Dance cam between meals | Blary #2

Des esquisses de dessins, des crayons jetés par-ci par-là, l’un qui se trouve entre mes dent, un autre glissé dans le creux de ma tempe, retenu par mon oreille, et un dernier entre les mains. J’essayais de poser des traits, sur les aspirations de mes clients, de répondre à ce qu’ils avaient couchés sur le papier, lors de notre premier rendez-vous, mais j’ai la tête ailleurs, je n’arrive à rien, rien de ce que j’imagine, ne prends vie comme je le voudrais, du moins sur le papier. Les traits ne sont pas droits. Les dimensions ne correspondent pas toute à l’échelle que j’avais imaginé. Bref, rien ne va dans le bon sens. Je crois que mon esprit n’est pas totalement focalisé sur mon travail, et je crois que j’en connais la raison. La raison, elle tient en quelques messages échangés, et un rendez-vous donné, il y a quelque jours, pour ce soir. Je ne suis qu’à quelques heures de ce fameux premier rendez-vous avec cette femme que je trouvais absolument incroyable, rencontrée à l’improviste, tout en allant voir Taz, à son travail. Je ne m’étais certainement pas attendu à ce que l’on finisse par se revoir, bien que je l’eusse espéré, je tenais à la remercier de m’avoir guidé dans les couloirs incessants, et si ressemblant, des studios Warner, où j’avais dû retrouver ma meilleure amie, qu’au final, je n’avais pas vu si longtemps que ça, le travail l’appelait, et elle avait rapidement dû retourner à son poste, tout en me faisant promettre, de l’emmener diner, un de ces jours, pour tout lui raconter. Bien évidemment, rien n’échappait jamais à Taz, et surtout pas les regards échangés entre la brune et moi, avant qu’elle ne retrouve son poste de travail, des mètres plus loin, dans une pièce avec un acteur qui n’avait décemment aucune conscience professionnelle, pour l’avoir fait attendre si longtemps. Il n’en reste pas moins, que j’ai subi l’interrogatoire du siècle, et j’ai été obligé de cracher le morceau, pour être sûr qu’elle n’insiste pas plus que ça.


Finalement, j’avais gardé le contact avec la brune, quelques messages, par-ci par-là, pour discuter un peu, tenter de fixer un moment pour se voir, et surtout, trouver un moment qui coïncide entre nos deux emplois du temps. Le cinéma était un monde complexe, et je l’apprenais au fur et à mesure aux côtés de Taz. Aux côtés d’Aurora aussi, cela dit. De mon côté, c’était plus à gérer, entre les moments que je tenais à accorder à mes parents et à ma petite sœur. Ceux que je voulais passer avec Taz, et puis finalement, les dîners que je partageais avec des clients, pour parler uniquement business, très souvent. On avait finalement, trouvé un accord sur une date, et j’étais tellement stressé, de voir peut-être cette date s’annuler, ou de tout ficher en l’air. Je sentais qu’il y avait une petite connexion, et j’aimais bien, sa manière d’être un peu maladroite, c’était particulièrement délicat, et le rouge de ses joues lui allait vraiment bien. J’avais vraiment envie de la voir. Un soupire m’échappe, alors que je dépose tous les crayons sur ma table, et la range correctement, j’éteins les lumières, et range mon tabouret, avant de passer une main dans mes cheveux blonds, las. Je prends ma veste, et la bascule sur mes épaules. « Tu t’en vas ? » Me demande Hops, mon associé. « Je dois partir plus tôt. Je te laisse fermer le cabinet en partant. Tu glisses la clé dans la boîte aux lettres ? » Un signe de tête, et des salutations, et je ferme la porte derrière moi, glissant une paire de lunettes de soleil sur mon nez, avant de partir, au volant de ma voiture, pour aller me requinquer, et me changer surtout.

Je croise rapidement mes parents, qui partaient quelque part eux aussi, et Lennon n’était pas là ce soir, partie je ne sais où avec je ne sais qui, elle faisait bien du mystère ces derniers temps. J‘entends ma mère me souhaiter une bonne soirée et je le leur rends, dans un sourire, avant de grimper à l’étage, et d’aller me rafraîchir rapidement. Je ressors de l’immense maison, quelques temps plus tard, les cheveux en arrière, une chemise et une veste sur le dos, au volant de ma voiture, tout en envoyant un message à Rory, juste histoire de confirmer l’adresse, et d’être sûr, en même temps, qu’elle viendrait toujours. Je me gare finalement devant un restaurant un peu chic et lounge, que j’avais découvert au cours de nombreux dîner d’affaires. L’ambiance y est toujours bien, et on serait tranquille ici, pour discuter et continuer à faire connaissance. D’autant que la nourriture, était terriblement bonne. Rapidement, je m’avance près de l’entrée, avant de croiser le visage délicat de celle que j’avais attendue de revoir. « Bonsoir Rory. » Je souffle, dans un sourire. J’étais vraiment impatient de savoir l’issue de cette soirée. « J’espère que tu as faim. »




           

« Tu pars bien tôt, Rory. Tu as quelque chose de prévu ce soir ? » Mes yeux glissent jusqu'à Nick, dont seul le haut du corps apparaît dans l'entrebâillement de la porte. Et je me rends compte que ça fait bien dix minutes que je regarde dans le vide, ma veste déjà enfilée, mes mains entourant mollement la lanière de mon sac. De plus, l'insinuation qui découlait des paroles du blond ne fait qu'accentuer la chaleur déjà présente sur mes pommettes. « ...Oui ? Je- Je suis invitée à dîner. » je bégaie, baissant la tête pour tenter de cacher mes joues derrière quelques mèches de mes cheveux. Mon coeur pulsait puissamment dans ma poitrine et sentir le regard perçant de mon collègue sur mon visage n'aidait pas du tout. « Ah oui ? C'est le bellâtre de la dernière fois ? » Est-ce qu'on peut physiquement mourir d'embarras ? Parce que j'avais l'impression de passer à un cheveu de la combustion spontanée. Nicholas s'amusait un peu trop à mes dépends depuis que ledit bellâtre était apparu dans la loge réservée aux maquilleurs, une dizaine de jours auparavant. La nouvelle de ma bourde avait fait le tour des lieux et j'avais eu le droit à quelques accolades rieuses quant à mon erreur sur la personne. Quand j'y repensais, j'avais envie de me cacher dans un coin et me rouler en boule. J'avais réussi l'exploit de confondre un illustre inconnu avec une célébrité, sans même chercher à réfléchir. « Blake. Il s'appelle Blake. » je susurre, du bout des lèvres. Simplement revoir son visage aux traits débordants de charisme et la douceur de son regard posé sur moi suffisait à me faire frissonner. Mais je ne savais toujours pas si accepter son invitation à diner était une bonne idée. Au fond de moi, j'avais envie de le revoir parce qu'il avait réussi à m'intriguer assez pour le vouloir. Pourtant, je ressentais toujours cette appréhension habituelle, cette gêne, cette peur de me perdre à nouveau, de refaire les mêmes erreurs. « Je- Je vais y aller. » je souffle, prenant mon courage à deux mains pour me redresser et le rejoindre à l'entrée du local, le dépassant en rentrant ma tête dans mes épaules. Avant de me figer en l'entendant dans mon dos, mordillant ma lèvre inférieure, les joues cramoisies. « Bonne soirée, Rory. Amuse-toi bien avec Blake. » Je presse le pas pour mettre autant de distance que possible avec ce polisson qui prenait un malin plaisir à m'asticoter, sillonnant dans les couloirs pour rejoindre l'extérieur.

Et je me fais l'effet d'une collégienne à son premier rendez-vous quand j'atterris finalement devant mon psyché. Le châtain m'avait prévenu en amont que le restaurant possédait un certain standing et je me retrouve à déblayer ma penderie pour trouver quelque chose à la hauteur de ses espérances. Je me faisais l'impression d'être une souillon, à côté. Ma garde-robe était essentiellement "pratique" à cause de la quantité de maquillage, peinture ou latex que je pouvais déployer pendant mes heures de travail. Je ne sortais que rarement, préférant la quiétude de mon appartement. Mais l'éclat irisé d'un blazer me fait froncer les sourcils et je tends le bras pour attraper le cintre qui repose au fond de l'armoire. Un léger sourire étire mes lèvres et je hoche la tête face au vide avant de me mettre en action. J'optais pour la sobriété, déjà mal à l'aise à l'idée de porter quelque chose qui attirait l'oeil sur ma personne. Mes cheveux sont rassemblés en un chignon dont dépassent quelques mèches bouclées, mes yeux délicatement maquillés et mes lèvres peintes d'une teinte légèrement plus sombre que ma carnation naturelle. Mon téléphone vibre au moment où je ferme la porte de chez moi, glissant mon sac sur mon épaule avant de rejoindre ma voiture, juchée sur de petits talons. Je voulais éviter de me rendre ridicule en marchant sur des échasses qui ne me ressemblaient pas et qui allaient être davantage humiliante que seyantes, du moins sur moi.

Par chance, l'adresse n'était pas située très loin de mon immeuble et je file, atteignant le parking et me garant avant de réduire la distance jusqu'à l'entrée du restaurant. Mes yeux glissent sur la façade extérieure, déglutissant devant la sobriété et la prestance qui en émanait. Je n'étais allée dans ce genre d'endroit et je redoutais un peu de faire tâche dans le paysage. Et mon coeur rate quelques battements en apercevant la silhouette de Blake qui se dirige vers moi. Au secours. Il était encore plus beau que la première fois. Misère. « Bonsoir... » je susurre d'une voix faible, retrouvant la chaleur familière dans le creux de mes pommettes. Mes yeux crevaient d'envie de se poser sur son visage pour me gorger de ses traits mais je me sentais tellement intimidée que je ressentais également l'envie de m'arracher à cette contemplation. J'espère que tu as faim. Un grondement qui m'arrache un glapissement de gêne lui répond et je plaque machinalement mes mains sur mon estomac, rougissant encore davantage. « Désolé. » je couine, en baissant la tête. Je n'avais rien mangé depuis mon petit-déjeuner frugal, pétrie d'anxiété à propos de ce diner. Mais mon ventre criait famine et le simple fait de le mentionner avait suffi à le rappeler à l'ordre. « Un peu ? » je lâche, penaude avant de me raccrocher à mon sac à dos pour reprendre contenance. Comme si j'étais convaincante. Il se propose de me guider et je le suis, l'observant ouvrir galamment la porte avant de me figer en sentant sa main se poser doucement dans mon dos pour me montrer la voie. Je lui jette un regard en coin avant de continuer à avancer dans le hall où un serveur habillé d'un costume sur-mesure prend le relai, nous accompagnant jusqu'à notre table après mention de la réservation. Kinsella. Ce nom me disait vaguement quelque chose mais je n'arrivais pas à remettre alors je secoue la tête, hochant la tête à la chaise qui m'est tirée. « Merci. » Puis il s'assoit à son tour et je l'observe quelques secondes avant de détourner le regard pour analyser l'environnement qui nous entoure. Tout est sobre et minimaliste mais étonnement chaleureux, je m'étais attendue à une atmosphère plutôt froide ou rigide mais il n'en est rien et je suis surprise en bien. Je me sentais plutôt à l'aise, ce qui était rarement le cas dans un espace plein de monde. « C'est...agréable. Tu es déjà venu ici ? » je l'interroge, du bout des lèvres.

La seule chose qui m'intimidait encore, c'était le poids de son regard ourlé de longs cils, totalement focalisée sur ma modeste personne. Et je ne savais pas si j'allais réussir à survivre à ça.    
         

Jusque-là, je ne m’étais jamais vraiment focalisé sur les relations, ce n’était pas forcément ce que je voulais. J’avais mon travail, ma famille, ma meilleure amie. Le reste n’était pas très très intéressant. J’avais la vie pour me poser, et réfléchir à établir quelque chose de sérieux. Je n’avais à me poser aucune question, je flirtais, et ça m’allait parfaitement comme ça pour le moment. C’était plus le truc de ma petite sœur, qui semblait avoir des petites affaires en cours avec un nouveau garçon. Il n’en reste pas moins que cette fille que j’avais rencontré la dernière fois, m’avait sincèrement tapé dans l’œil, et je n’avais même pas résisté à l’envie de la revoir. D’autant que je lui avais promis de lui payer un café pour me faire pardonner de l’importune que j’avais crée dans les loges l’autre soir. Finalement, il n’en était rien, puisque j’avais préféré l’inviter à dîner directement. C’était peut-être un poil plus formel, mais au moins, je pouvais passer du temps avec elle, pour apprendre à la connaître, ailleurs qu’à quelques mètres de ma cousine et meilleure amie, qui pourrait clairement venir fouiner, et parler plus qu’elle ne devrait. No offense. J’adore Taz. C’est la personne qui compte le plus dans ma vie. Mais tout de même. Je préférais de loin lui raconter comment la soirée c’était passée plus tard. L4entendre couiner au téléphone, plutôt qu’en direct. Même si je n’étais pas naïf, je savais que j’allais écoper des regards de l’entièreté de mon entourage, du moins, du côté féminin de celui-ci. Ma mère, ma sœur, ma meilleure amie. On aurait pu me donner plus de représentations masculine, dans mon entourage proche, quand même. Bien que celui qui était mon père, valait mille hommes. Il avait juste tendance à être moins curieux, et plus protecteur. Encore plus quand il s’agissait de ma petite sœur. Mais il nous aimait tous les deux de la même manière, et il aimait notre mère, sûrement encore plus. J’espérais vivre quelque chose d’aussi beau, à l’avenir. Ils sont un exemple, malgré ce par quoi ils ont pu passer. Aujourd’hui, je tentais peut-être ma chance pour mon destin. Ce a quoi, si on me l’avait dit, il y a quelques semaines, je n’aurais sûrement pas cru. Comme quoi, une rencontre peut tout changer.

J’avais fais tous les efforts du monde pour être présentable ce soir, mais je n’ai l’air de pas grand-chose comparé à la beauté qu’elle reflète ce soir. Elle est habillée sobrement, mais ça fait ressortir toute sa simplicité, sa fraîcheur, sa sobriété. Elle avait quelque chose qui lui donnait une beauté naturelle, presque frappante. Charmé. Ses joues se teintent de rouge et me tirent un sourire à peine dissimulé. Je l’interroge sur sa présence d’appétit, mais si ce n’est elle qui réponds, c’est son estomac, et ça, très franchement, ça me tire un rire amusé, tant c’était inattendu. « C’est pas grave, ne t’en fais pas. » Je réponds presque immédiatement, avant de rajouter. « Allons dîner dans ce cas. » J’ouvre la marche, et lui libère le passage en tirant la porte devant elle. Je glisse une main dans son dos pour la guider à l’intérieur, plus par reflexe, que dans le but d’établir un contact physique, mais je la sens se raidir quand même. On se présente à l’entrée, et je m’avance à la hauteur du maître d’hôtel. « Bonsoir ! J’ai réservé une table pour deux, au nom de Kinsella. » J’annonce, avant que l’on nous guide jusqu’à notre table, où je m’attèle à lui tirer sa chaise. J’avais été assez bien élevé, et le tout, dans le plus grand respect et l’honneur de la femme. Je finis par m’installer face à elle, le sourire aux lèvres. J’étais ravi d’être là avec elle. « Je suis déjà venu oui, mais plutôt pour des dîners professionnels. Mais j’apprécie l’ambiance de cet endroit. » Je confie. J’y avais même emmené Lennon, quand je l’embarquais diner dehors, certaines soirées où nos parents sortaient pour dîner de leur côté. « Je suis vraiment content que tu aies accepté de partager ce dîner avec moi. Ca me faisait plaisir, de te revoir. » Je prononce, un sourire dans la voix, avant que l’on nous apporte les différentes cartes. Je remercie le serveur, et ouvre ce dernier. « Tu veux boire quelque chose ? » Ce soir c’était moi qui régalait, et je voulais que tout soit parfait.

           

Pourquoi moi ? C'est une question qui résonnait régulièrement dans ma tête quand je pensais à Blake. Et vu qu'il semblait s'y être invité plus longtemps que je ne le pensais, cette réflexion restait tapie dans un coin, dans l'attente d'être élucidée. Je n'avais rien de spécial, je n'étais qu'une petite fourmi qui tentait de trouver sa place dans la fourmilière. Je vivais paisiblement, sans faire de vagues. Rien de très scintillant, rien d'extravagant. À côté de lui, j'étais parfaitement banale. Et je n'avais jamais pensé le revoir après cet instant farfelu dans la loge des maquilleurs. Pourtant, il s'était rapidement rappelé à moi et j'avais senti mes jambes trembler au son de sa voix grave résonnant dans le combiné de mon téléphone. Et le café s'était transformé en diner, subitement, sans me laisser le temps de m'y préparer. Manger ensemble, ça voulait dire passer du temps l'un avec l'autre, se découvrir, s'appréhender et je ne savais pas si j'avais suffisamment de force pour y survivre. J'avais peur de refaire les mêmes erreurs, de m'embourber là-dedans et de finir par suffoquer. Je n'arrivais pas à empêcher une sorte de méfiance de s'installer dans ma poitrine, pour me préserver. Je ne voulais plus m'oublier comme j'avais pu le faire, espérer quelque chose qui s'était avéré être à sens unique. De toute manière, je me faisais certainement des films. Il ne faisait ça que pour se faire pardonner de la dernière fois. Et je commençais à tirer des plans sur la comète pour rien. Je m'exhorte au calme, les yeux dardés sur mon reflet dans le miroir. Inspirant profondément avant de contempler le capharnaüm qui régnait après mon passage dans ma penderie. Est-ce que c'est un désastre ? Oui. J'en étais presque à me résigner quand mes yeux accrochent un tissu luisant, légèrement métallisé. Un soupir de contentement m'échappant en glissant mes doigts le long des manches de ce blazer que je n'avais porté qu'une seule fois. Puis je ferme les yeux et je me donne un coup de pied aux fesses mental pour me pousser à me préparer, le coeur battant sourdement dans ma poitrine.

C'est tout aussi anxieuse que je rejoins le restaurant, mes petits talons résonnant sur le bitume. Mes yeux accrochent la devanture et je m'arrête quelques instants pour observer l'atmosphère chic qui se dégageait du lieu. Je n'étais pas habituée à ce genre d'endroit, d'un standing bien plus haut que le mien. Et mon malaise s'accentue en voyant la silhouette de Blake s'avancer dans ma direction. Il est beau. C'est la seule chose qui me traverse l'esprit à cet instant. Il respirait la fraîcheur et l'assurance, il rayonnait. Je détourne le regard à son approche, incapable de me confronter à son regard. Vient la cerise sur le gâteau avec mon ventre qui gargouille férocement pour lui répondre et j'ai juste envie d'aller m'enterrer dans le trou le plus proche. Super. Je me fais l'effet d'une paysanne en guenilles dans un palais en cristal et je passais pour une morfale. Mais je relève les yeux à son rire léger, les joues rouges. Mais il n'en fait pas une affaire, tel un parfait gentleman et me guide jusqu'à notre table. Moi j'essaye de ne pas frémir à chaque seconde, sa main créant une agréable chaleur dans le creux de mon dos. Mes pommettes rosissent davantage en le voyant tirer ma chaise et je m'assois distraitement dessus, mes yeux quadrillant toute la pièce. Pour admirer le décor et aussi pour éviter de sentir le poids des siens posés sur moi. « Je vois. » je souffle, en mâchonnant l'intérieur de ma lèvre inférieure par habitude. « C'est très calme, oui. » je rajoute, en hochant la tête pour appuyer mes paroles. Et distingué. Tout le contraire de moi. Je m'attendais presque à manger avec des couverts en argent massif, incrustés de pierres précieuses. Puis je me redresse à ses paroles, sentant mon battant rater quelques traîtres pulsations. Ça me faisait plaisir, de te revoir. Je n'arrive pas à me détacher de ses traits, de la douceur de ses yeux. Du sourire qui orne sa bouche. Il n'y a rien d'autre qu'une profonde vérité dans ses mots. Et je ne sais pas comment l'appréhender. Parce que c'est quelque chose de nouveau, d'inattendu. Mes joues me paraissent brûlantes, comme si un incendie s'y était propagé. Et mes doigts viennent s'entremêler sous la table, jouant un air de musique fantôme pour m'aider à m'astreindre au calme. Il voulait passer du temps avec moi. Mon coeur tressautait dans ma poitrine et je déglutis vivement avant de répondre. « ...moi aussi. » je murmure, en baissant les yeux sur la table préparée pour nous.

Quelques secondes passent et un serveur vient finalement jusqu'à nous, me laissant un instant pour reprendre mes esprits. Même si je sentais régulièrement les coups d'oeils de Blake aller et venir dans ma direction, créant quelque chose d'étrange dans le creux de mon ventre. Mes iris parcourent la carte qui m'avait été précédemment tendue, mes dents venant triturer à nouveau ma lèvre. Et je guette la réaction du châtain de temps à autre, en essayant de me décider. Je finis par prendre une courte inspiration. « Je veux bien un verre de vin rouge. » je souffle d'une petite voix. Le garçon me jette un regard et je pique un autre fard, ne sachant plus oÙ regarder. « Une préférence, mademoiselle ? » Et ma réponse fuse, plus pertinente que jamais au milieu de ces semblants de bégaiements. « Un Cabernet Sauvignon ou un Merlot, si vous avez. » je rajoute avant de me recroqueviller légèrement sur ma chaise. « S'il vous plaît. » Je ne pouvais pas m'en empêcher. Avoir des parents vignerons, ça m'avait formée à la dégustation de leur production. Et c'était bien la seule chose sur laquelle j'avais un avis bien tranché. Puis je reviens au visage de mon vis-à-vis, l'observant plus ou moins discrètement alors qu'il feuillette les propositions. Il se décide pour sa boisson et nous nous retrouvons à nouveau seuls, la gêne retrouvant doucement ses droits. Je finis par jouer avec les quelques bagues qui siègent sur mes doigts pour m'occuper l'esprit avant de reprendre la parole. Il avait pris la peine de m'inviter et je ne voulais pas tout gâcher à cause de mon manque de sociabilité. « Donc vous êtes de la famille de Tasnime ? » je l'interroge, en revenant aux événements qui avaient constitué notre rencontre. Je préférais l'entendre parler, être bercée par les accents profonds de sa voix. Il y avait quelque chose d'infiniment dans sa manière de s'exprimer. Et peut-être que ça allait me permettre d'en savoir plus à son propos, à défaut de réussir à me confier.

Parce que j'étais curieuse et que je voulais en entendre plus.
         

Aurora avait quelque chose de particulier. Un pétillement dans le regard. Comme une manière d’être tendre et délicate et en même temps terriblement intimidée par le monde qui l’entourait. Elle était d’une douceur incomparable et je crois même que ses joues qui rosissent avaient été un véritable atout charme. Elle n’avait pas quitté ma tête depuis notre première rencontre, aussi catastrophique et bancale fut-elle. Elle m’avait fait penser à une petite créature prise sur le fait et j’avais trouvé ça terriblement mignon. Ca m’avait valu les regards entendus de Tasnime, qui n’avait pas hésité à longuement me parler d’elle et a vanter les mérites de la jeune femme avec qui il lui arrivait de travailler. D’un café je l’avais ensuite invitée à partager un dîner en ma compagnie. Je voulais apprendre à la connaître vraiment. Passer un peu de temps avec elle. Tenter de la comprendre et de l’apprendre. J’étais curieux, réellement. D’autant qu’il fallait à tout prix que je me fasse pardonner. Petit détail pour le contre temps de l’autre jour. L’important était de la connaître un peu plus, avant tout. Lorsque je l’aperçois, ça bouscule tout ce à quoi je m’étais attendu, elle était encore plus belle que je n’aurais pu l’imaginer. Son visage est délicatement souligné et sa silhouette parfaitement mise en valeur, avec la petite touche d’originalité dans les reflets métalliques de sa veste. Qu’elle était jolie. Sobre mais magnifique et je ne suis certain qu’elle n’en mesure pas l’intensité. Je la salue poliment avant de lui demander si elle a faim et je crois que le gargouillis de son ventre, n’est que la meilleure des réponses à mon interrogation. Nous entrons dans le restaurant et sommes rapidement guidés jusqu’à notre table où elle s’installe face à moi, le visage empourpré qui lui donne une allure de poupée. « Ca l’est. Je l’ai découvert par hasard et c’est toujours un plaisir d’y venir. » Encore plus quand j’avais la chance d’être en plutôt bonne compagnie, autre que celle que représentaient parfois le travail ou les femmes de ma famille. Femme que j’admirais et respectaient pour leur force et leur courage. Je finis par lui avouer que j’étais vraiment ravi de pouvoir passer la soirée avec elle. Qu’elle ait accepté m’avait vraiment rempli de joie. Pas que je m’attendais à un refus mais elle aurait pu me dire qu’elle souhaitait que l’on se rencontre dans un cadre moins formel. Quant à moi, j’appréciais la spontanéité du moment, bien que son regard se fasse fuyant et que je ressente l’anxiété dans le moindre de ses mouvements. J’espérais qu’elle pourrait se sentir à l’aise lors de cette soirée. Je n’avais pas envie de tout gâcher en la mettant dans l’inconfort. Son murmure venant finalement faire battre mon cœur un peu plus fort.

Rapidement un serveur nous approche et nous tends des cartes. J’observe ce qui se déroule devant moi, la réflexion intense dans le regard de Rory tandis qu’elle fixe la carte, cherchant probablement ce qu’elle allait bien pouvoir déguster. Je la laisse choisir tout d’abord, je me plierais à son choix. Elle s’oriente sur un rouge, et les appellations qu’elle prononce sont courtes et concises comme si elle les connaissait par cœur et ça m’intrigue. Je lui lance un regard aussi curieux qu’amusé alors qu’elle se renfrogne sur sa chaise, n’oubliant pas la formule de politesse. Le serveur se tourne dans ma direction, me demandant à mon tour si mon choix était fait. « Je prendrais la même chose, merci beaucoup. Je pense qu’il serait même plus judicieux de nous apporter une bouteille, si c’est possible. » Je lance dans un sourire poli. Ce n’était pas l’argent qui manquait et je ne comptais pas regarder au montant de l’addition ce soir. L’important était de passer une bonne soirée. Nous nous retrouvons seuls et le silence s’installe à nouveau tandis que nous nous observons. Elle triture ses mains avec distraction. Le regard ailleurs. Comme si quelque chose l’empêchait de se livrer complètement à l’instant. Finalement, c’est elle qui reprend la parole avec une nouvelle question. « Oui ! Tasnime est ma cousine en réalité. Mais c’est également et surtout ma meilleure amie. » J’ajoute, presque fier de faire parti de ceux qui peuvent compter leur famille parmi les personnes les plus proches de leur entourage. « Nous avons grandi ensemble pratiquement, alors ça nous a considérablement rapprochés. » Je précise. Quand je n’étais pas le seul à demander après la petite fille auprès de mes parents, c’était elle qui enquiquinait ses pères pour venir passer du temps en ma compagnie. Elle était comme une sœur à mes yeux. Une personne sui qui je pourrais à jamais compter. Vite je retourne l’attention sur elle. « D’où tiens-tu cette connaissance en vin ? » Je demande curieux, alors qu’on nous apporte la bouteille commandée au préalable, nous laissant également une carte des plats. J’en salivais d’avance. Le serveur dépose deux verres à pied dont la robe d’un rouge foncé presque bordeaux, vient enrober le fond. Il prend congé nous laissant profiter d’un petite apéritif rapide. Je mourrais de faim, nous n’allions pas tarder à commander de quoi remplir nos estomacs. « Si nous trinquions à cette soirée ? » Je propose en levant mon verre en sa direction, fasciné par la beauté et la douceur de ses traits. Décrocher de son doux minois allait être bien compliqué.


           

Mes yeux allaient et venaient, ici et là, à travers la salle. L'ambiance dégageait quelque chose de réellement raffiné, une atmosphère à laquelle j'étais loin d'être habituée. Je venais de la campagne, des vignes et le summum du repas romantique - pour moi - se résumait à un pique-nique sous les étoiles, au beau milieu d'un champ. Je voyais ce bois laqué de noir, ces grands baies vitrées, cet aluminium brillant et je n'arrivais pas à me sentir très à l'aise. D'autant plus que le regard clair de Blake posé sur moi ne m'aidait aucunement à me détendre, me faisant gigoter sur mon siège. Cet homme avait des yeux magnétiques, qui me donnaient l'impression de pouvoir lire à travers moi sans la moindre difficulté. Et je me ratatine davantage lorsqu'il me souffle à quel point il est ravi de pouvoir dîner en ma compagnie. Alors que c'était plutôt à moi de me sentir chanceuse de pouvoir passer un moment à ses côtés. Je pouvais sentir quelques regards dirigés dans notre direction et il ne faisait pas de doute qu'ils se concentraient sur mon compagnon pour la soirée. Il était élégant comme tout dans son costume et je ne me lassais pas d'admirer les traits de son visage. En tant que professionnelle, je passais mon temps à étudier les traits de mes modèles, des acteurs qui m'étaient confiés. Je devais comprendre la construction de leur faciès pour construire un maquillage adapté, jouer avec leurs contours pour rehausser leur beauté naturelle ou transformer celle-ci en quelque chose d'autre, plus éthérée certaines fois, d'autres bien plus sombres. Mes iris glissaient sur ses pommettes, effleuraient l'arête de sa mâchoire et je finis par regarder ailleurs pour ne pas m'empourprer à nouveau. J'inspire profondément, m'exhortant au calme, appréciant l'arrivée d'un serveur pour me laisser un moment de répit.

Qui dure très peu de temps, à vrai dire. Parce que vient le choix de ma boisson, qui se porte instinctivement sur un verre de vin rouge. Et le jeune homme a le malheur de me demander ma préférence. Les mots s'échappent de ma bouche, en toute sincérité et je me raidis d'un seul coup, sentant mes pommettes chauffer légèrement quand je le remercie d'une voix faible. J'approuve intérieurement le choix de la bouteille. Peut-être que ça me mettrait suffisamment à l'air pour éviter de bégayer à la moindre phrase, pour apprécier ce moment à sa juste valeur. Parce que je devais juste donner l'impression de vouloir faire demi-tour au moindre instant. Alors que ce n'était pas mon intention. J'étais simplement impressionnée par l'homme qui me faisait face, par l'incongruité de l'endroit où je me trouvais par rapport à mes habitudes, par le simple fait de sortir avec quelqu'un alors que ça ne m'était pas arrivé depuis des années. Je finis par triturer plus ou moins discrètement mes doigts, le silence étant retombé entre nous. Je n'étais même pas capable d'entretenir un semblant de discussion de ma propre initiative. Et ça renforçait mes interrogations à son propos. Pourquoi moi ? Il fallait que je me reprenne. Ok, Rory, fais quelque chose. Je finis par lui poser la seule question qui me vient en tête. Parce que ça m'intriguait et que je préférais l'écouter parler, bercée par la profondeur de sa voix. Il avait une manière de s'exprimer et une aisance qui me fascinaient. Tasnime est ma cousine en réalité. Mais c’est également et surtout ma meilleure amie. J'écarquille légèrement les yeux. « Oh. » C'était donc pour ça. Je penche la tête sur le côté, en attente de plus amples informations. Puis un sourire attendri étire mes lèvres et j'imagine la joie que cela a du être, de pouvoir passer son enfance avec sa famille. Je n'avais que mes parents et je me souvenais à peine des rares cousins que nous avions pu retrouver pour quelques célébrations. Sa question me ramène au présent et je secoue la tête pour retrouver mes esprits, resserrant mes doigts entrelacés. Nos boissons arrivent à ce moment là et je lorgne quelques secondes sur mon verre avant de déglutir, glissant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. « Mes parents étaient vignerons, en Nouvelle-Zélande. » je souffle, les joues rosies. « J'ai passé beaucoup de temps avec eux et je donnais un coup de main quand ils en avaient besoin, alors j'ai appris sur le tas. » je rajoute, d'une petite voix. Si nous trinquions à cette soirée ? Son air égayé était éblouissant et je me sens fondre, à l'intérieur. Comme s'il passait la meilleure soirée de sa vie alors qu'il dînait en compagnie d'une créature rougissante et incapable de se sociabiliser correctement. « O-Oui. Avec plaisir. » Puis le cristal tinte délicatement et je laisse les saveurs envahir mon palais, dégustant une gorgée avec les paupières closes. Le vin imprègne ma gorge, s'étale sur ma langue et je pousse un léger soupir d'aise. « Il est très bon. » je commente, sa réponse me parvenant par un hochement de tête satisfait.

Et à mesure des minutes, je me sens me détendre légèrement, petit à petit. Le liquide carmin faisait son effet et je me poussais à l'apaisement. Parce que je n'avais rien à craindre et que Blake n'avait jamais agi de manière à me faire croire le contraire. Il était doux, patient, sans le moindre jugement. J'avais le droit de profiter de ce moment. Les serveurs reviennent à un moment pour prendre nos commandes concernant le repas et je le laisse choisir pour moi, ayant confiance en son jugement d'habitué des lieux. Le silence est entrecoupé de quelques conversations agréables et je me surprends à bavasser plus que d'habitude, la langue se déliant sous l'effet de l'alcool. Les plats sont d'une finesse qui me donnerait presque envie de pleurer et je me retiens de manger mon plat à toute vitesse, enivrée par les odeurs qui en émanent. Tout se passe à merveille et j'ai l'impression d'être dans un rêve, pendant un instant. Puis les lumières se font soudainement plus tamisées, me faisant froncer les sourcils. C'était léger mais j'avais remarqué le changement de luminosité. « Qu'est-ce qu'il se passe ? » j'interroge Blake, faiblement. Nous savourions cet instant de répit avant de décider pour le dessert et je me fige quand un projecteur plonge notre table dans une clarté qui agresse ma rétine. « Blake ? » je réitère, dans un glapissement. Je retrouvais la brûlure familière sur mes joues et mon corps tout entier s'était raidi. « Mesdames et messieurs, il est temps de vous redresser et d'attraper votre partenaire par la main. » Mes yeux filent à toute vitesse vers le brun, mon coeur battant dangereusement vite dans ma poitrine. « C'est le moment que vous attendiez tous. » Doux Jésus. J'avais l'impression de pouvoir défaillir à n'importe quel instant. « Qu'est-ce que- ? » Je cherchais une réponse sur le visage de mon compagnon de repas mais je n'étais pas certaine d'être ravie de l'entendre.

J'espérais en tout cas qu'il savait comment réanimer une personne inconsciente.
         

Des femmes, j’en avais rencontré, tout au long de ma jeune vie. Mais aucune ne m’avait rendu aussi impatient de la revoir. Notre première rencontre avait été particulière, je devais bien l’avouer, mais jamais un regard ne m’avait autant marqué que celui d’Aurora. Je n’avais pu oublier la profondeur de ses yeux de biche. Pas un seul instant. Je repensais encore à la manière dont elle s’était comportée, à ses petites attitudes. Tout me rendait impatient de la revoir. De l’apprendre, de la connaître un peu plus encore, que ce que j’avais pu déjà voir. Jamais, je n’avais eu autant hâte d’emmener une femme dîner. C’était peut-être de bon augure. Seul l’avenir pourrait nous le dire. Pourtant, quand elle apparait, je suis parfaitement charmé, plus encore qu’auparavant.

Je ne me souvenais pas d’un mauvais moment avec Taz. Quand ma mère s’est mariée à mon père, j’étais le seul enfant dans l’entourage. Principalement parce que le contexte familial semblait particulier. Je pouvais encore me souvenir du premier jour où on m’avait présenté Tasnime, quelques années plus tard. Une petite fille adorable, et je savais, au fond de moi, que cette petite personne allait devenir ma meilleure amie. Nous n’avions pas passé un jour sans que je ne demande à voir la petite fille. Même à l’arrivée de mes sœurs, j’allais toujours vers elle. On se comprenais. Deux esprits malins. Puis il y avait eu la séparation de mes oncles, et j’avais craint qu’on ne se voie plus autant. Ce qui n’a pas été le cas. J’avais vécu mes plus beaux souvenirs avec elle. Je lui avais présenté mes petites sœurs, comme si elles étaient les plus beaux trésors du monde. On avait grandi pour faire les quatre cents coups ensemble. Faire rire l’assemblée de nos bêtises, et tant d’autres moments que je n’oublierais jamais. Aujourd’hui, nous étions toujours aussi proches, au point où je subissais interrogatoires sur interrogatoires quant à mes fréquentations. Je pouvais être certain qu’après ce soir, j’allais recevoir un coup de fil de sa part. Elle ne louperait pas une miette de tout ça. « J’ai de la chance de l’avoir pour amie. » Je rajoute dans un sourire. Mais l’essentiel de ce soir, c’était Aurora. Dont la rougeur de ses joues, fait battre puissamment mon cœur. J’appréciais terriblement sa douceur. Elle était tout ce qu’il y avait de plus naturelle, et bon sang que c’était rafraichissant. Tandis que nos boissons arrivent elle me parle du métier que font ses parents et comment elle a tant appris sur les différents vins. « Je suis certain que ce doit être un monde terriblement intéressant. » Je commente avec une certaine douceur. Mes connaissances à moi venaient seulement de ce que m’avait appris mon père. Nous trinquons finalement à cette soirée et ce dîner avant de déguster nos verres. Sa remarque me fait sourire. « Ravi qu’il te plaise. Je n’ai jamais été déçu des boissons qu’ils servent ici. » J’ajoute, avec contentement. L’endroit était parfait pour la soirée. « Alors comme ça, tu es néo-zélandaise ? Ca fait longtemps que tu vis à Los Angeles ? » Je demande, curieux.

Nous finissons par commander de quoi nous nourrir. Elle me laisse choisir pour elle, et je commande deux plats terriblement raffinés, mais j’étais certains que ça lui conviendrait. La quantité de vin dans la bouteille s’amenuise tandis que les discussions elles, vont de bon train. Je me montre tout ce qu’il y a de plus avenant, gentil et patient. Je al regarde se détendre, se faire à l’ambiance du lieu, à cette soirée, rien qu’entre elle et moi, et j’y prends un plaisir fou. J’aimais la simplicité de cet instant que l’on partageait. J’aimais la regarder, elle avait tout d’une petite fée. Elle était terriblement jolie, et suscitait chez moi, un véritable attrait. L’entendre parler était un vrai régal. J’étais vraiment ravi d’être en sa compagnie, et une part de moi, voudrait que ça ne se termine jamais. La lumière autour de nous se tamise quand nous terminions nos plats, et je reconnaissais ce que ça voulait dire. La particularité de ce restaurant, était ses soirées dance cam. Je n’avais pas conscience que c’était une d’entre elles ce soir, mais j’étais particulièrement surpris en bien. Si j’avais emmené danser mes sœurs sur cette piste de danse, ainsi que ma cousine, ce soir, c’était sûrement Aurora que j’allais devoir faire danser, si le projecteur venait à pointer son faisceau de lumière sur notre table. « C’est une tradition de ce restaurant, certains soirs. » Dis-je, alors que mes yeux tentent de la rassurer. Nous espérions prendre nos desserts quand un projecteur nous aveugle, et j’observe Rory rougir plus encore qu’à son arrivée ici. L’annonce retentit et je ne peux m’empêcher de sourire tant j’aurais pu me douter que ça arriverait. Un dîner à deux, c’était presque évident. Je finis par me lever et venir tendre la main à la brune. « Ce faisceau nous a désigné pour une danse. Mademoiselle ? » Demandais-je dans un sourire rassurant. « Je saurai te guider, tout va bien se passer. » J’appuie mes paroles d’un regard. Je la sentais fébrile, alors que sa main vient se poser lentement dans la mienne. J’espérais qu’elle n’allait pas fuir après ça.  



           

Trouver un sujet de conversation pour ne pas se mettre à paniquer. Mon objectif numéro un afin d'éviter de commencer à me tortiller sur ma chaise. Parce que je n'étais pas sortie depuis longtemps et encore moins en compagnie d'un homme aussi beau. Beaucoup de regards - et majoritairement féminins, sans grand étonnement - étaient dirigés vers Blake. Mais je n'aurais pas pu les critiquer parce que j'avais moi-même du mal à détacher mon regard de son visage. Il y avait vraiment quelque chose chez lui de fascinant. Et c'était un moyen de focaliser mon attention pour ne pas me perdre dans l'agitation qui remplissait le restaurant. Je ne m'étais jamais vraiment habituée à la vie citadine, à tout ce fourmillement qui venait de part et d'autre, qui ne semblait jamais s'arrêter. Trop de bruit, trop de mouvements, trop de vitesse. Mais au milieu de la tempête, il y avait ces yeux perçants, d'un bleu clair, qui paraissaient ne voir que moi. Au point où je sens mes pommettes prendre une teinte supplémentaire. Alors je l'interroge sur Tasnime, réellement curieuse du lien qui les unissait. Il m'explique qu'ils sont cousins mais qu'elle reste surtout sa meilleure amie. Et je jalouse presque une relation comme la leur. Je ne pouvais pas me targuer d'apprécier une personne de la même manière, d'avoir quelqu'un que je chérissais autant. Mais je n'avais pas vraiment fait de pas pour en arriver là alors la faute me revenait principalement. Néanmoins, la tendresse qui traversait le visage de Blake à la mention de sa cousine était charmante. Elle adoucissait ses traits taillés à la serpe et je sens mon coeur rater un battement. Puis un deuxième quand ses yeux s'arrêtent sur moi, m'observant intensément. Nos verres arrivent au même moment et il m'interroge sur mes connaissances en vin. Gênée, j'explique brièvement le travail de mes parents et les circonstances qui m'ont amené à être plus ou moins calée sur le sujet. Je n'aimais pas être le centre de l'attention. J'en profite pour essayer de faire descendre ma timidité avec une bonne gorgée de Cabernet Sauvignon. Mais il revient à la charge et je presse mes genoux l'un contre l'autre, faisant rouler le pied du verre entre mes doigts. « Oui... » je souffle, laissant mon regard dévier autour de nous pour éviter de rougir à nouveau devant l'intensité du sien. « J'y ai vécu jusqu'à mes sept ans puis nous avons déménagé aux Etats-Unis. » je rajoute, avant de contempler le fond de mon verre, les joues cuisantes. Le moment de choisir les plats vient me sauver de l'embarras et je le laisse décider, l'observant à la dérobée derrière mon menu.

Mon estomac hurle de contentement en dégustant mon assiette, élaborée avec soin et je savoure les notes qui effleurent mon palais. Marié avec le vin, le plat était d'autant plus délicieux. Et je sens mon cerveau s'alléger, ma poitrine se remplir de petits crépitements agréables. L'alcool faisait gentiment son effet et le monde me semble moins difficile à supporter. Puis d'un coup, la lumière de la pièce change. Elle devient plus tamisée encore, plongeant les convives dans une sorte de pénombre qui fait se raidir mon corps tout entier. C’est une tradition de ce restaurant, certains soirs. « Comment ça ? Quelle tra- » La seconde d'après, j'ai l'impression d'être aveugle. Un projecteur s'était dirigé sur notre table, inondant celle-ci d'une lueur éblouissante. Mes mains viennent protéger mes yeux et je cligne des paupières à plusieurs reprises pour habituer ma vision, le visage de Blake retrouvant des contours presque nets. Sur celui, pas de réelle surprise. Et je l'interroge, le coeur battant tout rompre dans ma poitrine. Je déglutis, incertaine de l'implication de ses paroles. « Qu'est-ce qui se passe, Blake ? » je glapis, les pommettes cramoisies. Celui-ci se lève, l'air de rien avant de faire un pas de mon côté, tendant la main dans ma direction. Je regarde sa main, puis son visage. Avant de répéter l'opération deux ou trois fois, sans comprendre. Qu'est-ce que ? Il avait l'air d'un calme olympien. Moi, j'essayais de ne pas faire syncope. La lumière me brûlait la rétine et me donnait le sentiment d'être sur une scène pour une représentation de fin d'année. L'angoisse. Ce faisceau nous a désigné pour une danse. Une quoi ? Mes lèvres se retroussent, dans une parodie de rire forcé. Mais il se blague pas, se contentant de m'attendre, la main toujours tendue vers moi. Je saurai te guider, tout va bien se passer. Je vais mourir, oui. Est-ce que j'avais l'air de savoir danser ? Non. Et c'était bien pour cette raison que je me demande si partir en courant n'est pas une solution préférable. Mais Blake n'avait pas bougé d'un pouce et j'avais envie de croire que ça pouvait bien se passer. En tout cas assez bien pour ne pas me ridiculiser devant toute une assistance. Alors je prends une profonde inspiration, lui jetant un œillade interrogative avant de prendre le risque de lui faire confiance. Ma paume se glisse contre la sienne dans un léger frisson et je me relève pour le rejoindre.

Faites que tout se déroule comme sur des roulettes.

Je réprime à peine un petit couinement quand son autre main se glisse sur ma taille, rapprochant mon corps du sien et la température semble augmenter d'une dizaine de degrés. Son parfum frais flottait autour de moi et sa peau émettait une chaleur qui se diffusait sur la mienne, seconde après seconde. Des murmures se font entendre dans mon dos, indistincts. Mais ils suffisent à me mettre la pression et je me crispe à nouveau, mal à l'aise. « Qu'est-ce qu'on fait ? » je souffle, avant de grignoter l'intérieur de ma joue.
         

Aurora avait toute mon attention. Je ne voyais qu’elle, n’entendais qu’elle. Je ne me laissais pas happé par les regards autour de nous. Elle avait quelque chose de si particulier dans le visage, une douceur sans nul autre pareil. C’était terriblement délicat. Un air presque féerique, avec ses traits si finement marqués. Elle avait tout d’une œuvre d’art. Un tableau que je voudrais contempler sans en perdre une miette et pas seulement ce soir. Si l’on m’en donnait l’occasion, je crois que je pourrais la regarder des heures durant. Je n’étais pas certain d’où nous mènerait cette soirée, ni même s’il y aurait d’autre, mais avais-je bien le droit de rêver ? Tous les hommes rêvent un jour, d’avoir une nymphe aux côtés de laquelle avancer. Le moindre détail de son visage me parvenait, chaque sourcillement, chaque rougissement de sa peau, quand nos regards se croisent. Je crois que c’est ce que je trouve le plus adorable, dans la manière qu’elle avait de se comporter. Si singulière et pourtant, on pourrait lui offrir le monde sur un plateau d’argent. Je capte l’intérêt qu’elle porte à la relation que j’entretiens avec la seule femme qui n’avait jamais suivi mon chemin en dehors de ma mère et mes sœurs. Tasnime, mon binôme. Elle était à la vie, le piment qui apportait un peu de folie. La partenaire idéale, pour une petite virée. Pendant longtemps, j’ai cru qu’elle était la seule qui pourrait bien me comprendre, malgré les tempêtes. C’était simple avec Taz. Rien ne semblait perturber cette solide amitié, bien au contraire. Je finis par taire toute l’affection que je peux bien porter à ma cousine, pour ne me porter que sur elle. Mais trop vite, nos verres arrivent et me coupent dans ma contemplation. « Je serais curieux d’entendre les dizaines d’histoires et anecdotes que tu pourrais avoir sur le sujet. Si tu es d’accord, bien sûr. » Repris-je avec politesse, avant de la questionner sur un tout autre sujet. « La Nouvelle-Zélande te manque-t-elle ? Je dois bien avouer que c’est un pays que je trouve fascinant pour toute sa diversité. » Commentais-je en espérant de nouveau capter son regard, tant il se faisait fuyant. Je comprenais sa timidité, mais elle avait des yeux d’une telle beauté, que je refusais totalement de m’en priver. J’espérais aussi la faire s’ouvrir un peu. La mettre aussi à l’aise qu’il était possible.

Il nous suffisait de nous délecter de notre plat, pour être de nouveau dérangés par la lumière aveuglante d’un projecteur. Je suis alors partagé par deux sentiments parfaitement contradictoires. Je suis amusée, profondément. Je savais ce que cette lumière voulait dire pour avoir dû partager ce moment avec ma meilleure amie. Mais l’autre part de mon être, ne peut pas s’empêcher de se dire que c’était une terrible idée et que j’aurais peut-être dû me renseigner avant de l’emmener dîner ici, ce soir. Les soirées Dance Cam étaient un véritable concept : désigné par la lumière, couple ou non, les protagonistes sont destinés à partager une danse. Fidèle à la tradition, je me lève finalement, pour me pointer devant elle, une main tendue, tandis qu’une autre prend place dans mon dos. Parfait gentleman et pas uniquement sur le papier. Les manières, elles aussi, répondaient par la présente. Dans son regard, je perçois un vent de panique. Elle me fixe longuement, sans trop savoir quoi faire, ni comment réagir. Je tente alors de la rassurer comme je peux, sans perdre mes appuis. « Je ne te laisserais pas tomber. » Soufflais-je finalement, avant qu’elle n’accepte de glisser sa paume dans la mienne, sa chaleur créant tout de suite une sorte de parfaite harmonie, au creux de ma main. Je pourrais presque soupirer d’aise, tant la sensation est agréable.

Nous avançons finalement, un peu plus à l’écart de notre table pour ne rien abîmer et ma main libre se glisse finalement autour de sa taille. Je remerciais silencieusement mes parents de m’avoir fait tant danser, quand j’étais petit. Elle est si proche de moi et je ne peux que m’en satisfaire, bien qu’elle semblât ridiculement petite et fragile. « Lorsque la musique démarrera, il nous suffira simplement de suivre le rythme. » Je commence, dans un sourire. Son malaise me tirait un sourire attendri. « Fais-moi confiance, je te guiderai. Fie-toi simplement à moi. Ne regarde que moi. » Lui conseillais-je, avant de l’entraîner dès les premières notes, sur un rythme lent et doux. Rien de trop compliqué à suivre. Je ne regarde qu’elle, mes yeux sont parfaitement happés par la grâce de son visage, et quoi qu’elle veuille bien en dire, elle ne se débrouillait vraiment pas si mal, bien au contraire. C’était fluide, presque comme si nous avions déjà fait ça, des dizaines de fois auparavant. Nous ondulons, tournons, nos pas se font aussi légers que des plumes. C'est presque automatique, facile. Peut-être parce qu'ils étaient simple pour moi. L'étaient-ils pour elle ? Les secondes sont fugaces, je connais cette musique, je sais qu’elle n’est pas si longue. Elle viendra à sa dernière note avant que nous ayons le temps de dire ouf. Je lâche sa taille pour la faire tourner entre me bras et la rattrape avant qu’elle ne parte à nouveau ou ne tombe. Le moment me réchauffe l’âme et se grave dans ma mémoire, comme l’un de ses souvenirs que l’on n’oubliera pas. Quelques pas encore et la chanson prends fin. Les voix s’élèvent autour de nous, mais je n’entends rien. Il n’y a qu’elle. « Tout va bien ? » Soufflais-je, finalement à son attention, pour m’assurer qu’elle ne s’enfuira pas. Pitié, qu’elle n’ait pas pris peur. Je n’avais pas prévu une telle chose pour notre soirée, mais la spontanéité du moment l’avait rendu encore meilleur, j’osais croire qu’il avait été appréciable pour elle aussi. Je voulais avant tout, qu’elle partage un aussi bon moment que moi.