Surprise, Surprise | Roydith #1

« Tu es sûr que tu as tout ? » Me redemande encore une fois ma mère, en m’aidant  à fermer ma valise. « Maman, on a vérifié au moins 10 fois cette valise, oui j’ai tout » Je soupire, en tirant une dernière fois sur la fermeture éclair pour la boucler une bonne fois pour toute. Elle était remplie plus que jamais, et surtout à cause de la pochette contenant mon smoking. Je ne partais pas léger, mais c’était pour une si bonne raison. J’allais enfin voir Judith en chair et en os, et quoi de plus belle occasion pour cela, que de l’emmener au bal de son lycée. J’avais tout organisé en long, en large et en travers, à l’aide de ma famille, et de son frère. J’avais besoin de quelqu’un qui me file un coup de main de l’autre côté de l’océan. Il y avait des milliards de choses à prévoir, et je n’étais jamais sorti des Pays-Bas, autrement que pour aller à la frontière Belge, quand mes parents voulaient prendre une petite journée, et j’avais plus que hâte de prendre l’avion. Je n’aurais jamais pensé que mes parents auraient accepté de me laisser partir un moment pour rencontrer pour de vrai, quelqu’un que je ne connaissais jusque là que par internet, et ce malgré le fait que j’en sois clairement tombé amoureux à travers l’écran. J’avais eu envie de lui faire la surprise quand elle m’a parlé du bal de promo, chose que nous n’avons pas là où je vis, alors j’avais passé des heures à me renseigner pour être sûr de faire les choses dans les règles de l’art. Pour lui offrir une soirée dont elle se souviendra. Je voulais que notre première rencontre soit une surprise. Quitte à louper les cours. De toute manière mes examens étaient passés, et il ne me restait rien que des cours de routine, alors je n’avais aucun remords. J’allais pouvoir enfin la serrer dans mes bras, et la voir autrement, que sur l’écran de mon ordinateur ou de mon téléphone.

La dernière nuit avant mon départ à été agitée. J’ai tout fait pour éviter qu’elle se doute de quoi que ce soit. Caché le moindre petit indice, trouvé des prétextes aussi saugrenus que possible, pour qu’elle n’ait pas un seul soupçon, et je priais, intérieurement, pour que personne ne lui vende la mèche. La route jusqu’à l’aéroport d’Amsterdam est longue. J’allais affronter 14heures de vols, mais j’étais plus prêt que jamais. J’avais fait en sorte de pouvoir arriver dans la matinée, pour que son frère puisse venir me chercher sans qu’elle le sache. Jack, le frère de Judith avait proposé de rester avec moi, dans une sorte de petit appartement, le temps de la journée, que l’on puisse se préparer, et qu’il me dépose ensuite chez eux, pour que je puisse aller chercher sa sœur, et avait même proposé de nous conduire là-bas. Je crois que je lui suis un peu, beaucoup même, redevable, ainsi qu’à la mère de ma petite amie, pour avoir accepté de m’héberger sous leur toit, le temps de mon séjour. Ma mère ne m’aurait sûrement pas laissé rester autrement, ni même partir. Ils avaient accroché à l'idée tout de suite, et m'avaient soutenus dans le projet, ça me rassurait grandement.

14 heures plus tard, et une bonne nuit de sommeil sur les sièges de l’avion au-dessus des nuages, J'ai finalement posé les pieds à Los Angeles, où le soleil était déjà bien haut dans le ciel. J'ai rallumé mon téléphone pour prendre contact avec Jack qui m’attendais, et j’ai instantanément un petit poids dans l’estomac, d’excitation, d’appréhension, d’impatience. Si ma surprise ne marchait pas ? Si elle était déjà au courant ? Si elle avait un autre cavalier finalement ? Je me posais un tas de questions, alors que l’on discutait dans la voiture qui nous ramenait jusqu’à ce petit appartement, où j'ai avec plaisir le temps de profiter d’une douche. Il m’avait expliqué que Judith se préparait avec leur mère, et qu’elle serait donc chez eux, c’était la raison pour laquelle nous étions là. J’avais hâte de la voir. Nous avions passé l’après-midi à discuter, avant que je ne finisse par me changer, et enfiler mon smoking, ajuster mon petit nœud, glisser une fleur dans ma veste. Nous somme finalement partis aux alentours de 19h30, et je n’ai jamais été aussi stressé qu’en cet instant. Judith, j’ai beau la connaître, par cœur, la première rencontre, c’est tellement quelque chose que j’ai attendu. J’ai du mal à réaliser qu’on y est, enfin. On se gare devant chez eux, et après une légère tape sur l’épaule, je prends une inspiration, et descends finalement de la voiture. Je réajuste ma veste, j’attrape les fleurs que nous étions allés chercher au passage, sur ma proposition et que Jack m’a aidé à choisir. Je remonte finalement l’allée, avant de sonner à sa porte. Elle s’ouvre sur la mère de ma petite-amie, et je me présente dans un anglais teinté d’un accent. « Bonsoir madame Van Acker. Je viens chercher Judith. » Un bref sourire se glisse sur mes lèvres avant qu’on informe l’intéressée, que quelqu’un l’attends. Quand je la vois arriver, tout mon cerveau cesse de tourner. Elle est encore plus belle que d’habitude, et mon cœur lui, s’arrête. « Bon sang...» Je souffle, en la regardant descendre les escaliers, les yeux brillants. C'est encore plus fort.

Bordel je crois que je retombe amoureux.

Le bal de promo, tout le monde l'attendait avec une certaine impatience. Moi ? J'aurais aimé pouvoir sélectionner l'avance rapide et le passer sans avoir à le subir. Parce que oui, c'était réellement ainsi que je voyais les choses. La plupart de mes amies avaient un cavalier pour les accompagner à cette mémorable soirée et moi, je déprimais à la simple idée de penser que le garçon que j'aimais se trouvait à plusieurs milliers de kilomètres de moi. Et que j'ignorais quand est-ce que j'aurais la chance de pouvoir le serrer dans mes bras. J'avais toujours eu conscience que notre relation à distance ne serait pas simple et que j'allais devoir apprendre à gérer cette nouvelle situation. Jusqu'à présent, je ne m'en étais pas trop mal sorti, mais aujourd'hui, son absence à mes côtés me pesait plus particulièrement. Et j'aurais tout donné pour l'avoir auprès de moi et me rendre à ce stupide bal à son bras. Mais ce n'était malheureusement pas possible et c'est seule que j'allais pousser les portes du gymnase. J'avais bien tenté de faire comprendre à mes parents que je préférais cent fois plus passer la soirée avec eux, devant un film, mais ma mère avait prit un immense plaisir à me donner toutes les raisons pour lesquelles je devais impérativement y aller. Et ça, c'était sans compter sur mes deux frères qui ne s'étaient pas fair prier pour me rappeler que cet evenelent n'arrivait qu'une fois dans une vie et que, dans quelques années, je pourrais regretter ma décision. Alors j'avais fini par capituler, me convaincant que la soirée ne pourrait pas être si horrible que ça, même si je me retrouvais à tenir la chandelle. Dans le pire des cas, je faisais acte de présence pour une petite heure seulement, avant d'appeler mon père à la rescousse pour venir me chercher et me ramener à la maison.

À vrai dire, j'étais finalement heureuse de quitter la maison dans les prochaines heures. J'ignorais si c'était l'effet bal de promo qui donnait un air suspicieux à tous les membres de ma famille, mais j'avais l'impression de côtoyer de nouvelles personnes. Mon père bougonnait dans son coin en lançant des petits regards qu'il croyait discret à ma mère qu'elle semblait préférer ignorer plutôt que d'y prêter la moindre attention. Mon plus grand-frère avait passé sa matinée à me faire promettre de l'appeler en cas de problèmes et Jack me donnait l'impression d'avoir manger des paillettes au petit-déjeuner, tant il semblait vivre dans un monde merveilleux, où tout n'est que rose bonbon et arc-en-ciel. Est-ce que je l'enviais ? Sans doute un tout petit peu. Quoi qu'il en soit, leur comportement sortait suffisamment de l'ordinaire pour me rendre presque impatiente d'être à ce soir. « Ne titre pas cette tête, ma chérie, je suis persuadée que tu vas passer une inoubliable soirée. » Inoubliablement barbante, oui... Vous me trouvez pessimiste ? Pas du tout. Je ne suis que prévoyante. Et je préférais penser ainsi plutôt que d'avoir l'optimiste de ma mère. Elle semblait si sûre d'elle en m'assurant que tout se passerait pour le mieux, que j'en venais à me demander si elle n'avait pas quelques dons de voyances. Dans le cas contraire, elle aurait pu devenir une talentueuses actrice, parce qu'il ne faisait aucun doute qu'elle ne me disait ça que pour me rassurer et me motiver. « Je vais aller me préparer... » je marmonne entre mes dents avant de m'éclipser dans ma chambre. Je me laisse tomber sur mon lit, tapotant un message rapide à l'attention de mon petit-ami qui, au vu de l'heure, devait sans doute dormir d'un profond sommeil. Il ne verrait mon message qu'au réveil, mais tant pis, je voulais impérativement qu'il sache que je pensais à lui. Et que je l'aimais.

Une heure plus tard, je suis maquillée, coiffée et habillée. Ma robe est plutôt simple, wans volants ou froufrous, parce que j'avais catégoriquement refusé de ressembler à la princesse des meringues. Je laissais ça aux autres filles de mon lycée. J'avais réussi à dégoter une robe patineuse, noire, agrémentée d'un peu de dentelle au niveau du col. J'étais loin de mon idée première d'y aller en costume, mais je me sentais jolie et c'était le plus important. J'ai à peine le temps de récupérer ma pochette que j'entends ma mère m'appeler depuis le bas des escaliers, m'informant que quelqu'un m'attend. Depuis quand ? Je devais rejoindre mes amies qu'une fois sur place et j'avais obtenu la confirmation de notre point de rendez-vous pas plus tard qu'une dizaine de minutes en arrière. Je quitte ma chambre en fronçant les sourcils, me retenant de descendre les escaliers deux par deux (mauvaises idées quand on porte des talons) avant de m'arrêter net quand j'atteins la dernière marche et que mon regard se pose sur la silhouette qui se trouve sur le perron. Et il me faut de longues secondes pour assimiler la présence de mon petit-ami devant moi, alors que je le croyais chez lui, aux Pays-Bas. « Royce ? » Je dois rêver. Je ne vois pas d'autres explications logiques et rationnelles au fait qu'il soit ici, dans ma maison, vêtu d'un costume, un bouquet de fleurs dans la main. La stupéfaction passée, même si l'incompréhension plane toujours dans mon esprit, mon corps se remet enfin en mouvement et je cours dans sa direction afin de le serrer dans mes bras. J'en rêvais depuis des mois. Voire même des années. « Si je suis en train de rêver, je ne veux plus jamais me réveiller... » je murmure en resserrant mon étreinte dans son dos. Puis mon visage se relève dans sa direction et c'est d'une toute petite voix que je demande : « Je peux t'embrasser ? »

Je n’avais jamais vu ces soirées de lycéens qu’à la télé ou sur les réseaux sociaux, à défaut d’en vivre réellement ici, au Pays-Bas. C’était une tradition qui leur appartenait, et qui faisait rêver bon nombre de jeunes dans le monde entier. Que beaucoup de gens devaient leur envier. Les jolies robes, les décors, les garçons si classes, et tellement contents de pouvoir passer une super soirée. Les couples qui s’invitent, pour savourer un moment à deux, le temps d’un slow, ou d’une balade au milieu des ballons, et des lumières. On pouvait voir les souvenirs se faire sur les carrousels d’Instagram. Les rires, les sourires, les immenses selfies, les yeux brillants d’une joie qui était si particulières aux élèves de ce pays. Pays qui abritait également le cœur de celle que j’aimais. Nous en avions discuter plusieurs fois, et dans sa voix, de l’autre côté du combiné, je pouvais entendre qu’elle n’était pas si emballée que cela, d’aller à cette soirée. J’étais pourtant sûr, les premiers temps, qu’il fallait qu’elle y aille, qu’elle se souviendrait toujours de cette soirée, avant que mon idée de l’y accompagner, ne naisse et ne se concrétise, au moment de monter dans cet avion qui allait me faire parcourir la moitié du globe, pour enfin, la retrouver. Je n’avais aucun doute que mon idée pourrait lui faire plaisir. Elle était peut-être un peu saugrenue, un peu folle. Je n’avais même pas dix-huit ans, techniquement pas encore fini le lycée, que je partais déjà à l’autre bout du monde rencontrer celle qui avait pris une place assez incroyable. On parlait depuis un moment déjà de se voir, mais d’un commun accord. On avait conclu que cet été serait le plus simple, nos vacances d’été concordaient à peu près, c’était le moment parfait. Finalement, j’avais pris la décision de venir un peu plus tôt que prévu, et de lui faire la surprise, en espérant ne pas la décevoir.

J’aurais pensé que le trajet passerait un peu plus vite, qu’avec la hâte d’arriver, et la potentielle fatigue qui me tomberait sur les épaules, je ne me rendrais peut-être pas compte du temps qui passe. Malheureusement, j’ai eu l’impression de compter les minutes qui passaient et qui me séparaient de Los Angeles, lorsque je ne profitais pas d’un peu de sommeil. J’ai eu l’impression que mon voyage avait duré une petite éternité. Sûrement ce sentiment d’impatience qui jouait à l’intérieur de mes veines, et que qui n’avait pas cessé de coller un sourire sur mes lèvres. J’allais enfin pouvoir serrer Judith dans mes bras, c’était tout ce qui comptait. L’occasion était trop belle pour que je n’ose me plaindre. L’aéroport de Los Angeles, était si grand que j’avais eu peur de ne pas trouver Jack, un véritable labyrinthe, duquel je finis par sortir vivant et sain d’esprit, pour retrouver le frère de ma petite-amie. Ca avait été une chance de tomber sur ce frère qui était prêt à tout pour m’aider et faire plaisir à sa petite sœur, qui avait défendu ma cause auprès de leur mère, pour me laisser rester quelques temps. Je savais que je n’allais pas n’importe où, et ça rassurait mes parents.

J’avais tellement hâte, lorsque l’heure était venue de partir pour aller la chercher. Tellement hâte et pourtant, je n’avais jamais été aussi stressé de toute ma vie. J’avais l’impression de repasser un oral pour mon examen de fin d’année, en mille fois pire, presque à en avoir les mains moites. J’avais fait plutôt classique. Une petite chemise gris clair, le reste de mon smoking était noir, et la couleur résidait dans le nœud que j’avais autour du cou, qui lui, était bordeaux. On arrive à l’heure devant la maison des Van Acker. En descendant je serre les fleurs entre mes mains, comme pour puiser mon courage dans ces dernières. Les minutes se sont faites l’effet d’une vie, entre le moment où je m’annonce, et le moment où je la vois apparaître. J’ai le cœur qui bats à une vitesse un peu folle, alors que nos regards finissent par se croiser, et que j’aperçois toute la surprise, parmi une vague d’émotions que je ne saurais décrire.   « Surprise ! » Je prononce dans un sourire, lorsqu’elle prononce mon prénom. Finalement, elle accours dans ma direction, et j’ouvre les bras pour la réceptionner, et m’imprégner de cette sensation de félicité qui s’empare de tout mon corps. J’en avais tellement rêvé, de ce jour où enfin, je pourrais l’avoir tout contre moi, dans mes bras. Sentir les effluves merveilleuses de son parfum. Rien n’avait d’égal. « Ce n’est pas un rêve, je te le promets. » Je lui réponds, avant de poser à nouveau mes yeux sur son visage délicat. « Mille fois, si tu le souhaites. » Des mots prononcés sur le même ton, avant que de pauvres centimètres nous sépare, et que finalement, nos lèvres se frôlent, pour se rencontrer enfin. Décrire tout l’amour qui me submerge à ce moment, est presque indescriptible. C’est comme si je touchais du doigt, les plus belles sensations qu’il m’avait été donné de vivre. Celle que l’on entends, que l’on ne comprends qu’une fois qu’on y a le droit. Ce dure le temps de quelques instants seulement, mais ce sera à jamais gravé dans mon esprit. « On y est, ça y est. » Je souffle, plus heureux que jamais, avant de la lâcher et de me reculer, pour lui tendre solennellement les fleurs. « Ma Judy, veux-tu bien accepter que je t’accompagnes à ton bal de promo ? » Dire que je n’avais pas répéter cette phrase, serait clairement mentir. Mais au moins, cette fois, elle était sortie à la perfection.

Le stress s'était envolé dès que j'avais posé les yeux sur elle. Comme si c'était évident.

Les relations à distance, c'étaient compliqué. L'amour, l'était tout autant. Alors imaginez ce que ça pouvait donner une relation amoureuse à distance. Et bien c'était très exactement dans cette horrible situation que je me trouvais. J'aimais Royce du plus profond de mon cœur, je n'avais sincèrement jamais rien ressenti d'aussi fort pour quelqu'un, mais le fait qu'il se trouve à des milliers de kilomètres de moi, ce n'était décemment pas facile tous les jours. Le serrer dans mes bras, l'embrasser, lui tenir la main quand je me baladais dans la rue, aller au cinéma ou au restaurant, toutes ces simples petites choses que les couples font quotidiennement, et bien moi, je n'étais même pas certaine de pouvoir les faire un jour... Je ne regrettais rien et les sentiments que j'éprouvais à son égard étaient intenses, mais ça me pesait suffisamment pour que je me pose quelques questions. Évidemment, nous allions tout mettre en œuvre pour nous voir durant l'été et profiter l'un de l'autre autrement qu'en passant nos journées au téléphone, mais c'était l'après qui me faisait peur. Comment est-ce qu'on allait réussir à tenir après avoir passé plusieurs semaines ensemble ? Je n'étais même pas certaine de réussir à sagement patienter jusqu'à l'été. Mais je n'allais pas avoir le choix. Alors à défaut de pouvoir me rendre à mon bal de promo avec lui, j'allais espérer pouvoir lui faire découvrir Los Angeles d'ici quelques jours voire peut-être même fusionner avec lui. Ou me glisser de façon très subtile dans sa valise au moment du retour. Je ne suis pas bien grande, je ne prends pas beaucoup de place, j'étais persuadée que ça pouvait s'avérer être une solution à mon problème.Pas sûre que mes parents approuvent, surtout mon père, ni veux de Royce, cela dit, mais ça se tentait, non ? Je penserais à lui soumettre l'idée dès demain, si je revenais vivante de ce maudit nal de promo.

Je n'ai pas envie d'y aller, je crois que toute ma famille est au courant et m'a, au moins, entendu le répéter une bonne vingtaine de fois durant la journée. Mais ils ont raison sur un point, je pourrais le regretter dans quelques années. Et je n'ai pas envie d'éprouver de regrets. Après tout, on ne vit ça qu'une seule fois dans sa vie et c'était, à la toute base, quelque chose de suffisamment important pour moi. Je n'aurais pas passer une éternité à choisir la plus belle des robes quelques semaines en arrière avec ma mère si ça n'avait pas été le cas. D'ailleurs cette dernière m'appelle depuis le rez-de-chaussée pour m'informer que quelqu'un m'attend et cette information refuse de faire sens dans mon esprit. Je n'attendais personne. Et je crois que je cesse de respirer quelques secondes quand, en arrivant en bas, mes yeux croisent une paire que je ne connais trop bien. Comment c'était possible ? Mon cerveau ne trouve aucune explication logique, en revanche mes jambes, elles, elles retrouvent comment fonctionner et je me jette dans ses bras, le serrant de toutes mes forces contre moi. Je sens ses bras se refermer dans mon dos et tête vient se poser sur son torse. Mes paupières se ferment et je profite simplement de l'instant présent, du bonheur de l'avoir auprès de moi. Je crois que j'allais avoir besoin qu'on me pince pour m'assurer que je ne rêvais pas. Puis mon visage se tourne dans sa direction et je lui demande si je peux l'embrasser. Sa réponse me fait sourire et je me hisse sur la pointe des pieds pour venir déposer mes lèvres contre les siennes. Ce que je ressens à cet instant bien précis est indescriptible. C'est comme me prendre une vague de sentiments en plein cœur. Nos lippes se séparent et je le sens reculer avant de me tendre le bouquet de fleurs qu'il tenait entre les mains. Je le récupère, humant leur doux parfum, me retenant de lui sauter au cou une seconde fois quand il me demande de m'accompagner au bal de promo. « Mille fois, oui. » je lui réponds, presque en miroir à ses propres mots prononcés un peu plus tôt, avant de rompre une nouvelle fois la distance pour l'embrasser. « Tu ne peux même pas savoir combien de fois j'ai rêvé de ce moment. » Le voir, pouvoir passer du empêcher avec lui, c'était déjà une chance incroyable. Mais qu'il soit là pour cette soirée si spéciale, c'était tout simplement inimaginable. « Mais je vais avoir besoin de quelques explications... Et du nom de tes complices. » Même si j'avais déjà ma petite idée sur le sujet.

On m’avait toujours dit de faire attention à qui je rencontrais sur internet. A ne pas trop en dévoiler, à pas aller à la rencontre des gens seuls. Être sûr de l’identité des gens. Sincèrement, quand j’étais tombé sur Judith, après quelques échange, grâce à cette correspondance entamée, je n’aurais pas du tout songé à ce que les choses prennent une telle tournure. C’était venu un peu comme ça. Sans que je ne m’y sois vraiment préparé. C’était plus qu’inattendu, que je finisse par craquer pour elle. Non pas qu’elle n’avait pas d’atout en sa faveur, bien au contraire. Mais la distance, et puis on était jeune, on avait le temps de tomber amoureux vraiment. Mais le temps avait passé, et j’avais eu de plus en plus de mal à me passer d’elle, de nos conversations, malgré ce maudit décalage horaire, qui nous empêchait parfois de communiquer autant qu’on le voudrait. J’étais doucement tombé sous le charme de ses mots, de ce caractère délicat, si unique. De sa personnalité si singulière. D’elle, de ce qu’elle était toute entière. Ça m’avait fait peur au début. Je m’étais rapidement dis que ça ne fonctionnerait peut-être pas. Qu’on était peut-être fait que pour une petite amourette de passage. Mais non. Plus le temps passait plus c’était fort. Plus l’envie de la serrer dans mes bras, d’avoir sa main dans la mienne, se faisaient présentes. J’avais besoin de lui dire de vive voix, et en personne, combien mes sentiments à son égard étaient vrais, et sincère, pas seulement du domaine des messages et des appels. Si on nous avait tous éduqué sur les dangers du net, on ne nous avait pas prévenus que certaines rencontres pourraient peut-être changer toutes notre vision des choses. Ni même qu’un jour, on sera là, à traverser un océan, pour surprendre celle que l’on aime avec une douce surprise. Moi-même, en le vivant, j’avais du mal à réaliser l’ampleur de ce que j’étais en train de faire, et à quel point ça pouvait sonner fou. Mais j’étais le plus heureux de la terre, je ne pensais pas à l’après. Je voulais juste vivre le moment présent. Me présenter à sa porte, et la serrer dans mes bras.

J’avais cru comprendre que c’était important tout ça, pour elle, et je voulais absolument me tenir aux traditions, je m’étais renseigné, et le tout avec l’aide de son frère, pour m’aider à organiser tout ça. Plusieurs fois, ça m’avait brûlé les lèvres de lui dire, de la prévenir. Quand elle m’en parlait, au téléphone, en me disant qu’elle n’était pas sûre d’y aller, que la plupart de ses amies iraient accompagnées, je pouvais entendre son désarroi au son de sa voix. Je m’étais alors promis de tout tenter. Que peut-être ça pourrait passer. Que les adultes comprendraient ma démarche, que je réussirais à convaincre autant mes parents que la famille de Judith que c’était une vraie bonne idée, et que je n’étais pas là pour lui faire du mal, loin de là. Et ça avait fonctionné. J’étais là, devant sa porte, à l’attendre, fleurs à la main, pour l’emmener au bal. Quand je l’aperçois sa réaction me tire un sourire amusé. Je pense que si elle avait débarqué comme ça chez moi, j’aurais sûrement eu la même. Elle est encore plus jolie en vrai que sur les écrans. J’ai l’impression de la redécouvrir. Finalement après une demande de sa part, nos lèvres se rencontrent enfin. Dans ma tête, dans mon cœur c’est le feu d’artifice. Ça explose de partout, c’est indescriptible. Complètement incroyable comme sensation. Puis le moment prend fin, et j’en redemanderais presque. Je devais cependant l’inviter officiellement. Sa réponse fait grandir le sourire sur mon visage, et je l’étreins à nouveau. « Et moi dont… Mais on y est, et on va pouvoir profiter à fond. » Je souffle doucement, en relâchant ma prise, sans la lâcher. Je voudrais ne jamais avoir à la lâcher. J’y ai pris goût, ça y est. Sa question me tire un petit rire amusé. « C’était pas de tout repos. » Je commence, le regard pétillant. « J’ai eu cette petite idée après qu’on ai discuté de ton bal de promo. Et disons que j’ai mis toutes les chances de mon côté en faisant appel à Jack et à ta maman. » J’avoue dans un sourire on ne peut plus immense. J’étais tellement fier de tout ça. Tellement fier de l’avoir là, dans mes bras, et de pouvoir rendre cette première rencontre et cette soirée inoubliable. « Et du coup, je serais là, un peu plus longtemps que prévu. » J’annonce finalement, à voix un peu plus basse, comme une confession, juste pour elle. Au loin, j’entends la voiture klaxonner. « Et je crois qu’on nous attends. Prête à partager cette soirée avec moi ? »

J'avais hâte de la faire danser, de découvrir son univers. De la serrer encore et encore dans mes bras. Maintenant que c'était possible.

Je n’avais jamais réellement trop su dans quoi je m’embarquais et parfois, je me demandais si j’en avais réellement conscience. Je n’avais jamais eu de petit-ami, ça ne m’avait jamais vraiment intéressé, à vrai dire. Puis j’avais rencontré Royce, sur ce forum et les choses s’étaient faites, le plus simplement possible. On avait passé des nuits entières à discuter de tout et rien, à se raconter nos vies, pimenter par des coutumes différentes, à s’écouter parler de nos pays respectifs, toujours dans le plus grand des intérêts. J’avais de lointaines origines européennes, belges et serbes, plus précisément, mais je n’avais jamais eu l’occasion de quitter le sol américain et lui ne connaissait des États-Unis que la représentation plutôt cliché (encore que, nous n’étions pas si loin de la réalité) des séries pour adolescents que nous pouvions retrouver sur Netflix. Je crois qu’on s’était, dés le début, fait la promesse de faire découvrir à l’autre notre pays natal, si l’occasion se présentait. Une amitié solide était née, jusqu’à ce que cette dernière se transforme et me fasse ressentir ce que je n’avais jamais éprouvé pour qui que ce soit d’autre auparavant. Je m’étais retrouvée projetée dans un tourbillon de sentiments que je ne comprenais pas vraiment et que je refusais d’avoir. Tomber amoureuse de quelqu’un qui habitait de l’autre côté de l’océan, ça me semblait inenvisageable… Et pourtant, on ne pouvait pas choisir de qui on tombait amoureux. Alors on avait tenté, en sachant pertinemment que la distance ne faciliterait pas les choses. Pourtant, ça m’avait souvent paru normal, de l’aimer ainsi, avec tous ces kilomètres qui nous séparaient, parce que nous n’avions connus que ça. Jusqu’à ce que son absence ne vienne m’enserrer le cœur. Moi aussi, je voulais pouvoir m’endormir et me réveiller dans ses bras, marcher à ses côtés, nos doigts entremêlés, découvrir la sensation de ses lèvres sur les miennes. Mais je ne pouvais qu’attendre. Attendre que l’été arrive, que nous puissions enfin réaliser cette promesse faite peu de temps après notre rencontre et lui faire visiter tout ce que la Californie avait de magiques. Sans jamais lâcher sa main.

Je n’arrivais pas à croire qu’il était là, qu’il avait prit l’avion pour me retrouver en cette soirée si spéciale et que j’allais pouvoir partager avec lui. Je m’étais forcée, pendant des jours, à me dire que le bal de promo ne représentait rien à mes yeux, que ce n’était qu’un stupide événement comme un autre, alors qu’au fond, j’en avais rêvé depuis mon entrée au lycée. Je savais qu’il ne serait là que pour quelques jours, avant de devoir retourner au Pays-Bas, finir son année d’études et sûrement passer quelques examens, avant de me revenir pour l’été, mais sa présence comblait déjà le vide immense que je ressentais dans mon cœur. « Je veux immortaliser ce moment jusqu’à ce que la mémoire de mon téléphone rende l’âme. » je souffle contre ses lèvres avant de finir me blottir une nouvelle fois dans ses bras. « Et me souvenir pour l’éternité de tout ça… » Nos baisers, nos étreintes, ses bras autour de ma taille, de notre première danse. Tout. Mais avant de partir pour le lycée, j’ai besoin de savoir comment il s’y est prit et par quel miracle il avait réussi à convaincre mes parents. Enfin, je me doutais que pour mon père, ma mère avait dû s’y prendre à plusieurs fois pour qu’il accepte de laisser sa fille avec un parfait étranger. Un sourire vient étirer mes lèvres quand il m’annonce le prénom des coupables et je tourne légèrement la tête derrière moi pour apercevoir ma mère qui se tient un peu plus loin, dans l’encadrement de la porte du salon. Je lui murmure un ‘Je t’aime.’ avant de reposer mon regard sur le visage de Royce. « Jack a forcément dû trouver ça horriblement mignon et couiner pendant de longues minutes quand tu lui as expliqué ton idée. » Il avait choisi le bon frère pour soumettre son plan. Kai avait hérité du côté surprotecteur de notre père. Malheureusement. « J’ai hâte de te faire découvrir la cité des anges. » je murmure en réponse à sa confession. J’entends klaxonner à l’extérieur, et je me hisse légèrement sur la pointe des pieds pour observer la voiture et Jack, évidemment, qui nous attend pour nous conduire à destination. J’étais persuadée qu’il prenait ce rôle très à cœur, tel un parfait Cupidon. « Plus prête que jamais. » je réponds en récupérant le châle assorti à ma robe, ainsi que mon sac. Puis avant de quitter la maison, ma mère nous arrête pour nous prendre en photo et je crois que mon sourire illumine toute la pièce, tant je suis heureuse à cet instant. Mon père fini par nous rejoindre, les bras croisés sur son torse avec ce petit air boudeur qui lui allait si bien, ce qui, en toute franchise, m’amuse beaucoup. Je m’approche de lui avant de le serrer dans mes bras, déposant un baiser sur sa joue, avant de faire de même avec ma mère. « Je serais prudente, promis. Et je vous aime à la folie. » Puis je rejoins Royce, acceptant le bras qu’il me tend, regagnant la voiture dans laquelle nous nous installons.

Je voulais que le temps s’arrête. Que cette soirée dure éternellement, jusqu’à la fin des temps.

J’aurais pu garder longtemps, ces sentiments tapis dans le fond de ma cage thoracique, me dire que c’était qu’une passade ou une folie. J’avais pourtant tout de suite compris qu’on était loin de tout ça. Que quoi que je fasse, j’aurais du mal à taire ce que je ressentais, malgré le fait qu’elle vivait à des milliers de kilomètres de moi. Que la moitié de la planète nous séparait, que nous n’avions encore aucune certitudes de nous rencontrer vraiment un jour. Je me souvenais encore de ce jour de janvier, où une nouvelle fusillade dans un lycée américain avait fait la une de la presse mondiale. Encore un évènement tragique qui avait coûté la vie à de trop nombreux adolescents et jeunes adultes. Je me souvenais encore de la peur dans mon ventre ce jour-là. Le lycée en question, était celui où étudiait Judith. Je n’avais jamais eu aussi peur de perdre quelqu’un à qui je tenais que ce jour-là. Et c’était peut-être ça qui m’avait poussé à parler, dans le fond. La peur. Me dire que d’accord, elle était loin, mais ce que je ressentais à son égard était légitime. Qu’il ne fallait pas que j’ai peur de me lancer, ça valait peut-être le coup. Je n’avais jamais pris de meilleure décision. Aujourd’hui, nous tissions la plus belle des relations, bien que le manque parfois s’invite à la partie, ainsi qu’une certaine pointe de jalousie. Elle s’immisçait parfois dans ma poitrine, lorsque certains de mes amis serraient leurs petites amies dans leurs bras, lorsqu’ils parlaient de sortir prendre un chocolat chaud ensemble, ou de prendre le temps de parcourir la ville à vélo. Moi je n’avais pas encore eu l’occasion de serrer Judith contre moi, de pouvoir humer l’odeur de son parfum, lui proposer de jolies balades. Il nous avait fallu attendre, être patient, se contenter de milliers de messages, de photos, d’appels vidéo jusqu’à tard dans la nuit. Puis la rejoindre m’avait semblé comme une évidence. La surprendre pour une si belle soirée, et qui, je le savais, comptait vraiment pour elle, malgré ce qu’elle pouvait bien prétendre. Je n’aurais voulu vivre cela avec et pour personne qu’elle. L’amour que j’avais pour elle me donnait les ailes suffisantes pour me convaincre que je prenais les bonnes décisions.

J’avais beau avoir organiser ça avec de l’aide, depuis plusieurs semaines, je peinais encore à réaliser que j’avais vraiment foulé le sol américain en avance. Pour quelques jours certes, avant de rentrer à Amsterdam, pour finir mon année, mais j’étais là. Je pouvais la serrer dans mes bras. J’allais pouvoir l’accompagner, passer de longs moments à ses côtés. Graver la magie de nos premiers instants palpables ensemble dans le fond de ma mémoire à jamais. Je mesurais la chance que j’avais, en cet instant précis. Pouvoir l’admirer dans une tenue qui lui allait à merveille, son visage de poupée blotti contre moi. Je doutais qu’il puisse y avoir plus chanceux que moi. « On prendra autant de souvenirs que tu le voudras. » Je murmure dans un sourire, avant de resserrer ma prise sur sa taille, dans une énième étreinte dont je me gorge. « Je ferais n’importe quoi pour qu’on oublie jamais. » Je voulais, moi aussi, garder cet instant en mémoire, pour le reste de ma vie. Je n’étais pas sûr qu’il puisse y avoir de plus belle rencontre que celle-ci. Puis finalement sa curiosité se porte sur comment j’avais bien pu me débrouiller pour arriver ici ce soir, ainsi que mes petits indics sur place. Je lui explique tout simplement comment son frère et sa maman m’avaient été d’une grande aide. Sans eux, je n’aurais sûrement pas pu m’en sortir et cette soirée n’aurait pas eu lieu. Ma propre mère avait même eu l’occasion de prendre contact avec la mère de Judith, juste par sécurité. Je ne partais pas à l’autre bout de la ville, mais bien du monde, c’était quand même quelque chose. « Tu n’imagines pas à quel point. Je ne pensais pas que quelqu’un pouvait fondre à ce point. » Je rajoute dans un rire léger. Il avait approuvé mon idée tout de suite. Nous en avions longuement parlé et discuté, je lui avais demandé de nombreuses informations pour être sûr de faire les choses dans les règles de l’art, si bien que même nos tenues s’accordaient. « J’ai hâte de découvrir ta ville à tes côtés. » Je souffle à mon tour avant que le klaxon de la voiture de Jack ne retentisse dans notre dos. Elle rassemble ses affaires et alors que l’on s’apprêtait à partir, sa maman nous arrête pour capturer notre toute première photo officielle. Celle dont on se souviendra toujours. Elle embrasse son père sur la joue, ainsi que sa mère avant de me rejoindre et d’accepter mon bras, tandis que son père nous donne la permission de minuit. Ce que j’approuve d’un hochement de tête et d’un Bien, monsieur Van Acker, avant d’aller à la voiture qui nous emmène à la soirée.


Je ne me suis rarement autant amusé que ce soir-là. J’ai pu faire la rencontre de certains proches de Judith, que je n’avais jamais vu aussi rayonnante qu’en cet instant. Les réactions avaient été partagées entre sourire, joie et couinements de la part de ses copines. Nous avions passé la soirée entre danses, photomaton, selfies, et petits fours. Mon cœur lui, était gorgé d’un amour que je n’avais jamais ressenti auparavant, puissant, immense, presque dévastateur. Je n’avais vu qu’elle ce soir. Je crois n’avoir pas été aussi heureux de toute ma vie. Je remerciais grandement ma bonne étoile, de m’avoir permis de trouver une si belle personne et d’avoir enfin pu, être à ses côtés. Même si la nuit nous sépare, sous les ordres de son père, je sais qu’au petit matin, nous nous retrouverons, et ça, c’est le plus beau cadeau que l’on a pu me faire. Je l’aimais, d’une force que personne ne pouvait même imaginer. J'étais enfin sûr d'avoir fait le bon choix. Ce n'était pas qu'une amourette. C'était plus que ça. J'en avais la confirmation.