les plus jolies sur les manèges. Avec plein de papillons et de paillettes. Est-ce que ça te dit ? » Et vu comment ses pupilles s'agrandissent de convoitise, je crois que ça la tente plutôt bien.

@Hyun Ha-Ru

Quand j’ai appris que j’allais devenir père, je ne m’attendais pas à jouer ce rôle seul, à élever un petit bout d’à peine quelques mois sans quelqu’un pour m’accompagner. Les premiers temps n’avaient pas été simple, pour Jinae comme pour moi, le temps qu’on trouve tous les deux un équilibre. J’étais loin d’être le père parfait que j’aurais rêvé être, j’étais parfois gauche, encore aujourd’hui, mais je faisais de mon mieux pour que ma fille ait la vie la plus douce possible. Je savais qu’un jour, l’absence de sa mère et toutes les questions qui allaient en découdre viendraient chambouler notre quotidien et notre stabilité. Alors, pour le moment, je voulais qu’elle grandisse loin de toute cette peine, loin de ce sentiment qui finirait par la submerger un jour, loin de ces problèmes de grandes personnes, finalement. Et il n’y avait rien de plus beau, à mes yeux, que de la voir sourire et de l’entendre rire aux éclats. Elle était tout ce qui m’était de plus précieux et son bonheur passait avant tout. Même si ça devait passer par me retrouver à faire la chasse au goemul au plein milieu de la nuit ou à me faire voler l’entièreté de la place dans mon propre lit parce qu’elle avait la légère tendance à se prendre pour une étoile de mer. Mais c’était tellement dérisoire face à tout le bonheur qu’elle m’apportait. J’avais l’impression de devenir quelqu’un de meilleur un peu plus chaque jour. « Appa, appa ! » Je lève les yeux du rapport que j’avais été contraint de ramener à la maison pour pivoter vers Jinae qui court dans ma direction. Le procureur commençait à nous mettre la pression pour qu’on clôture l’enquête et nous avancions à pas de fourmis. « Appaaaa ! » crie-t-elle encore plus fort en arrivant devant moi. « Je t’ai entendu la première fois, Jinae, tu sais ? » Je m’accroupis devant elle pour être à sa hauteur avant de froncer les sourcils en remarquant qu’elle a maladroitement enfilé ses chaussures – à l’envers, qui plus est, et prit son sac-à-dos. Les lanières de ce dernier n’ont aucun sens sur ses épaules et je me demande comment elle arrive à trouver ça agréable. « Yuwonji ? Aujourd’hui ? » Ses yeux me supplient presque de lui dire oui, malheureusement, pour elle, il était surtout bientôt l’heure d’aller dormir. « Plus qu’un dodo, tu te souviens ? » Tous les mois, c’était notre rituel. Une journée, juste entre nous, au Pacific Park. Attractions, churros, barbe-à-papa et peluches à gogo. Je n’avais pas la chance de pouvoir être aussi présent que je le souhaitais à cause de mon travail et j’avais arrêté de compter les fois où j’avais dû appeler mes parents en pleine nuit pour qu’ils viennent la garder en urgence, parce que je devais partir aider sur une affaire. « Pas juste... » Elle boude, évidemment, et sa moue me rappelle celle de mon petit-frère au même âge, ce qui me fait doublement fondre d’amour. Je l’attrape pour la serrer dans mes bras avant de me diriger vers l’étage pour la coucher. « Est-ce qu’une attaque de bisous n’est pas mieux que la fête foraine ? » Je n’attends pas sa réponse pour déposer une multitude de bisous sur ses joues, glissant quelques chatouilles au milieu de mes attaques. Elle se tortille, rigole et en oublie sa déception face aux quelques heures qu’elle allait devoir encore attendre.

Le lendemain matin, impossible de la faire tenir en place. Elle n’a pas oublié que c’est le grand jour et, toute la matinée, j’ai le droit à d’incessantes questions concernant notre future départ. En fin de matinée, on prend la route pour Santa Monica et j’envoie un rapide message à Na-Rim pour l’informer qu’on sera bientôt là. Oui, petite nouveauté dans la sortie père-fille de ce mois-ci. Jinae m’a réclamé Na-Rim pendant des jours et notamment quand je lui ai rappelé qu’on allait bientôt à la fête foraine. Je n’ai pas pu résister à ses yeux pétillants et la vérité, c’est que la présence de la jeune femme ne me dérange pas outre mesure. J’étais heureux de pouvoir la revoir et de passer un peu de temps avec elle. Et de ce que j’avais pu comprendre, ça libérait mon frère et Minjun pour la journée et il m’avait gentiment fait remarquer qu’il acceptait ce temps libre et la non-présence de leur agente avec plaisir. Tout le monde était visiblement très heureux de ce dimanche. Jinae se met à chanter dans un mélange de coréen et d’anglais approximatif Let it go et lorsque j’ai le malheur de changer de musique, pour raison évidente de saturation je comprends rapidement du drame que je viens de commettre. C’est donc durant les vingt-cinq minutes de trajets que je subis en silence cette chanson atroce pour mes oreilles. Je me gare non loin de la jetée et c’est sa petite main dans la mienne qu’on regagne l’entrée du parc. En remarquant Na-Rim, je lâche la main de ma fille pour la laisser courir dans sa direction, les rejoignant quelques secondes après, un sourire attendri étirant mes lèvres. « Hey. » je réponds en guise de salutation. « Tu n’as pas idée de comment elle a attendu désespéramment ce jour. » À mes côtés, Jinae trépigne d’impatience, se dandinant d’une jambe à l’autre, nous demander approximativement toutes les dix secondes quand est-ce qu’on y va. Na-Rim s’agenouille devant elle et j’observe la scène en silence, fondant intérieurement devant la joie pure que je pouvais lire dans les yeux de ma fille. Maquillage, paillettes et papillons, elle ne pouvait pas toucher plus juste pour lui faire plaisir. Il ne manquait plus que le tout soit rose et j’allais définitivement perdre ma fille par crise de bonheur. Ses petites mains de nouveau dans les nôtres, on se dirige vers le stand de maquillage, nos pas accompagnés par les « Woaaa... » intempestif de Nae à chaque attraction ou stands colorés. « J’espère que tu es prête, parce qu’elle est généralement infatigable quand on est là. » En même temps, dopée au sucre comme elle allait l’être, la transformation en Gremlins était inévitable. On arrive à destination et après cinq minutes d’attente, c’est au tour de Jinae de se faire maquiller. Elle n’a pas l’air très sereine et se cache finalement derrière mes jambes. « Nana faire en même temps que Jinae. » qu’elle baragouine avant de sortir de sa cachette lorsque celle-ci acquiesce et s’installe sur l’un des sièges libres. Je l’aide à s’asseoir, sa main ne quittant pas la mienne alors qu’elle choisit un maquillage de papillon qui prend presque tout son visage, mais qui est coloré, bien comme elle aime. « Appa, après à toi ! » Je fronce les sourcils et secoue la tête de droite à gauche. Par pitié, non.

Je n'aurais jamais pensé que ma participation à la chasse au goemul laisserait une telle impression à Jinae. Il semblait qu'elle avait été marquante, suffisamment pour lui donner envie de m'intégrer à leur sortie à la fête foraine. Surtout en considérant le peu d'instants privilégiés qu'elle pouvait avoir avec son père, au vu de son métier. Savoir qu'elle avait décidé de m'inclure dans l'un d'entre eux me touchait plus que je ne l'aurais imaginé. Malgré tout, j'avais hésité à accepter la proposition parce que je ne souhaitais pas m'imposer au milieu de leurs habitudes et du quotidien qu'ils s'étaient forgé à deux. Même si Ha-Ru était un être cher à mes yeux, il avait sa propre vie. Le lien qui nous unissait l'un à l'autre ne me donnait pas le moindre droit de l'investir et de déranger ce qu'ils avaient construit depuis la naissance de Jinae. Pourtant, celle-ci avait réclamé ma présence avec une détermination des plus farouches et je n'avais pas pu résister à l'envie de lui faire plaisir. Comment faire autrement ? De plus, ça me laissait l'occasion de passer du temps avec Ha-Ru. Sans Jin et ses expressions goguenardes dans mon champ de vision. Sans Joyce et ses regards qui passaient de l'un à l'autre avec un sourire énigmatique. Juste lui, moi et Jinae. Dans un sens ça me permettait de faire une courte pause, de souffler et je savais qu'il en allait de même pour les garçons. Le programme était chargé en ce moment avec la promotion du single, la préparation des nouvelles chansons et les différents événements auxquels ils devaient assister alors ça ne faisait de mal à personne d'avoir une journée de congé. Elles se faisaient rares pour ne pas dire qu'elles étaient pratiquement inexistantes, ce qui poussait chacun à les chérir comme des objets précieux. Et je comptais bien profiter de l'animation chaleureuse de la fête foraine avec Ha-Ru et sa fille.

Je salue Jinae avec enthousiasme avant de lever les yeux et je sens mon coeur tressauter dans ma poitrine en avisant le sourire qui orne les lèvres d'Ha-Ru. « Est-ce qu'on peut dire que je suis devenue une star ? » je glousse, en rejetant légèrement mes cheveux vers l'arrière avant de poursuivre, sur le ton de la confidence. « Mais je dois avouer que je trépignais aussi. Je n'ai pas mis les pieds dans une fête foraine depuis des années. » La petite fille à nos côtés s'impatiente de plus en plus et je finis par m'agenouiller devant elle, feignant de lui raconter un secret. Impossible de commencer la journée sans un joli maquillage de princesse alors je lui propose de passer par cette étape pour débuter la journée et je vois ses yeux briller instantanément. Je me redresse et sa main se tend dans ma direction, mes doigts se glissant dans les siens. Une bouffée de tendresse me prend à la gorge et j'ai presque la sensation d'étouffer quand je la vois faire de même avec Ha-Ru. De l'extérieur, je voyais très bien l'image que l'on devait donner. Celle d'une famille. Et mon coeur se serrait à cette simple pensée. Puis Jinae nous tire un peu plus et je me laisse entraîner par son aura rayonnante jusqu'au stand de maquillage. « Bah alors ? On a perdu la fougue de sa jeunesse, abeoji? » je le taquine, amusée. Nous atteignons notre première destination et lorsque vient le tour de la petite fille, elle se planque dans les jambes de son père. J'acquiesce à sa demande avant d'aller m'asseoir sur la chaise proche la sienne, attachant mes cheveux à la hâte pour dégager mon visage. « Je veux le même papillon que la demoiselle, juste ici. » je demande à la maquilleuse, en désignant le coin extérieur de mon oeil gauche.  « Et ne lésinez pas sur les paillettes. » Jinae se fait peinturlurer l'entier du visage avec des couleurs vives, me tirant un petit rire en la voyant devenir une oeuvre d'art à elle seule. Avant de m'étouffer à moitié en envoyant l'air horrifié d'Ha-Ru quand elle lui intime d'en faire de même.  « Allez, appa. Viens te faire gribouiller ton papillon, toi aussi. » je chantonne joyeusement, en tapotant dans mes mains.  « Fais donc plaisir à ta fille, veux-tu. Tu ne voudrais quand même pas la rendre malheureuse dès le début de la journée ? » Puis je me penche du côté de Jinae, mes doigts tapotant sur l'accoudoir de la chaise en plastique. « En plus, appa serait le plus beau des princes avec des paillettes autour des yeux, tu n'es d'accord ? » Elle approuve aussitôt, suppliant son père de participer à son tour. Ha-Ru étant un homme faible face à son enfant, il finit par se laisser tomber à ma place sur le siège. Avec un regard me promettant milles tortures lorsque le pinceau lui dessine un petit insecte aux ailes colorées au même endroit que moi et que ses yeux sont cerclés d'un trait de liner qui scintille à la lumière du soleil. Malgré tout, mon coeur palpite devant l'image qu'il renvoie et même si je l'avais dit sur le ton de l'amusement, il reste aussi beau que d'habitude, même avec des fioritures enfantines sur le visage. « Appa beau ! Prince ! » Je souris, l'observant se dérider devant l'expression admirative de sa fille. « Il ne manque plus qu'une jolie couronne sur le haut de la tête. » je souffle, avant de sortir furtivement mon téléphone pour le prendre en photo. « C'est à charge de revanche pour celles que tu as prises tout à l'heure quand tu croyais que je ne te voyais pas. »

Une fois apprêtés, nous ressortons du stand pour rejoindre le fourmillement des passants et je resserre mon étreinte autour des doigts de Jinae. Celle-ci sautillait quasiment entre nous et je la vois guetter de tous les côtés sans savoir par où commencer. « Qu'est-ce qu'on fait en premier, alors ? » je demande à la cantonnée, avant de me tourner du côté d'Ha-Ru. Mes lèvres frémissent à chaque fois que je pose les yeux sur le papillon et je dois me mordre l'intérieur de la joue pour ne pas glousser à voix haute. « Où est-ce que vous allez d'habitude ? » Je n'avais pas la moindre idée des attractions qu'ils faisaient ou des activités qu'ils partageaient ensemble dans cet endroit, compte tenu de l'âge de la petite fille.

Savoir que ma fille appréciait Na-Rim était quelque chose d'indescriptible. J'avais remarqué la forte impression qu'elle avait eu sur elle suite à la chasse aux monstres, mais je ne m'étais pas attendu à ce qu'elle réclame sa présence. Une partie de moi ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'elle ressentait le besoin d'une présence féminine dans sa vie, sans doute pour combler l'absence de sa mère et dire que ça ne me faisait pas paniquer serait mentir. Do-Yeon m'avait plus d'une fois rappelé qu'on ne peut pas ressentir le manque de quelque chose qu'on n'a jamais réellement connue et que Jinae était suffisamment entourée et couverte d'amour pour que ça ne l'affecte pas, mais je ne pouvais cesser d'y songer. L'autre partie, elle, se sentait plus heureux que jamais de savoir que Na-Rim avait été adopté sans le moindre mal et que sa présence était acceptée et réclamée. Elle était toute une partie de ma vie, une personne que j'appréciais et pour qui j'avais énormément d'affection, alors le contraire m'aurait forcément affecté. Mais Jinae regardait Na-Rim avec des paillettes dans les yeux et c'était tout ce qui comptait. « J'ai donc deux enfants à ma charge aujourd'hui. » je constaté, moqueur. Les fêtes foraines avaient ce pouvoir magique de faire retomber en enfance n'importe qui. « Qu'est-ce que ça va être si un jour tu viens avec nous à Disneyland. » Jinae était encore trop petite pour en profiter pleinement, alors j’attendais avec impatience son troisième anniversaire pour l'emmener le fêter là-bas. Quoi qu'il en soit, ça ne l'empêchait pas d'être une fan incontestée de La Reine des Neiges, Raiponce et Mulan. Pour ne citer que ses trois princesses préférées, parce que sinon, la liste était affreusement longue. On se met finalement en route en direction du stand de maquillage et je préviens Na-Rim qu'en général, Nae était infatigable quand on passait la journée ici. Elle était tellement excitée que lui parler d'une sieste n'était même pas envisageable. En revanche, elle sombrait rapidement dans les bras de Morphée sur le chemin retour et ce jusqu'au lendemain matin. « Eh ! Je te ferais dire qu'en plu d'avoir un travail très prenant et fatiguant, j'ai un petit lutin à la maison qui prend tout le reste de mon énergie. » On ne dirait pas comme ça, parce que Jinae semble plutôt calme et qu'elle a un visage angélique, mais c'est une vraie pile électrique. Surtout quand il est l'heure d'aller dormir.

Arrive notre tour pour le maquillage et Nae semble perdre tout son enthousiasme en quelques secondes, sans doute impressionnée par les deux maquilleuses. Quand elle ne connaissait pas quelqu'un ou quelque chose, elle devenait timide. Elle prend son courage à deux mains quand Na-Rim s'installe à son tour pour se faire maquiller et je prends quelques photos pour immortaliser le moment. Avant de m'étouffer avec ma propre salive quand ma fille, cette petite fourbe, me supplie presque de passer sous les pinceaux. Qui avait eu cette diabolique idée de maquillage hein ? Je lance un regard noir à Na-Rim qui en rajoute une couche à son tour et même si je préférerais me trouver face à une dizaine de voyous armés, j'accepte, à contrecœur. Mais je ne pouvais rien refuser à Nae, encore moins quand elle me regardait avec cette moue suppliante. « Sache que je te retiens, Ko Na-Rim et que ma vengeance sera terrible. » Oh si elle croyait qu'elle allait pouvoir s'en tirer comme ça, elle se fourvoyait. Je m'installe sur le tabouret, regrettant presque instantanément d'avoir été aussi faible en acceptant et je laisse la maquilleuse œuvrer. J'ose à peine me regarder dans le miroir, mais l'expression qui illumine le visage de Jinae vaut bien le peu de fierté qu'il me restait au placard. Et puis, en y réfléchissant bien, ce n'était pas si ridicule que ça. « Montre ça à qui que ce soit et tu auras des problèmes. » je m'offusques en la voyant prendre plusieurs photos. « Et je n'y peux rien, tu étais sur la trajectoire de mon objectif. Je prenais le plus beaux des papillons de ce monde, à la base. » La concernée se tient bien droite avant de sourire à pleine dent. « Princesse des papillons, moi ! » Je glousse et, après avoir remercié les maquilleuses, on reprend tous les deux la main de Nae pour nous diriger vers la première attraction.

Nae était encore petite et surtout, pas très grande. Les attractions pour son âge n'étaient pas nombreuses, mais de toute façon, ce qu'elle préférait, c'était me faire dépenser mon argent pour avoir cadeaux ou des peluches. Dans le meilleur des cas, elle obtenait les deux, pour son plus grand plaisir. « Canards ! Les canards ! » Elle sautille sur place avant de nous entraîner tous les deux vers la pêche à la ligne. Elle devait avoir à peu près cinquante pourcent des cadeaux présents sur le stand, mais il y en avait toujours un qui n'était pas là la dernière fois ou qui lui faisait de l'œil. Et là, il s'agit d'une couronne de princesse avec un faux diamant à son centre. Ses yeux se mettent à pétiller d'envie et je sais d'avance que je n'arriverais pas à la faire changer d'avis. « Tu en as déjà quatre... ou cinq... peut-être même six à la maison. » Mais elle continue de la pointer du doigts en me faisant ses yeux biches. « S'il te plaît, appa. » Inutile de négocier, quand elle a une idée, impossible de la lui faire lâcher. Je tends donc un billet à la dame qui tient le stand et celle-ci donne une mini canne à pêche à Nae qui s'empresse de se mettre devant le bac d'eau pour tenter d'attraper ses dix canards. Elle réussit à en attraper trois rapidement, puis la pression de l'eau augmente et ça se complique légèrement. Ses joues se gonflent alors qu'elle se concentre de plus belle, puis elle finit par se tourner vers Na-Rim. « Peux aider moi, Nana ? » Je croise les bras sur mon torse, observant la scène avec amusement. « Montre nous donc tes talents de pêcheuse. » Parce que contrairement à ce qu'on pouvait penser, ils n'étaient pas aussi simple que ça à attraper, ces foutus canards.

Sache que je te retiens, Ko Na-Rim et que ma vengeance sera terrible. Une auréole apparaît subitement au dessus de ma tête et l'Air Innocent N°2 s'affiche sur mon visage. « Je suis tout bonnement terrifiée, Hyun Ha-Ru. » je souffle, amusée. Si je pouvais admirer cette expression de pure détresse sur ses traits, j'étais prête à toutes les sessions de maquillage du monde. Il était rare de pouvoir le déstabiliser à ce point, alors j'en profitais. Surtout qu'il n'allait jamais refuser et risquer d'attrister la prunelle de ses yeux. Il était donc destiné à souffrir sur cette chaise en plastique et ressortir avec un magnifique papillon au coin de l'oeil, tout comme moi. Une fois le travail effectué, Jinae est émerveillée par le maquillage qui orne désormais le visage de son père. Et je pouvais la comprendre. Au delà du ridicule, les couleurs agrémentaient joliment son visage et le trait de liner argenté qui soulignait ses yeux était, à mon plus dam, très séduisant. « Je trouve que vous avez la menace facile pour un représentant des forces de l'ordre, inspecteur. » je rétorque, les lèvres ornées d'un rictus. Puis je range mon téléphone dans la poche de ma veste, relevant la tête vers lui avec un sourcil arqué à sa remarque. « Mon oeil. » je lui murmure du bout des lèvres avec un regard noir. Jinae se redresse pour nous faire admirer sa tenue désormais complète et me tire un gloussement devant son air de pure fierté. « Tout à fait, tu es la plus jolie des princesses. » j'acquiesce, avant de me pencher à nouveau pour lui faire une pseudo-confidence. « Ton papa va devoir faire attention, parce que tous les princes de la fête foraine vont vouloir danser avec toi maintenant. » je rajoute, m'attirant les foudres du paternel en question. Alors je me redresse, remerciant à mon tour les maquilleuse et les doigts de Jinae se raccrochent au mien, faisant bondir mon coeur à nouveau.

J'interroge Ha-Ru sur leur programme habituel, compte tenu de l'âge de la petite. De plus, elle n'était pas bien haute. Ce qui réduisait drastiquement le champ des possibilités. Mais à son âge, elle n'était pas là pour les sensations fortes. Vu son engouement pour la pêche aux canards, elle préférait les activités avec une récompense au bout. Nous suivons un petit farfadet vêtu de rose jusqu'au stand en question et son regard se met à briller de convoitise en repérant un diadème serti d'un gros diamant en son centre. Ha-Ru essaye tant bien que mal de la raisonner. Cependant, c'était peine perdue. Encore moins avec cet air de petit chiot abandonné qu'elle prenait pour soudoyer son père. Cet enfant était un génie du mal. Canne à pêche en main, elle s'attèle à sa tâche et je l'observe avec un doux sourire. Elle était vraiment adorable, les sourcils froncés par la concentration. Trois des volatiles en plastique rejoignent son panier et le débit de l'eau augmente, rendant l'exercice plus difficile. Elle se tourne d'un seul coup et je suis soudainement requise pour l'aider à attraper le reste des canards. L'expression d'Ha-Ru n'est que pur amusement et je plisse les lèvres. « Mais avec grand plaisir. » je réponds, sur un air de défi. Je me place aux côtés de Jinae, attrapant la canne à pêche qu'elle me tend. Puis s'en suit une course folle pour essayer de mettre la main sur ces créatures flottantes, interrompue par des grommellements et des jurons à peine étouffés. À quel moment est-ce que c'était aussi difficile ? Ce n'était pas un jeu destiné aux enfants, à la base ? Jinae gloussait à ma gauche, visiblement divertie par mes tentatives infructueuses de récupérer les canards manquants. Mes dents grignotant l'intérieur de ma joue, je m'escrime à vouloir glisser le crochet dans les anneaux situés au sommet de leur tête. « On attrape le dernier ensemble ? » j'interroge la petite, en voyant qu'il n'en reste qu'un seul à prendre pour réussir le défi. Elle frétille sur sa chaise avant de se lever pour me rejoindre, se glissant devant moi pour tenir la canne à pêche.

Je dépose mes mains sur les siennes pour la tenir et c'est à deux que nous relevons le défi, raflant notre dernière cible au prix de quelques efforts et d'éclats de rire. « Allez roturier, va donc chercher la couronne de sa majesté. » je lâche, à l'intention de son père. « Je trouve qu'elle l'a bien mérité. » Mais Jinae m'observe avec un air dépité et je fronce les sourcils, m'accroupissant à sa hauteur. « Qu'est-ce qu'il y a, gongju ? » Elle semble regarder plus haut et je touche mon front par réflexe mais elle secoue la tête. « Appa ? Nana, pas princesse ? » Elle me pointe du doigt avant d'en faire de même avec le diadème tout juste acquis et mes lèvres s'entrouvrent de compréhension. Oh. Je vois. Pivotant en direction d'Ha-Ru, un sourire ourle ma bouche et je l'observe par dessous, papillonnant des yeux. « Alors ? Pourquoi je n'ai pas le droit à ma couronne ? Je ne suis pas une princesse ? » Je venais de sortir ma plus belle mine de Chat Potté, avec un air assez attristé pour ramollir le plus dur des cœurs de pierre. Celui d'Ha-Ru n'était pas bien solide, ça allait être un jeu d'enfant. Petite lèvre tremblante et battements de cils en bonus. Je pouvais même pleurer sur commande, si besoin. « Qu'est-ce que tu vas m'offrir, à moi ? » je réitère, en penchant la tête sur le côté. Puis je croise les bras contre ma poitrine, plissant les lèvres pour faire mine de réfléchir. « Dans ma grande mansuétude, je te laisse le reste de la journée pour y réfléchir. Mais je veux mon cadeau à la fin, Ha-Ru wanjga. » Grand sourire parfaitement candide pour parachever le tout. Je me tourne par la suite vers Jinae, pointant ma tête dénuée de diadème. « Ton papa va m'offrir quelque chose plus tard, d'accord ? » je lui glisse, en hochant frénétiquement la tête pour appuyer mes paroles. « En plus, c'est toi la princesse du jour. Tu as été une super pêcheuse, Jinae. Je trouve qu'on fait une bonne équipe. » je la complimente, tendant ma paume de main pour qu'elle vienne y faire claquer la sienne. Elle vient s'agripper à nouveau à nos doigts et je pourrais presque m'habituer à cette sensation. « On fait quoi maintenant, wangja ? » je souffle, en détournant le regard vers Ha-Ru. « Est-ce qu'il y a quelque chose que tu aimes faire à la fête foraine ? Ou est-ce que tu te contentes de survivre ton petit lutin rose jusqu'à l'épuisement ? »      

@Hyun Ha-Ru

Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour ses enfants, hein ? Et en l’occurence, pour sa fille, dans le cas présent. J’étais un être faible, un papa qui se transformait en guimauve quand il était question de faire plaisir et de voir les étoiles briller dans ses yeux. Jinae n’était pas une petite fille compliquée, encore moins capricieuse, heureusement. Mais ça ne m’empêchait pas de céder facilement à toutes ses demandes parce qu’une infime partie de moi s’imaginait que ça pouvait combler l’absence de sa mère qu’elle devait forcément ressentir. Je voulais que son enfance soit la plus belle et la plus douce possible, malgré notre situation particulière et lui refusait quelque chose m’était presque impossible. Heureusement, le ridicule ne tuait pas. Parce que présentement, j’avais l’impression de ressembler à un clown avec mon papillon coloré sur le coin des yeux et la couche de paillettes qui venait souligner le tout. Et sans très grande surprise, Na-Rim s’était sentie obligée d’immortaliser ce moment d’une photo. « C’est l’un des nombreux avantages à être un représentant des forces de l’ordre, très chère. » je réponds, tout sourire. « En plus d’être incroyablement beau dans mon uniforme, je peux menacer qui je veux sans que ce soit un acte répressible par la loi. » Il fallait bien qu’on ait deux ou trois avantages à faire ce métier à risque, tout de même. Jinae ou plutôt, ma princesse des papillons se pavane devant nous pour nous rappeler que la star de la journée, c’est elle et je manque de m’étouffer au commentaire de Na-Rim. « Pardon ? » Je la foudroie du regard avant que celui-ci ne s’abaisse sur ma fille qui me regarde avec ses grands yeux écarquillés. « Princes ici ? » Je secoue la tête par la négative. « À part ton super papa ? Aucun. » Puis je reprends sa main dans la mienne avant de me pencher vers la supposée deuxième adulte de notre trio, pour lui murmurer : « Je n’en ai pas fini avec les menaces… Si tu ne veux pas te retrouver menottée en garde à vue, ne lui mets pas des idées pareilles dans la tête. » Aucun garçon n’allait pouvoir l’approcher avant ses dix-huit ans.

Jinae me rappelait mon frère quand il était petit. Quand on allait à la fête foraine ou à Disney, Do-Yeon et moi, nous nous jetions sur tous les manèges à sensation qu’on pouvait faire. Yang-Jin, lui, préférait goûter à tous snacks présents dans le parc et s’émerveiller devant la quantité astronomique de peluches existantes. Nae était pareille. Son jeune âge y était encore pour beaucoup, mais elle n’aimait rien d’autres de plus que la nourriture et tout objet s’approchant de prés ou de loin à la panoplie de princesse. Et si c’était rose, ce n’était que mieux. On se retrouve, inévitablement, à la pêche au canard dans le but d’obtenir une énième couronne. Sa concentration est extrême et après trois volatiles dans son panier, elle demande de l’aide à Na-Rim qui accepte avec grand plaisir. Le débit de l’eau augmente, rendant la tâche plus compliquée, même pour un adulte expérimenté et je ne peux pas m’empêcher de lâcher un ricanement amusé, en symbiose avec celui de ma fille. Je m’étais fait avoir la première fois, moi aussi. Finalement, toutes les créatures finissent par être attraper et j’immortalise discrètement ce moment de complicité. La joie pouvait se lire sur le visage de Jinae et ce n’était pas uniquement dû au lot qu’elle venait de remporter. « À vos ordres, Madame. » Le tout ponctué d’un salut militaire. Je me dirige vers la jeune femme qui s’occupe du stand, pendant que j’entends Jinae sautiller d’excitation dans mon dos, et demande la fameuse couronne comme cadeau. L’objet tant convoité entre les mains, je la dépose délicatement sur sa petite tête et je fonds immédiatement. Appa ? Nana, pas princesse ? Je fronce les sourcils pendant quelques secondes avant de comprendre là où elle veut en venir. Si elle savait que Nana était bien plus qu’une princesse à mes yeux. La concernée pivote dans ma direction et je me sens soudainement pris au piège. Pourquoi est-ce que je n’ai pas eu un garçon, tout compte fait ? Deux femmes ensemble, liguées contre moi, c’était pire que de faire face à des trafiquants de drogues armés jusqu’aux dents. « Ah ? Je suis un prince maintenant, plus un roturier ? » je souffle en croisant les bras sur mon torse. « Ma classe sociale évolue que quand ça t’arrange… » Je suis faussement outré, qu’on se le dise. « Mais j’apprécie ta grande mansuétude, c’est trop humble de ta part.v» Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir lui offrir, hein ? On était dans une fête foraine, la moitié des lots étaient à destination d’enfants dont l’âge variait entre deux et dix ans.

La plupart du temps, je suivais Jinae là où elle avait décidé de m’emmener. Après tout, on venait ici pour elle, pas pour moi. Mais il y avait bien une activité que j’aimais faire et dans laquelle je me débrouillais et j’avais très envie de voir Na-Rim à l’oeuvre. « Maintenant que tu en parles, il y a bien quelque chose… » Je reste volontairement énigmatique et je nous guide joyeusement vers le stand de tir. J’en avais fait une affaire personnelle entre ces stupides carabines non réglées correctement et mon ego. J’étais bon tireur, mais j’étais loin de la réussite tant espérée. À chaque fois que j’avais l’occasion de tirer ici, j’avais l’impression que les ballons, enfermés dans leur cage, me narguaient. « J’ai une revanche à prendre sur eux. » je marmonne entre mes dents, glissant un billet au teneur de stand. Je prends l’arme entre mes mains et me met en position de tir. Je commençais à comprendre le fonctionnement de leurs petits joujoux. Je tir une première fois, la bille atteint sa cible, éclatant un premier ballon. Plus que cinq. Un deuxième ballon éclate. Puis deux autres, en même temps, sous le regard effaré du forain. Je rate le dernier ballon à deux reprises et l’absence d’une chance supplémentaire m’empêche de gagner le gros lot, à savoir une énorme peluche ourson que Jinae aurait adoré ramener à la maison. « Ça va vraiment finir par me rendre dingue. » je peste entre mes dents, tout en reposant la carabine. Puis je me tourne vers Na-Rim, la tête légèrement penchée sur le côté. « À ton tour, maintenant. » J’avais payé pour deux parties et cette deuxième lui revenait de droit.