From exile to discoveries. (Calidora #1)

La pluie avait commencé à tomber.

Comment je le savais ? Parce que je l'avais lu dans des livres poussiéreux, parce que j'avais visionné des enregistrements qui dataient de centaines d'années auparavant. Des films où l'eau s'écoulait en torrents depuis le ciel, avant de retomber avec fracas sur le sol. La seule eau qui s'était abattue sur ma tête avant ça, c'était celle du pommeau de douche, tiède, minutée pour ne pas perdre une seule ration. Là, ça dépassait tous mes rêves les plus fous. Peu importe la pluie qui ruisselait sur mes maigres vêtements, tout ce que je voyais était de la verdure jusqu'à l'horizon. Après des heures qui m'ont semblé des jours à marcher droit devant moi, sans repères, j'avais finalement réussi à mettre autant de distance que possible avec la terre où l'on m'avait envoyée. La Terre. Celle qu'on croyait ne plus être habitable depuis longtemps, celle qui restait un tabou et une utopie. La terre saccagée par les ancêtres, l'origine même de l'enfermement de ma petite soeur, en fin de compte. Parce qu'ils ne pouvaient plus y fouler le sol, ils s'étaient restreints aux souterrains pour ne pas mourir et un seul enfant était permis par famille pour ne pas utiliser plus de ressources que nécessaire. Mes parents avaient fait l'erreur de s'aimer une seconde fois et Odenna en avait payé le prix. Recluse, mise à l'écart, comme une pestiférée. Il ne se passait pas un seul jour sans que je n'aille voir son visage, caresser ses cheveux, lui conter les aventures et murmures qui se dressaient de l'autre côté de sa prison. Et on me l'avait arraché, il y a trente jours. Trente jours à la savoir à la surface, seule, sans défense, sans aucun moyen de survie. La génie de l'électronique, laissée face à elle-même dans un monde dont on ne connaissait rien. Mon sang n'avait fait qu'un tour et je m'étais juré de poursuivre ses recherches, de comprendre ce qu'elle avait découvert et ce qu'elle avait voulu partager au reste de la communauté, avant d'être exilée.

Mais rien ne reste secret bien longtemps et j'avais fini par subir le même sort. Je me souviens simplement d'avoir été emmenée dans un endroit sombre et sec, les yeux bandés, entourée de murmures sanglotants. Et avec une dernière pensée pour mes parents, j'avais rejoint la Terre, l'esprit rempli d'espoir à l'idée de retrouver ma soeur. Désormais, j'avais doucement sous la canopée, observant les gouttes de pluie serpenter le long des troncs, se tailler un chemin le long des talus boueux, les cheveux trempés et l'esprit aux aguets. Mais je n'arrivais pas à me défaire de cette sensation d'émerveillement qui secouait toute entière. Mes yeux étaient agressés par la lumière naturelle qui transparaissait à travers les arbres, peu habitués à tant de lux. Tout cet espace ouvert, immense, inflexible, face à l'obscurité et l'étroitesse des corridors auxquels j'avais été habituée. Un craquement retentit soudainement et je me fige, le coeur battant à tout rompre. Mes yeux clairs parcourent l'environnement qui malgré sa beauté, me reste inconnu et hostile, à la recherche d'un indice. Fléchissant les genoux, je m'accroupis pour récupérer une branche gisant sur le sol, le regard toujours alerte. Putain, ce que je regrettais ces habits troués, où il était impossible de dissimuler une lame. Ces gardes étaient beaucoup trop zélés et ils étaient allés jusqu'à fouiller dans la tresse qui retenait mes mèches blondes enlacées les unes aux autres. J'aperçois vaguement une ombre dans le fourré et mon ventre se noue. « Denna, c'est toi ? » Mais aucune réponse ne vient à la rencontre de ma question et je me replie en position de défense, mon vulgaire bâton tendu droit devant moi. « Montrez-vous ! » je hèle, dans le vide. Il était dit que les animaux n'avaient pas survécu à la Catastrophe mais je préférais ne plus croire en rien, maintenant que j'étais là-haut. Et je ne voulais pas me faire dévorer alors que ça ne faisait que quelques heures que j'arpentais cet endroit. Il me restait à vivre, à découvrir et une soeur à retrouver. Coûte que coûte.