We are going to be four (Eilina #4)

« Tu as finis ton dessin, ma puce ? » je demande à ma petite fripouille de tête blonde, lançant un discret coup d’oeil par-dessus son épaule pour observer la feuille sur laquelle elle s’applique depuis de longues minutes maintenant. « Pas encore ! Arrête de tricher, maman ! » Je recule d’un pas, les mains en l’air, me reconcentrant sur la préparation des muffins au chocolat pour le dessert de ce soir. Une dizaine de minutes plus tard, alors que j’enfourne les petits gâteaux, Charlie m’interpelle avant de me montrer fièrement ce qu’elle vient de réaliser. Un sourire naît sur mes lèvres à la vision de nos silhouettes familière qu’elle a reproduite et je m’approche pour déposer un baiser sur le sommet de son crâne. « Tu crois qu’il va l’aimer ? » J’acquiesce. Je n’avais aucun doute là-dessus et j’étais persuadée qu’il allait être aussi ému que moi en le découvrant. « J’en suis certaine. » C’est tout sourire qu’elle roule son dessin, le fermant à l’aide d’un joli ruban, pour finalement me le tendre. « Tu n’oublies pas de lui donner, hein ? » Je la vois froncer les sourcils, tout en se dandinant sur sa chaise. « Non, je n’oublierais pas. Je te le promets. » Elle saute alors de sa chaise, frappant dans ses mains avec enthousiasme, plantant rapidement un bisous sur ma joue, avant de s’éclipser en m’annonçant qu’elle rejoint Eliott dans les écuries, parce qu’il lui a promis de l’aider à s’occuper de Khan. Je profite que la maison soit vide pour regagner ma chambre et y récupérer la boîte jaune dans laquelle est emballé un présent que je meurs d’envie d’offrir au destinataire. Je dépose le dessin de Charlie par-dessus avant de refermer le couvercle et de le remettre dans sa cachette de fortune.

Après une soirée plus que mouvementé, comme c’est souvent le cas lorsqu’une maison abrite autant de personne, j’apprécie, plus que jamais, de retrouver la tranquillité que la nuit nous offre. Charlie dort à poing fermé, tout comme mes frères et sœurs et je profite de l’unique présence de l’homme qui fait battre mon coeur. J’ignorais depuis combien de temps je n’avais pas ressentie cette sensation de bonheur intense, mais depuis quelques mois, ce sentiment me suivait dans chacun de mes pas. Plus un seuls jours sombres n’étaient venus faire de l’ombre à l’immense soleil qui gisait au-dessus de nos têtes et je me sentais légère. Et je devais ça à une seule et unique personne. Eliott avait changé ma vie à la seconde où il y était rentré et aujourd’hui, je ne pouvais pas m’imaginer avancer sans sa présence à mes côtés. Il était d’un soutiens sans faille, aimait Charlie comme sa propre fille et n’avait jamais pris la fuite face à la famille plus que bancale que j’avais. « J’ai quelque chose pour toi… » Je fini par murmurer contre son oreille, en venant poser délicatement ma tête contre son épaule. « Et je sais que ce n’est pas encore ton anniversaire, mais j’avais envie de te faire une surprise. » Je relève légèrement mon visage dans sa direction, mes lèvres venant à la rencontre des siennes. « C’est dans notre chambre, tu viens ? » je demande en me redressant du canapé, tendant la main dans sa direction pour l’inciter à me suivre. C’est main dans la main, en essayant de faire grincer les marches le moins possible que nous regagnons notre cocon, là où l’attend cette mystérieuse boîte jaune, posée sur notre lit.

Je n'aurais jamais cru aimer autant la vie de ferme. Elles me paraissaient loin, mes années de velours et de cachemire, enfermé entre quatre murs. Ici, je me sentais en paix. J'avais l'impression d'être enfin en accord avec moi-même. Auprès des animaux, à mener une existence simple et dénuée d'artifices. Me lever à l'aurore, pour observer le soleil grimper en haut de la voûte céleste. Entendre le chant des oiseaux et savourer la brise fraîche sur mon visage. Le silence. La tranquillité du matin, lorsque la plupart des êtres vivants tournent encore au ralenti. Alors je délaissais (avec une part de regret) la femme qui sommeillait à mes côtés, je passais voir si notre tête blonde explorait encore le pays des rêves et j'enfilais mes bottes pour rejoindre l'extérieur. J'avais promis une matinée de pansage à Charlie et je me réjouissais de la voir approfondir son lien avec le poney. Je flatte l'encolure de la jument qui broute sagement à mes côtés avant de tendre l'oreille, à l'entente d'un bruit familier. Des pas, courts et rapprochés, qui produisaient un léger bruit de succion dans la terre encore humide. « Elliot ! Elliot ! T'es où ? » Une voix fluette, enjouée, qui avait le don d'amener un tendre sourire sur mes lèvres. « Juste là, Cha. Je finissais de nourrir les filles. Après, je suis tout à toi. » je réponds, amusé. En sortant du box, je la vois grimper sur un meuble en bois pour pouvoir jeter un coup d'oeil dans le compartiment abritant son compagnon à crinière. « Dis...Est-ce que je peux lui donner une carotte ? S'il te plaît ? » Petits yeux presque larmoyants à l'appui. Mes bras viennent se croiser sur mon torse, après avoir déposé ma fourche sur le côté. « Petite maline, va. Juste une, d'accord ? » Elle hoche la tête, même si nous savons tous les deux qu'elle retentera l'expérience d'ici quelques minutes. Et que je lui ne donnerai une autre, parce que je suis un être faible devant elle. Mais son sourire éclatant n'avait pas de prix. Et Khan n'allait certainement pas s'en plaindre.

Plus tard, lorsque l'astre solaire a laissé sa place à la dame sélène, je profite de l'accalmie avec la femme que j'aime. Lovés l'un contre l'autre dans le canapé, à savourer l'absence d'agitation. Charlie était retournée dans les bras de Morphée, les frères et soeurs de Neilina aussi. Il ne restait que nous. J’ai quelque chose pour toi. Mees épaules se raidissent légèrement, tant à cause de cette phrase énigmatique que du souffle de la brune qui était venu s'échouer dans le creux de mon cou. Mes sourcils se froncent légèrement et je tourne suffisamment la tête pour pouvoir la regarder. « Je dois avoir peur ? » je l'interroge, dans un souffle. Mais ses lèvres viennent à la rencontre des miennes et m'arrachent un soupir. « Je te suis. » je rajoute, avec un léger sourire. Mes doigts se glissent entre les siens et je la laisse me guider jusqu'à notre chambre. Une boîte jaune est posée sur le lit et jette un nouveau regard à la brune. Elle m'incite à aller l'ouvrir et j'approche, dévoré par la curiosité. Derrière le couvercle, un dessin. Qui a été élaboré avec amour par la petite fille, à n'en pas douter. Une émotion étrange me traverse, à la vision de cette famille unie, couchée sur le papier. Celle que nous formions désormais, tous les trois. Je glisse mes mains dessous pour le récupérer avant d'aviser ce qui s'y trouve, sentant mon souffle se couper brusquement. Une grenouillère. Une grenouillère ? Je prends à peine le temps de lire les inscriptions sur l'habit, sa simple présence suffisant à me chambouler. Je pivote sur moi-même, mon coeur battant furieusement la chamade. « Neil ? Tu es...? » Je n'arrive même pas à lâcher le mot en question, tellement la surprise me prend de court. « C'est vrai ? » Un mini feu d'artifice menaçait d'éclater à l'intérieur. Un hochement de tête et je me rue dans sa direction pour l'enlacer, la faisant tourner dans la pièce. Heureux, plus que jamais en cet instant.

Elle me semblait lointaine, l'époque où Eliott n'était, à mes yeux, qu'un parasite à tenir le plus éloigné de ma famille. Et il s'en était passée des choses depuis. J'avais ouvert les yeux, appris à voir le monde autrement, sous un regard nouveau, découvert qui était réellement l'homme qui vivait dans la grange de notre immense maison. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si il n'avait pas été là, si il ne m'avait pas insufflé le courage nécessaire pour que je me batte. Grâce à lui, j'avais pu ramener ma fille à la maison et j'avais surtout compris ce que c'était d'être soutenu et aimé. J'étais avec un homme incroyable, à qui la vie n'avait pas fait de cadeaux et pourtant, il était maintenant une bénédiction dans la mienne. Et j'étais sûre de vouloir passer le restant de mes jours à ses côtés. Pour rien ne monde je n'échangerai nos réveils, enlacés, ces quelques heures de tranquillité qu'on arrivait parfois à avoir, le soir, quand tout le monde dort à poings fermés ou nos baisers échangés furtivement entre deux corvées au ranch. Il me comblait et je me sentais tellement plus légère. J'avais enfin l'impression d'avoir un avenir, mais surtout de vivre. Vivre pour moi et non pas que pour ma famille. Ils étaient tout ce que j'avais, ils étaient les personnes que j'aimais le plus sur cette terre, avec Charlie, mais je m'étais effacée pendant trop longtemps pour m'assurer de leur bien-être au détriment de mon bonheur. Eliott était mon bonheur, la pièce manquante de mon existence. Et celle-ci allait être de nouveau chamboulée dans quelques mois. La nouvelle m'avait prise de court, quelques jours plus tôt, et je me souvenais de toute la panique que j'avais ressenti en l'apprenant. On n'avait jamais eu cette conversation, je crois même qu'aucun de nous l'envisageait réellement, de toute façon. Nous étions ensemble depuis seulement un an et l'un comme l'autre, on souhaitait simplement profiter de ce que nous avions déjà. Mais les faits étaient là et malgré l'appréhension qui me nouait les entrailles, je ne pouvais que me réjouir. C'était simplement la preuve et la conception de notre amour.

Je guide Eliott jusqu'à notre chambre, déliant nos mains qu'une fois à l'intérieur pour le laisser ouvrir son cadeau. Je souris en me rappelant du dessin de Charlie, de toute l'implication dont elle avait fait preuve en le réalisant. Elle aimait Eliott, de toutes ses forces. Il était le père qu'elle n'avait jamais eu et il lui rendait tellement d'amour et d'affection que je sentais mon cœur fondre à chaque fois que je les voyais tous les deux. « Elle a failli vendre la mèche plusieurs fois, mais elle a tenu bon. » j'avoue dans un petit rire. « Elle m'a aussi chargé de te dire que tu es le meilleur papa de l'univers. » Et elle n'avait jamais été aussi proche de la vérité. Eliott avait déjà tout d'un père pour Charlie et je ne doutais pas une seule seconde qu'il le serait tout autant avec le petit bout qui grandissait bien à l'abri dans mon ventre. Je l'observe prendre le dessin avant de voir son regard se baisser sur le vêtement soigneusement plié dans sa boîte. J'avais craqué sur cette grenouillère en faisant les courses la veille et je savais qu'elle ferait un parfait cadeau d'annonce. El se tourne vers moi et je sens toute l'émotion dans sa voix lorsqu'il prend la parole. C'est vrai ? Je hoche la tête, essuyant les larmes furtives qui roulent sur mes joues, avant de lâcher un petit cri de surprise quand je sens mes pieds décoller du sol. Je m'accroche à son cou, mes lèvres venant se sceller aux siennes quand je retrouve la terre ferme. « Je suis enceinte de trois semaines. » j'annonce a voix basse, mes yeux plongés dans les siens. « Je suis tellement heureuse que tu sois heureux. »  Et soulagée, je devais bien l'avouer.