Usually introductions aren't that... weird ?| Carter, Meiko, Tanji & Petra

Les derniers mois avaient été signes de renouveau. J’avais dû apprendre à vivre avec ce chagrin qui avait élu domicile dans ma poitrine après le départ précipité d’un avion que j’aurais voulu être capable de retenir. Qu’est ce que j’avais pu passer des heures à ruminer cette relation gâchée. A pleurer tout ce que nous aurions pu être. Puis les semaines avaient passé et son souvenir à commencer doucement à être moins douloureux. Soutenu par les meilleures personnes que j’avais pu avoir à mes côtés, j’avais comme réappris à apprécier les choses simples, à sourire pour un oui pour un non, à ne plus me lever le cœur lourd. Ulysse avait été d’une aide sans nul autre pareille et je ne lui serais jamais assez reconnaissant pour toutes les soirées où il m’avait traîné avec lui en ville pour aller boire un bière, pour les nombreux match de foot partagés et les crises de fou rires qui en avait découlé. Puis il y avait eu Petra aussi. Notre histoire datait de quelques mois, d’abord une amie de longue date, nous avions tenter notre chose sans trop nous faire de films. Elle était ma première relation depuis la dernière et tout restait malgré tout assez béant dans ma tête et dans mon cœur. Cela dit, elle avait réussi, elle aussi, à rendre le passage à autre chose, simple. Si tenté que l’on puisse réellement passer à autre chose, après une relation aussi marquante. Petra avait toujours le sourire, ce caractère bien trempé, cette énergie à revendre. Elle était le personnage principal de son histoire, à coup sûr. Bien loin de ressemble à celle que j’avais tant aimé. Pourtant, j’éprouvais une réelle affection pour la brune. Ca semblait simple avec elle.

Aussi simple qu’une invitation à aller dîner après le boulot. J’avais envoyé un message a Petra ce matin, pour lui demander si un restaurant la tentait pour ce soir. Nous devions nous voir à la base, comme le plus régulièrement possible. Soit chez elle, soit chez moi, mais Ulysse m’avait kidnappé pour la soirée hier. Cela dit, j’avais eu une grosse journée qui m’avait attendue et je me connaissais assez pour savoir que j’aurais eu l’immense flemme de cuisiner en rentrant. Travailler avec des jeunes, même en étant coach, ce n’était pas de tout repos. Il fallait canaliser toute cette énergie et dieu sait que ça en demandait. J’étais rentré chez moi en vitesse pour me doucher, me changer et repartir presque aussi tôt, pour aller chercher Petra, histoire de passer un bon moment ensemble. On débarque dans un petit restaurant assez simple, mais où la cuisine était réellement délicieuse. « Après toi. » Je souffle dans un sourire à la brune, lui ouvrant la porte pour entrer et m’avancer vers le maitre d’hôtel. « Bonsoir. Nous souhaiterions une table pour deux s’il vous plais. » Ce a quoi l’employé réponds d’un signe de tête et nous conduis vers une petite suite de banquettes. Ces dernières sont agrémentées de petites tables pour deux. Nous prenons l’avant dernière. Laissant une dernière table duo de libre sur notre droite. Je remercie le maitre d’hôtel et m’attable sur la chaise, lui laissant le confort de la banquette. Je prends le temps de redécouvrir les apéritifs, mon estomac réclamant pourtant la même et habituelle assiettes de Doritos au Cheddar. J’allais demander à Petra ce qu’elle désirait prendre, quand la chaise d’à côté de moi, crisse sur le sol carrelé sur restaurant. Je relève les yeux vers la table de droite, pour y découvrir mon passé, comme une immense gifle. Merde alors. Je reste bouche bée, le regard fixe. Très classe, Carter.

 On mange ensemble, ce soir ? Mes lèvres s'étaient étirées d'elles-mêmes et je crois que Margaret l'avait remarqué, elle aussi. « Un message de ton bellâtre ? » Son visage est dévoré par un rictus malicieux et je penche la tête sur le côté. « Jalouse ? » Elle éclate de rire, passant une main dans ses cheveux blonds et raides comme des baguettes. « Absolument. En même temps, si j'étais toi j'aurais l'impression d'avoir gagné au Loto. » Cette fois, c'est ma poitrine qui est traversée par un gloussement sonore à ses paroles et je tapote sur l'écran de mon téléphone pour répondre à Carter. « N'est-ce pas ? J'adore regarder les filles baver d'envie quand on se promène dans la rue. » je raille, alors que je n'en pense finalement pas moins. C'est vrai que j'avais de la chance, dans un sens. Parce qu'il était vraiment tout ce dont on pourrait rêver. Charmant, gentleman, incroyablement bien gaulé (on ne va pas se mentir, soyons réalistes) et d'une gentillesse à toute épreuve. Et qu'on passait des moments tout à fait agréables.

Si ce n'était l'ombre qui traversait ses traits, de temps à autre. Suffisait qu'il regarde à un endroit précis, qu'une certaine musique ne passe autour de nous pour voir la mélancolie tisser sa toile dans son regard. Même si il remontait doucement la pente, au fur et  à mesure. Il souriait à nouveau, petit à petit. Et ça me confortait dans l'idée qu'il allait mieux, que les choses évoluaient, jour après jour. Nous l'avions ramassé à la petite cuillère, un jour et son visage m'avait paru pareil à celui d'un fantôme pendant de longues semaines. Inerte. Amorphe. Éteint. Je savais pertinemment qu'elle a emporté une partie de lui avec elle, là-bas. Et que je ne saurais jamais combler ce vide dans sa poitrine. Mais moi au moins, j'étais là, à ses côtés. Je l'étais déjà avant qu'elle apparaisse dans sa vie et je n'allais certainement pas m'en aller maintenant. Nous nous étions tournés vers le hasard, sans trop réfléchir, sans savoir où tout ça allait nous mener. Et à vrai dire, je m'en foutais, tant qu'il allait mieux.

Si je pouvais apaiser sa douleur et rallumer la lumière dans son être, c'était le principal.

Après toi. Je laisse mon regard effleurer sa mâchoire, humant le parfum frais qui émane de lui et j'avance d'un seul pas avant de tourner la tête pour l'observer, par-dessus mon épauel. « Un vrai prince charmant. » je souffle, avec un sourire taquin avant d'attraper sa main, le laissant me guider jusqu'à la table qu'il a réservé pour nous. J'aimais savoir que l'on avait nos petites habitudes, qu'il y avait un fil conducteur. Ces instants étaient toujours gorgés de rires, de bonne humeur. D'une tendresse commune. Et je les attendais avec impatience. Tout comme cette piña colada qui m'appelait depuis que j'avais reçu son SMS et que je m'empresse de commander. Je louche sur le menu, hésitant entre deux propositions quand une chaise est râclée sur le côté, me faisant lever les yeux vers Carter. Et je me fige en l'apercevant, les yeux rivés sur le couple qui s'installe à notre droite. Son visage est livide, son regard agrandi par la stupeur. Je le suis, du mien et il me suffit d'un battement de cils pour comprendre. La colère s'immisce d'un seul coup, s'enroule autour de mes entrailles comme un serpent autour de sa proie. Alors je me tourne proprement vers eux, sans lâcher la jeune femme du regard. Pour lui transmettre toute la rancoeur qui m'habite, en cet instant précis. « J'image que c'est toi, Meiko. La fille qui lui a brisé le coeur. » je lâche, sur un ton glacial.

« Il faut absolument que tu goûtes la cuisine Américaine. » Des mots prononcés il y a plusieurs mois alors que je me trouvais encore au Japon, dans la ville qui m'a vu grandir, à essayer de me réadapter à une vie dont je n'avais pas envie. J'aimais mon pays, plus que tout au monde, mais j'avais beau essayé, je ne m'y sentais pas à ma place, en ce moment. Je n'aurais pas dû être là et je ne pouvais pas me le sortir de la tête. « Je pourrais peut-être y remédier. » Ce que j'avais maladroitement tenté de faire. Malgré mes talents de cuisinière, le dîner s'était retrouvé raté voire même immangeable. Une grande première qui nous avait tout de même value un immense fou rire, le premier depuis de longues semaines. Une partie du poids que je ressentais dans ma poitrine s'était évaporé pour ne laisser place qu'à une douce chaleur. Et c'était peut-être à cet instant bien précis que je m'étais rendu compte des sentiments que j'avais à son égard, pour ses mots et ses gestes toujours emprunts d'une infinie douceur, pour son sourire si sincère et son rire contagieux. Il arrivait, rien que par sa présence, à faire disparaître les nuages noirs au-dessus de ma tête pour ne laisser place qu'à un brillant soleil.

Aujourd'hui, j'étais de retour à Los Angeles, Tanji à mes côtés et j'avais la ferme intention de lui faire découvrir les spécialités d'ici. Les vraies, pas celles qu'on pouvait trouver au Japon, mais qui n'avaient étonnement pas le même goût. Nous avions tous les deux prit le temps nécessaire pour nous installer, dans mon cas pour me réinstaller et j'avais été heureuse de constater que ma vie allait reprendre son cours là où je l'avais laisser. Ou presque. Mais mes parents avaient récupérer les rênes de leur restaurant ainsi que le petit appartement situé juste au-dessus, j'allais pouvoir continuer mes études sans être pénalisée par mon absence et je préférais me concentrer sur le positif plutôt que sur l'ombre qui apparaissait petit à petit sur mon tableau. J'avais conscience que je ne pourrais pas le fuir éternellement, surtout quand de nombreux endroits de cette ville me faisaient inévitablement penser à lui, mais il était hors de question que je le laisse hanter mon esprit. Pas maintenant que j'allais mieux.

La nuit commence à peine à tomber quand nous passons la porte d'un petit restaurant que j'affectionne tout particulièrement, mon bras enroulé autour de celui de Tanji. Nous nous faisons conduire jusqu'à notre table et avant même d'avoir eu le temps de contourner cette dernière pour m'installer, je sens mon cœur s'emballer dans ma cage thoracique. Cette silhouette, je pouvais la reconnaître entre mille. J'effectue un léger mouvement de recule, ma main venant se glisser dans celle du brun, tandis que les mots qui me sont adressés se font aussi violents que plusieurs coups de couteau. Incapable de répondre quoi que ce soit, je reste silencieuse, détournant finalement le regard. « Allons manger ailleurs... » je murmure d'un ton faible.

De toute façon, je n'étais même pas sûre d'avoir encore faim.

Il faut absolument que tu goûtes la cuisine Américaine. Des paroles remplies d'une intime conviction, d'une envie de partager des saveurs bien différentes de celles qu'on trouvait au pays du soleil levant. Même si sa tentative de mettre la main à la pâte s'était soldée par un échec, elle avait apportée avec elle son lot de rire et de bonne humeur. Et c'était la première fois que je la voyais rire, que je pouvais admirer son visage se fendre d'une expression lumineuse, paisible. Meiko était un paradoxe à elle toute seule. Incapable de dissimuler les sentiments qui la traversaient, qui étiraient ses traits mais remplie de secrets et d'une terrible mélancolie que je voyais nager dans ses yeux, certaines fois. Mais ça ne faisait qu'approfondir la tendresse que je lui portais, amplifier mon désir de la rendre heureuse, de faire tout ce qu'il fallait pour que ce sourire persiste aussi longtemps que possible. La quotidien était doux, à ses côtés. Elle était ma gorgée d'oxygène dans cette existence passée à courir, à s'essouffler pour avoir un avenir décent. Mon ancre pour garder mes pieds sur terre. Ces instants de joie pure quand elle m'ouvrait la porte et que ses yeux scintillaient, que son parfum s'immisçait tout autour de moi, familier. Et j'étais impatient de découvrir l'endroit où elle avait vécu avant de revenir au Japon. Los Angeles. Le rêve américain, avec sa grandeur, ses folies, son "tout est possible". Et sa gastronomie exubérante, sans limites.

C'est dans un restaurant qu'elle affectionne toute particulièrement que nous arrêtons notre attention, son bras enroulé autour du mien. Elle sent la fleur de printemps et son regard pétille d'impatience à l'idée de me faire goûter des plats plein de fromage et de bacon. Un monsieur nous fait signe de le suivre pour nous amener à notre table mais nous ne sommes pas encore arrivés jusqu'à elle que je sens Meiko se raidir, sa main s'enroulant autour de la mienne. Ma tête pivote dans sa direction et j'aperçois son visage blême, suivant son regard pour tenter de comprendre cette réaction. Puis des mots claquent, aussi sèchement qu'un fouet. J'image que c'est toi, Meiko. La fille qui lui a brisé le coeur. Je me raidis, observant la jeune femme qui nous fait face avec les sourcils froncés. Mais je presse la main de ma petite-amie dans la mienne, redressant le buste pour me redonner contenance. « Tout va bien, daarin. » je souffle, en lui adressant un doux sourire. Puis mes yeux retrouvent ceux de la métisse, avant de passer à Carter. Parce que ça ne peut être que lui. « Tanji, enchanté. » je rajoute, en hochant poliment la tête. Je n'allais pas lui faire le plaisir de répondre à son attaque. Il n'y avait rien de mieux que l'indifférence. « J'aime bien la décoration, c'est très joli. » je murmure, à l'intention de la jeune femme à mes côtés. « Et je compte sur toi pour me conseiller les meilleurs plats. » J'accompagne mes paroles d'un sourire éblouissant, pour tenter de la détendre. D'un tour de main, je l'aide à s'asseoir sur la banquette avant de me positionner en face, tendant le bras pour récupérer sa main sur la table. « Je mange dans un endroit fort sympathique et en compagnie d'une jolie fille, rien ne peut gâcher ma journée. » je termine, la tête penchée sur le côté et les traits traversés par la tendresse.

Je comptais bien faire comme s'ils n'existaient pas.

Pendant quelques semaines, je n’avais même pas reconnu mon propre reflet. Je m’étais réellement fait peur. Les yeux creusés, entourés de cernes noires, du peu de sommeil que je prenais. L’ombre de l’homme que j’étais. Elle m’avait tellement manqué. Je crois n’avoir jamais été confronté à quelque chose de plus douloureux. Jamais. Des milliers de sentiments m’avaient enserré le cœur. J’étais passé par des phases, des étapes. Premièrement, cette immense colère que j’avais ressenti, s’était transformé en tristesse. Je n’avais plus goût à grand-chose, sortir de mon appartement me semblait impensable. Le moindre décor autour de moi, me rappelait qu’elle avait été là, que nous avions partagé tellement de bons moments. Parfois même je pouvais entendre l’écho lointain de nos souvenirs qui se mêlait aux bribes de son rire, dans le creux de ma tête. Puis était venu le regret. J’en étais venu à détester le moindre de nos moments. J’en étais venu à me dire, encore une fois, que je n’aurais pas tant souffert si quelques années plus tôt, j’avais refusé de participer à ce jeux débile. Je regrettais que nos chemins se soient croisés. Tout était si douloureux. Passer à autre chose était un processus dont je n’avais pas mesuré l’ampleur, qui me demandait de la force et du courage. Courage que je n’avais pas eu et dont même à l’heure actuelle, je manquais parfois. Mais réapprendre à marcher, après avoir chuté si fort, c’était évident que ça prendrait du temps. Rien n’était simple, mais j’avais eu l’entourage suffisant pour ne pas sombrer entièrement.

Petra avait été présente dès le début. Elle avait passé de longues heures à frapper à ma porte dans l’espoir que je réponde. Pour s’assure que j’allais bien. Que j’allais m’en remettre. Je m’étais relevée, difficilement. Mais elle avait été plus qu’importante dans tout ce long voyage. Je l’avais laissée se faire une petite place dans ma vie. Se frayer un chemin vers le cœur. C’était confortable d’être avec elle. On se connaissait par cœur, depuis le temps que nous étions amis. J’avais pleinement confiance en elle. Tant que ça nous convenait tous les deux, c’était le principal. Nous étions bien comme ça pour le moment, et je lui étais vraiment reconnaissant de m’avoir aidé à affronter cette période sombre.

. « N’est-ce-pas. Enfin je suis reconnu à ma juste valeur. » Je réponds, de bonne humeur, serrant sa main dans la mienne, avant d’aller s’installer à une petite table, proche de bien d’autres. Ce à quoi je ne m’étais absolument pas préparé, c’était que ceux qui allaient s’installer près de nous, seraient celle que j’avais tant aimé et celui avec qui elle m’avait visiblement remplacé. Je reste con, pendant quelques secondes. Je ne sais pas détourner le regard. Jusqu’à ce que la voix de Petra ne retentisse, directe et franche comme à son habitude. « Ca va, t’en fais pas. » Je murmure en tournant le regard vers elle. C’était complètement inutile de s’en prendre à elle comme ça. Je me reprends et lève les yeux vers le jeune homme qui se présente. « Carter. Également. » Je réponds à mon tour, avant de me tourner vers ma petite-amie. J’essaie de faire complètement abstraction de leur présence. « Ca a été ta journée ? » Je demande à Petra en faisant en sorte de détourner son attention à elle aussi.


Je sentais vraiment, que cette soirée allait être longue, et qu’un poids s’était posé sur la pièce.